En Allemagne, le Parlement approuve mille milliards de crédits pour la guerre

Un char de combat Leopard II exposé en guise de publicité pour recruter dans l'armée allemande (Bundeswehr) au salon de l'automobile à Essen, le vendredi 1er décembre 2023. [AP Photo/Martin Meissner]

L’autorisation par le Parlement allemand de 1000 milliards d’euros de nouveaux crédits pour la guerre est un tournant historique,

Officiellement, on justifie cette mesure par les besoins de défense et de sécurité du pays, ainsi que par la rénovation d'infrastructures défaillantes. Mais il s'agit là de pure propagande. Ce n'est pas là un programme de défense, mais un programme de guerre.

Le véritable objectif de ce gigantesque programme d'armement est de transformer à nouveau l'Allemagne en puissance militaire majeure, capable de s'affranchir du contrôle américain, de dominer l'Europe et d'affronter d'autres grandes puissances – la Russie, la Chine et les États-Unis – dans la lutte pour un nouveau partage violent du monde. Quatre-vingts ans après la capitulation de la Wehrmacht hitlérienne, le militarisme allemand se libère des dernières entraves qui lui avaient été imposées en raison de ses crimes de guerre.

Personne ne doit se faire d'illusions. Le prix de cette offensive de réarmement massif sera payé par les travailleurs, et en particulier par les jeunes, sous forme de baisse des salaires et des prestations sociales, d’un rétablissement du service militaire obligatoire, de la suppression des droits démocratiques et, à terme, de guerre et de destruction.

Alors que les partis de la nouvelle grande coalition, les chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et les sociaux-démocrates (SPD), avec le soutien des Verts, débloquent des sommes illimitées pour le réarmement, ils insistent également pour intensifier les coupes dans les dépenses sociales et de retraite, ainsi que dans le secteur public. Le chancelier désigné Friedrich Merz (CDU) a déjà annoncé de nouvelles coupes dans les allocations sociales (Bürgergeld) et d'autres dépenses sociales.

De plus, le «fonds spécial pour les infrastructures», qui représente environ la moitié des nouveaux emprunts, n’est pas utilisé pour rénover les écoles et les hôpitaux délabrés – comme on ne cesse de le colporter – mais pour agrandir les routes, les ponts et autres installations afin de les rendre aptes à la guerre.

Le chef du SPD, Lars Klingbeil, a déclaré que d'importants investissements dans les infrastructures étaient «essentiels pour une Allemagne forte dans une Europe forte qui assume davantage de responsabilités en matière de sécurité». Le «Livre blanc» pour la politique de défense, présenté mercredi par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, cite la «mobilité militaire» – un réseau de couloirs terrestres, d'aéroports et de ports maritimes pour le transport de troupes et de matériel – et le développement de nouvelles technologies de guerre électronique comme éléments centraux du réarmement européen, au même titre que la production de systèmes d'armes modernes.

À cela s'ajoutent le coût exorbitant des intérêts et du remboursement des crédits, qui doivent être financés par le budget ordinaire. La dette totale de l’État au plan national, des Länder (régions) et des municipalités passera de 2 500 milliards d'euros actuellement à 4 200 milliards d'euros d'ici dix ans, en raison des crédits de réarmement.

Les moyens antidémocratiques par lesquels ce plan a été adopté au Bundestag (Parlement) montrent déjà que la mise en œuvre de ce vaste programme de réarmement nécessite des méthodes dictatoriales.

Durant la campagne électorale des législatives, ni la CDU/CSU ni le SPD n'ont parlé clairement aux électeurs ; ils n’ont pas annoncé leur volonté d'investir mille milliards d'euros dans l'armement. Depuis des années, ces deux partis brandissent le « frein à l'endettement », inscrit dans la Constitution et qui limite strictement les nouveaux emprunts, comme une relique sacrée intouchable, afin de justifier des coupes sociales sans précédent. Le gouvernement de coalition sortant, composé du SPD, des Verts et des Libéraux-démocrates (FDP), s'est effondré sur cette question, et Merz avait encore affirmé dans la campagne électorale que le frein à l'endettement resterait en vigueur.

Mais dès la fermeture des bureaux de vote, la CDU/CSU et le SPD ont convoqué le Bundestag sortant pour décider, avec les Verts, d'emprunts gigantesques pour leur programme de guerre. Le nouveau gouvernement ne dispose en effet pas au nouveau parlement de la majorité des deux tiers nécessaire pour adopter une telle législation.

Fin de l'alliance transatlantique

Si l'on lit les articles des think tanks spécialisés et les commentaires des principaux médias allemands, le véritable but de cette gigantesque offensive militaire apparaît clairement. On vise par là trois objectifs: sortir de la dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis, affaiblir durablement et soumettre la Russie à l’impérialisme, et dominer l’Europe.

Jörg Lau écrit dans Die Zeit que la reprise du pouvoir par Donald Trump avait marqué «la fin d’une ère de transatlantisme dans la politique étrangère allemande – une ère où les gouvernements de toutes couleurs tenaient pour acquis que l’alliance avec l’Amérique assurerait la sécurité et la prospérité de l’Allemagne ».

L'attaque de l'Ukraine par Poutine avait révélé «l'ampleur effrayante de la dépendance de l'Europe vis-à-vis des États-Unis». Désormais Merz devait « concevoir une politique étrangère allemande qui, en cas de doute, puisse fonctionner sans les États-Unis comme partenaire bienveillant (ou même avec les États-Unis comme adversaires).»

Der Spiegel se réjouit du «printemps européen dans la politique de sécurité». Un article détaillé du magazine, écrit par sept auteurs, affirme : « Une OTAN sans les États-Unis serait une tâche du siècle, un tournant historique. Or, c’est précisément ce qui est actuellement sérieusement envisagé.» Les contours possibles d’une « OTAN européanisée dans laquelle Washington ne jouerait qu’un rôle minime, voire nul, se dessinent déjà. Une nouvelle alliance flexible pourrait s’étendre de Van, en Turquie, à Vancouver, au Canada, et, dans le meilleur des cas, s’appuyer sur une Ukraine aguerrie. »

Le magazine d’information accuse les Américains d'avoir « délibérément organisé l'OTAN de telle sorte que peu de choses fonctionnent sans eux. L'alliance a toujours servi de moyen pour contrôler les alliés ». Les images satellite haute résolution, les avions de transport et les services de renseignement américains avaient assuré la cohésion de l'OTAN. De nombreux pays européens avaient acheté des armes américaines ; ils dépendaient des États-Unis pour les pièces détachées et la mise à jour des logiciels. Pendant ce temps, l'Europe se demandait si le Pentagone n'aurait pas même intégré une sorte de « coupe-circuit » dans l'avion furtif F-35 – un mécanisme qui rendrait l'appareil inutilisable en cas de besoin.

Le Conseil allemand des relations extérieures (initiales allemandes DGAP) partage ce sentiment. « L’alliance transatlantique telle que nous la connaissons a disparu et la cohésion entre l’Europe et les États-Unis s’érode chaque jour davantage », écrit Stefan Meister, son expert pour l’Europe de l’Est. « Trump ne sert pas seulement l’Ukraine à Poutine, mais aussi l’Europe, qui ne peut se défendre sans les garanties de sécurité américaines. » Les conséquences du « déni de réalité allemand et européen de la dernière décennie » étaient désormais brutalement visibles.

Le DGAP a publié plus d'une douzaine d'articles appelant à un réarmement plus rapide et à une politique étrangère allemande plus agressive. Les titres parlent d'eux-mêmes : « L'européanisation de l'OTAN est indispensable », « Pour une Allemagne militairement forte », « Coopération franco-allemande de la Défense : c'est maintenant ou jamais », « L'Allemagne doit redevenir un moteur de la politique commerciale de l'UE », « La cyberdéfense ne suffit pas face à la cyberagression de la Chine et de la Russie » et « Le temps de la naïveté est révolu », pour n'en citer que quelques-uns.

Le DGAP est la voix authentique de l'impérialisme allemand. Il fut fondé en 1955 par de hauts représentants du monde politique et économique, dont Hermann Abs et Robert Pferdemenges, tous deux banquiers importants sous le régime nazi ; plus des deux tiers de son financement proviennent encore du secteur privé. Son président actuel, Thomas Enders, a longtemps dirigé Airbus, premier constructeur aéronautique mondial et troisième entreprise de défense européenne.

Le bellicisme envers la Russie

Le chant du cygne de l'alliance transatlantique s'accompagne d'un bellicisme hystérique contre la Russie. L'Allemagne et d'autres puissances européennes réagissent aux tentatives de rapprochement de Trump avec Poutine par un plan insensé visant à mettre à genoux par eux-mêmes la deuxième puissance nucléaire mondiale.

Der Spiegel cite un général britannique à la retraite convaincu que «l'Europe seule peut tenir tête à la Russie». Selon lui, les membres européens de l'OTAN devraient consacrer 3,5 pour cent de leur production économique, soit environ 250 millions d'euros par an, au remplacement des capacités et des troupes américaines.

Sur le plan économique, selon Der Spiegel, « les Européens ont un net avantage dans la course aux armements. » La Russie ne possédait qu'un dixième de la puissance économique de tous les États européens de l'OTAN. Le Premier ministre polonais Donald Tusk avait résumé ainsi la situation : « 500 millions d'Européens demandent à 300 millions d'Américains de les protéger contre 140 millions de Russes. »

La production européenne d'armes connaît une accélération massive. Les 150 milliards d'euros débloqués par l'UE à cet effet ne devaient « pas servir à acheter des armes américaines », car il n'y avait « pas d'autonomie stratégique sans préférence européenne », a déclaré Der Spiegel en citant un ministre français.

Afin d’éviter que les plans de guerre ne soient bloqués par des membres de l’UE comme la Hongrie, une «coalition des volontaires» comprenant également des pays non membres de l’UE comme le Royaume-Uni, la Norvège et la Turquie, devait être formée pour créer une OTAN européenne.

«La Turquie contrôle l'accès à la mer Noire et dispose d'une armée de 400 000 hommes, la deuxième plus grande de l'OTAN», explique Der Spiegel. «Son industrie de défense peut livrer rapidement des armes, des drones de combat et des obus d'artillerie.» Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, avait déjà promis de participer à une nouvelle architecture de sécurité européenne.

Selon Der Spiegel, la future coopération avec Kiev est tout aussi importante. «Personne ne sait mieux que les soldats ukrainiens comment combattre avec des drones. Les Européens peuvent grandement bénéficier de ce savoir-faire.» Un fabricant allemand les produit déjà en association avec des drones kamikazes ukrainiens: « Tout ce qui permet de contenir Poutine est utile. »

Le DGAP est favorable à un changement de régime forcé en Russie par l'intensification de la guerre en Ukraine et l'élargissement de l'UE. «Il est illusoire de croire que Poutine mettra fin à la guerre contre l'Ukraine et l'Occident en échange de concessions», écrit Stefan Meister. « Le système Poutine doit être affaibli durablement afin qu'un changement politique de l'intérieur devienne possible.» Il demeurait «crucial que la Russie prenne conscience des limites de sa puissance militaire en Ukraine».

On ne saurait exagérer le caractère dément de cette stratégie. Un changement de régime à Moscou porterait probablement au pouvoir une faction qui serait bien plus rapide que Poutine à déployer des armes nucléaires. Des personnalités entièrement au service de l'OTAN comme feu Alexeï Navalny n'ont guère de soutien en Russie. Le souvenir de la guerre d'anéantissement allemande en revanche, qui a coûté la vie à 28 millions d'habitants de l'Union soviétique, est trop vivant.

Affirmer que la Russie conquerra l'Europe entière si elle n'est pas vaincue en Ukraine est absurde. Le pays manque de toutes les conditions économiques et militaires nécessaires, de même que d’une motivation politique. L'invasion de l'Ukraine par Poutine était une réponse réactionnaire à l'avancée de l'OTAN sur ses frontières, perçue à juste titre comme une menace par Moscou, comme le confirme l'hystérie guerrière actuelle. C'est précisément parce que la Russie ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener une guerre conventionnelle contre une Europe surarmée que le risque de recourir à l'arme nucléaire est particulièrement élevé.

Des plans de réarmement de longue date

Les attaques lancées par Trump contre l'Union européenne, l'imposition de droits de douane punitifs et la tentative de parvenir à un accord avec Poutine sur l'Ukraine sans tenir compte des Européens, ont accéléré les plans de réarmement de l'Allemagne. Mais ces projets existent depuis bien plus longtemps.

La classe dirigeante allemande n'a jamais accepté d'être reléguée militairement au second plan après l'échec de la guerre d'extermination d'Hitler. Ce qui l'a empêché de redevenir une puissance militaire majeure, ce fut la méfiance des puissances victorieuses à son égard et surtout la résistance de la classe ouvrière.

Lors de sa création en 1949, l'OTAN avait pour mission de « maintenir les Américains à l'intérieur, les Russes à l'extérieur et les Allemands à terre », selon les termes de Lord Ismay, premier secrétaire général de l'OTAN. Initialement, la République fédérale d'Allemagne d'après-guerre ne disposait pas de forces armées propres et n'a été admise au sein de l'OTAN que six ans plus tard, avec l'escalade de la guerre froide contre l'Union soviétique. Bien que les effectifs de la Bundeswehr soient vite devenus relativement importants, atteignant presque les 500 000 soldats conscrits, elle a principalement servi à la défense territoriale et n'a jamais avant 1999 été déployée dans une guerre active.

L'opposition à la guerre et au militarisme était largement répandue en Allemagne. Dans les années 1950, des millions de personnes, soutenues par les syndicats, manifestèrent contre le réarmement et les tentatives d'armement nucléaire. À la fin des années 1960, le mouvement de protestation contre la guerre du Vietnam s’était accompagné d’une forte hausse des refus du service miliaire dû à l'objection de conscience. Et en 1982, des manifestations massives contre le déploiement de missiles nucléaires de moyenne portée en Allemagne conduisirent à la chute prématurée du gouvernement d'Helmut Schmidt (SPD).

Avec la réunification allemande de 1990, les appels à une politique allemande de grande puissance se sont intensifiés. En 1993, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Klaus Kinkel (FDP), déclarait : « En tant que nation de 80 millions d'habitants, en tant que pays doté de l'économie la plus forte au centre de l'Europe, nous portons une responsabilité particulière, en partie nouvelle, que nous le voulions ou non. » De par sa situation centrale, sa taille et ses relations traditionnelles avec l'Europe centrale et orientale, l'Allemagne était « prédestinée à tirer le principal avantage du retour dans l’Europe de ces États ».

En 1998, le Bundestag vota en faveur du premier déploiement de troupes allemandes dans la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie. Comme c'est le cas aujourd'hui, l'ancien Bundestag, déjà démis de ses fonctions, fut alors convoqué à nouveau. Les Verts, qui avaient catégoriquement rejeté une participation allemande à la guerre pendant la campagne électorale, votèrent en faveur de ce déploiement, ouvrant ainsi la voie à leur entrée au gouvernement allemand. Leur chef, Joschka Fischer, devint ministre des Affaires étrangères. À l'époque, la décision en faveur de la guerre avait failli déchirer le parti ; aujourd'hui, les Verts sont les pires fauteurs de guerre.

En 2013, plus de 50 personnalités politiques, journalistes, universitaires, militaires et représentants du monde des affaires ont rédigé le document « Nouveau pouvoir – Nouvelle responsabilité ». Celui-ci servit de modèle à la politique étrangère de la Grande coalition venant d’être formée par la CDU/CSU et le SPD et dirigée par Angela Merkel (CDU). Ursula von der Leyen, elle aussi CDU, aujourd'hui présidente de la Commission européenne, était alors ministre de la Défense ; l’actuel président allemand Frank-Walter Steinmeier (SPD) était ministre des Affaires étrangères.

Ce document revendiquait un «rôle directeur» international pour l'Allemagne qui, en tant que « nation commerçante et exportatrice» vivait de la mondialisation comme «presque aucun autre pays» et avait besoin de «la demande en provenance d'autres marchés et de l’accès aux routes commerciales internationales et aux matières premières». Y était en particulier désigné comme cible des opérations militaires allemandes un «environnement européen de plus en plus instable allant de l'Afrique du Nord à l’Asie centrale en passant par le Moyen-Orient».

L’escalade en Ukraine

Cette stratégie a connu son baptême du feu en Ukraine. En février 2014, Berlin, aux côtés des États-Unis, a soutenu le coup d'État d'extrême droite qui a permis l'arrivée au pouvoir d'un régime pro-occidental et provoqué la guerre actuelle. David North, président du comité de rédaction international du World Socialist Web Site, déclarait peu après dans son discours au rassemblement international du 1er mai 2014 :

Pour l’impérialisme allemand, la confrontation avec la Russie est accueillie comme un prétexte pour rejeter des contraintes imposées au militarisme dans le sillage des crimes innommables commis durant les années du Troisième Reich hitlérien. Ces derniers mois, les médias allemands se sont livrés à une campagne de propagande de plus en plus frénétique dirigée non seulement contre la Russie, mais aussi contre les profonds sentiments antimilitaristes de la classe ouvrière allemande….

Derrière cette propagande se tiennent des intérêts économiques et géopolitiques bien précis. Le président allemand a déclaré que le poids de son pays dans l’économie mondiale exigeait qu’il développe la force militaire requise pour assurer ses intérêts géopolitiques plus vastes. Comme au XXe siècle, l’Allemagne lorgne une fois de plus avec envie la région de la mer Noire, le Caucase, le Moyen-Orient, l’Asie centrale et les grandes étendues de la Russie.

Onze ans et plusieurs centaines de milliers de morts plus tard, cette politique de guerre impérialiste prend une nouvelle dimension. Afin de servir ses intérêts économiques et géopolitiques, l'impérialisme allemand investit non seulement des sommes colossales dans le réarmement, mais accepte également le risque d'une annihilation nucléaire.

Il suit par là ses propres traditions. Dans la Première Guerre mondiale déjà, la Russie et l'Ukraine étaient dans la ligne de mire de l'impérialisme allemand, de même que l'Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale. A l'époque, il s'est efforcé de dominer l'Europe pour atteindre ses objectifs. Il en va de même aujourd'hui.

Le politologue Herfried Münkler, qui prône depuis longtemps un renforcement du militarisme allemand, considère cela comme l'une des tâches les plus importantes du programme de réarmement. « Les Allemands doivent avant tout dégager des fonds relativement importants pour retrouver leur position de leader en Europe », a-t-il déclaré dans un podcast de Pioneer.

La confrontation avec Trump rapproche pour le moment les puissances européennes. Le président français Emmanuel Macron aussi s'efforce de construire une armée européenne et a réitéré sa proposition de déployer des armes nucléaires françaises pour protéger toute l'Europe, même si la décision quant à leur utilisation devait lui appartenir exclusivement.

Le Royaume-Uni participe, malgré le Brexit, aux réunions européennes et souhaite continuer à soutenir l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie. La Pologne, quant à elle, collabore étroitement avec l'Allemagne et la France en matière d'armement.

Mais la confrontation avec les États-Unis, les intérêts économiques et géopolitiques rivaux, la lutte pour des contrats de défense lucratifs et les tensions politiques intérieures croissantes raviveront inévitablement les conflits en Europe, qui avaient fait du continent le théâtre des deux guerres mondiales. Ni la France, ni la Grande-Bretagne, ni la Pologne, dévastée par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, ne sont prêtes à accepter la « position dominante de l'Allemagne en Europe» invoquée par Münkler.

Seule la classe ouvrière peut enrayer une nouvelle chute dans la guerre et la barbarie. Les conditions objectives pour cela se développent rapidement. L'Europe est à présent déjà secouée de façon répétée par de véhémentes luttes de classe et des manifestations. Mais celles-ci exigent une perspective. La classe ouvrière doit se libérer de l'influence paralysante des syndicats et des organisations de la pseudo-gauche, qui soutiennent ouvertement le programme de guerre ou bien conduisent la résistance dans l'impasse des appels impuissants aux pouvoirs en place.

Elle doit s'organiser en comités d'action de la base indépendants et s'unir à travers l'Europe. Elle doit lier la lutte contre les coupes sociales, pour de meilleurs salaires et pour les droits démocratiques, à la lutte contre la guerre et contre sa cause profonde, le capitalisme. Les super-riches et les grands trusts doivent être expropriés et l'économie doit être organisée selon les besoins de la société et non pas selon le profit privé. L'objectif doit être la construction d’États unis socialistes d'Europe.

C’est la perspective pour laquelle se battent le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’églité socialiste) et ses partis frères du Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article paru en anglais le 22 mars 2025)