Les troupes russes sont sur le point de reprendre tout le territoire saisi par l'Ukraine lors d'une offensive à Koursk l'été dernier, donnant un air de crise aux appels du président américain Donald Trump pour un cessez-le-feu de 30 jours dans la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie en Ukraine.
Le ministère russe de la Défense a annoncé jeudi que les forces russes s'étaient emparées de la ville de Soudja, la plus grande localité de la région de Koursk, ainsi que des localités de Melovoy et Podol.
Les forces russes ont repris 86 % du territoire de Koursk occupé lors de l'offensive de l'année dernière, a déclaré Valery Gerasimov, chef de l'état-major général russe. Il a affirmé que les forces ukrainiennes restantes étaient en grande partie « encerclées » et « isolées ».
« Les troupes russes semblent sur le point de chasser l'Ukraine de tout le territoire dont elle s'est emparée dans la région de Koursk en Russie l'année dernière », a commenté le New York Times, « un succès sur le champ de bataille qui priverait le président ukrainien Volodymyr Zelensky d'une importante monnaie d'échange dans d'éventuelles négociations ».
Les forces ukrainiennes sont désormais bloquées et encerclées sur trois côtés et sont contraintes de se replier à pied ou à bord de véhicules isolés à travers la frontière, les forces russes semblant avoir acquis une supériorité aérienne dans la région.
Le 6 août, l'Ukraine a lancé son offensive sur Koursk, la plus grande attaque sur le territoire russe depuis la Seconde Guerre mondiale. L'offensive a mobilisé 35 000 soldats et a permis de s'emparer de 1300 kilomètres carrés de territoire russe.
Mercredi, Oleksandr Syrskyi, le commandant de l'armée ukrainienne, a déclaré qu'afin de protéger la vie des troupes ukrainiennes, de nouveaux retraits seraient nécessaires. « Pour ce faire, les unités des forces de défense, si nécessaire, se déplaceront vers des positions plus favorables », a-t-il déclaré dans un message sur les réseaux sociaux.
Un article du Financial Times, intitulé « From daring invasion to rapid retreat : the end of Ukraine's Kursk gambit » (De l'invasion audacieuse à la retraite rapide : la fin de la manoeuvre ukrainienne de Koursk), dresse un tableau dévastateur de l'état de l'armée ukrainienne à Koursk.
Le journal interroge Artem Kariakin, un soldat ukrainien chargé d'évacuer les troupes ukrainiennes de la région. « Le plus important était de sortir de là », explique-t-il.
L'armée ukrainienne, qui prévoyait initialement un raid de courte durée, a décidé de tenter de tenir la zone. « Mais le plan a ensuite été modifié pour tenir tout le territoire, exposant ainsi les troupes de Kiev à de plus grands risques », a rapporté le FT. « Les objectifs de l'opération ont changé en cours de route. »
L'analyste militaire Rob Lee a déclaré au FT : « La zone a toujours été relativement petite. [...] La Russie l’a ensuite reprise petit à petit sur les flancs. »
Un autre analyste militaire, Michael Kofman, a déclaré au FT : « Les forces russes comprimaient régulièrement la zone et interdisaient les principales voies de réapprovisionnement. À un certain moment, il n'était tout simplement plus tenable de soutenir ces forces. »
L'article poursuit : « À partir de ce moment-là, des essaims de drones ont pris pour cible tout ce qui bougeait sur la route [...], rendant extrêmement difficile le réapprovisionnement des troupes. Les évacuations médicales sont rapidement devenues presque impossibles, a déclaré [Kofman], et les forces terrestres sont restées coincées dans des tranchées pendant des semaines, incapables de se relayer. »
La reconquête imminente de la région de Koursk par la Russie constitue la toile de fond des négociations en cours sur un éventuel cessez-le-feu.
Mardi, le secrétaire d'État américain Marco Rubio a annoncé que les États-Unis et l'Ukraine avaient convenu de proposer à la Russie un cessez-le-feu de 30 jours, tout en annonçant que les États-Unis avaient repris l'assistance militaire et le partage de renseignements avec l'Ukraine après l'avoir brusquement interrompue quelques jours plus tôt.
L'alliance de l'OTAN a été plongée dans une crise à la fin du mois dernier, lorsqu'une réunion à la Maison-Blanche entre Trump et Volodymyr Zelensky s'est transformée en un échange d’invectives, à la suite duquel Trump a annulé une conférence de presse commune et éjecté Zelensky de la Maison-Blanche.
En réponse à cette rencontre, les dirigeants européens ont multiplié les appels au déploiement de troupes européennes en Ukraine pour servir de « gardiens de la paix », tandis que le président français Macron a évoqué la possibilité de déployer des armes nucléaires françaises en Allemagne dans le cadre d'un conflit imminent entre les puissances de l'UE et les États-Unis.
« C'est le moment où l'Europe doit peser de tout son poids, pour l'Ukraine, et pour elle-même », a déclaré le président français Emmanuel Macron lors d'une réunion des chefs militaires européens mardi.
Trump a rencontré le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, jeudi, et a réitéré son intention d'annexer le Groenland, un territoire du Danemark, membre de l'OTAN. «Nous devons le faire », a déclaré Trump, ajoutant : « Nous en avons vraiment besoin pour notre sécurité nationale. Je pense que c'est la raison pour laquelle l'OTAN pourrait être impliquée d'une certaine manière, parce que nous avons vraiment besoin du Groenland pour notre sécurité nationale.
« Je pense que cela se produira », a déclaré Trump. Lorsqu'il a annoncé pour la première fois son intention d'annexer le Groenland en janvier, Trump a refusé d'exclure le recours à la force militaire pour tenter d'acquérir le territoire.
Dans ce contexte d'escalade des crises et des conflits au sein de l'OTAN, le président russe Vladimir Poutine a donné une réponse provisoire à la proposition de Trump d'instaurer un cessez-le-feu de 30 jours.
« L'idée en soi est bonne et nous la soutenons sans aucun doute », a déclaré Poutine. «Mais il y a des questions dont nous devons discuter, et je pense que nous devons en parler avec nos collègues et partenaires américains. »
Poutine a indiqué que l'un des points de désaccord concernait le sort des forces ukrainiennes qui occupent la Russie, estimant que les forces qui occupent actuellement le territoire russe devraient se rendre.
Poutine a déclaré qu'étant donné les avancées russes, toute suspension des combats serait à l'avantage de l'Ukraine. Au contraire, il a appelé à « l'élimination des causes profondes ». Poutine a déclaré que l'« opération militaire spéciale » de février 2022 avait été menée pour empêcher l'Ukraine de rejoindre l'alliance de l'OTAN et de servir d'État de garnison en première ligne pour l'OTAN.
« Ces 30 jours, comment seront-ils utilisés ? Pour poursuivre la mobilisation forcée en Ukraine ? Pour recevoir de nouvelles livraisons d'armes ? Pour entrainer les unités nouvellement mobilisées ? Ou rien de tout cela ne se produira-t-il ? » a demandé Poutine.
Il a ajouté : « Qui donnera l'ordre de cesser le combat ? Qu’en coutera-t-il de contrevenir à ces ordres ? Qui déterminera où et par qui ils auront été violés ? »
Les remarques de Poutine font suite aux déclarations de son assistant, Yuri Ushakov, qui a déclaré : « La proposition de cessez-le-feu temporaire en Ukraine n'est rien de plus qu'un sursis pour l’armée ukrainienne », ajoutant que « la Russie recherche un règlement de paix à long terme sur l'Ukraine qui réponde aux intérêts et aux préoccupations de Moscou. Les mesures qui imitent les actions pacifiques ne sont d'aucune utilité pour qui que ce soit. »
Lors de sa rencontre avec le secrétaire général de l'OTAN, Rutte, Trump a déclaré : «Nous avons discuté avec l'Ukraine des terres et des morceaux de terre qui seraient conservés et perdus, et de tous les autres éléments d'un accord final. »
Poutine doit rencontrer jeudi l'envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff.
Quelle que soit l'issue des négociations sur la guerre en Ukraine, l'administration Trump poursuit une escalade militaire mondiale, dans laquelle ses appels à l'annexion du Groenland, du Canada et du Panama seraient des tremplins pour une intensification majeure du conflit avec la Chine.
(Article paru en anglais le 14 mars 2025)