Au moins 38 morts dans le crash au Kazakhstan d’un avion azerbaïdjanais à destination de la Russie

Au moins 38 personnes ont été tuées le jour de Noël, lorsque le vol 8243 d'Azerbaijan Airlines, qui devait relier Bakou, la capitale azérie, à Grozny, en Russie, s'est écrasé à Aktau, au Kazakhstan. Les secouristes ont sorti 29 survivants de l'épave de l'avion, bien qu'au moins un des survivants soit toujours dans un état critique, luttant pour sa vie. Il y avait à son bord 37 Azéris, 16 Russes, six Kazakhs et trois Kirghizes.

L'avant de l'avion a pris feu à l'impact, alors qu'il s'écrasait à 3 km de l'aéroport d'Aktau, mais les passagers à l'arrière de l'avion ont survécu, bien que beaucoup grièvement blessés.

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La cause de la tragédie n'est pas encore claire, et les responsables de la Russie, du Kazakhstan et de l'Azerbaïdjan appellent à la prudence avant de tirer des conclusions. Initialement, les responsables russes ont affirmé que l'avion s'était écrasé après être entré en collision avec une volée d'oiseaux. Hier, cependant, Azerbaijan Airlines a publié une déclaration déclarant que « les résultats préliminaires de l'enquête sur le crash » indiquent « une interférence externe, physique et technique ».

Le vice-Premier ministre kazakh Kanat Bozumbayev a déclaré que « même la cause préliminaire ne peut pas encore être déterminée, car des spécialistes sont nécessaires pour cela. Ils vont mener ce travail, et alors ce sera clair. Bozumbayev a déclaré qu'il faudrait environ deux semaines pour lire entièrement les enregistreurs de vol de la boîte noire de l'avion, un Embraer 190, qui ont été récupérés. Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a appelé son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, pour lui promettre que « les causes de l'accident seront examinées en détail ».

Les premiers témoignages montrent cependant que, quelle que soit la cause directe de l'accident, les conditions dans lesquelles il s'est produit ont été créées par la guerre entre l'OTAN et la Russie en Ukraine. L'Ukraine mène actuellement une guerre des drones dans une grande partie de la Russie, tandis que les systèmes russes de guerre électronique et de défense aérienne sont en état d'alerte. Les responsables ukrainiens et de l'OTAN accusent de plus en plus un système de défense aérienne russe Pantsir-S1 d'avoir tiré sur l'avion de ligne et de l'avoir paralysé près de Grozny.

Les experts de l'aviation ayant examiné des photos de l'avion ont déclaré que les trous dans son fuselage sont compatibles avec des dommages causés par des éclats d'obus provenant de l'explosion d'un missile à proximité, bien qu'il soit impossible pour l'instant de dire précisément quel missile a touché l'avion.

Le chef de l'Agence fédérale russe du transport aérien, Dmitry Yadrov, a déclaré à Interfax que l'avion de ligne s'était écrasé après que les autorités russes ont fermé l'espace aérien de Grozny en raison d'attaques de drones ukrainiens. Cela a forcé le pilote à interrompre l'atterrissage à Grozny et à tenter d'atterrir ailleurs, traversant finalement la mer Caspienne pour tenter d'atterrir au Kazakhstan.

Ydrov a déclaré: «La situation ce jour-là et à cette heure-là dans la zone de l'aéroport de Grozny était très difficile. À cette époque, des drones de combat ukrainiens menaient des attaques terroristes contre des infrastructures civiles dans les villes de Grozny et de Vladikavkaz. Dans ce contexte, le régime ‘Carpet’ a été mis en place dans la zone de l'aéroport de Grozny, qui prévoyait le départ immédiat de tous les avions de la zone spécifiée».

En conséquence, l'avion a volé en aveugle sur la majeure partie de sa trajectoire. Le régime «Carpet» comprend un puissant brouillage électronique destiné à désorienter les drones ukrainiens pénétrant dans l'espace aérien russe. Selon plusieurs rapports, le ovl 8243 a fait l'objet d'un brouillage électronique et n'a pas reçu de signal GPS pendant la majeure partie du vol. De plus, ce jour-là, a déclaré Yadrov, «il y avait un brouillard dense et il n'y avait aucune visibilité à une altitude de 500 mètres».

En conséquence, a déclaré Yadrov, «le commandant [du vol 8243 d'Azerbaijan Airlines] a fait deux tentatives pour faire atterrir l'avion à Grozny, qui ont échoué. On a proposé au commandant de bord d'autres aéroports, mais il a décidé d'aller à l'aéroport d'Aktau ».

La BBC a cité un passager du vol qui a largement corroboré le récit de Yadrov, affirmant que le pilote avait tenté d'atterrir à Grozny à deux reprises dans un brouillard épais, mais que «la troisième fois, quelque chose a explosé [...] une partie du revêtement de l'avion a été arrachée». Il ajoute que ces dernières semaines, de nombreuses frappes de drones ukrainiens ont eu lieu dans la région, dans les républiques russes de Tchétchénie et d'Ingouchie. Une femme a été tuée lorsqu'un drone s'est écrasé sur un centre commercial en Ossétie du Nord, une république voisine.

Justin Crump, un analyste du renseignement et de la sécurité, a déclaré à la BBC qu’un tir par la Russie sur l’avion de ligne était « la meilleure théorie correspondant à tous les faits disponibles que nous connaissons ». Il a déclaré que les défenses aériennes russes étaient actives à Grozny lorsque l'avion a été endommagé. « Je ne pense pas que ce soit délibéré du tout », a-t-il poursuivi, ajoutant que la Russie était « très préoccupée » par les drones ukrainiens qui « très souvent » ne sont « pas abattus ».

Le 26 décembre, Reuters a cité des responsables azéris anonymes impliqués dans l'enquête disant qu'ils pensaient que les défenses aériennes russes avaient endommagé l'avion de ligne. L'un d'eux a déclaré: «Personne ne prétend que cela a été fait exprès. Cependant, compte tenu des faits établis, Bakou s'attend à ce que la partie russe avoue avoir abattu l'avion azéri ».

Le député azéri Rasim Musabayov a accordé de nombreuses interviews à des organes de presse américains et européens, imputant la tragédie à la Russie et menaçant de porter gravement atteinte aux relations russo-azéries. «Si quelqu'un pense que nous sommes des alliés de la Russie et que, par conséquent, nous fermerions les yeux sur tout, il se trompe», a déclaré Musabayov. «Il n'y a pas beaucoup de pays qui sont en bons termes avec la Russie aujourd'hui... Si Moscou ne prend pas les bonnes mesures dans cette situation, la liste risque de diminuer encore».

Si un système de défense aérienne russe avait  effectivement confondu l'avion de ligne avec un drone ukrainien et l'avait endommagé avec un missile, la question resterait de savoir ce qui a causé le crash de l'avion au Kazakhstan. En effet, l'avion a volé sur une certaine distance, à travers une partie de la Russie et toute la mer Caspienne, avant de s'écraser près d'Aktau.

Le New York Times a examiné les données du suivi des vols en direct sur FlightRadar24 et a déclaré qu'il avait oscillé verticalement plus de 100 fois au cours des 74 dernières minutes du vol. « Vous voyez un avion faire en vol des manœuvres sauvages avec de fortes fluctuations dans la trajectoire et l'altitude de vol », a déclaré Heinrich Grossbongardt, un expert de l'industrie aéronautique de Hambourg, au Times, qui a conclu : « l'avion a probablement été rendu incontrôlable parce que ses systèmes électriques et hydrauliques avaient été gravement endommagés. »

Des responsables ukrainiens et les principaux organes de presse des pays de l'OTAN ont lancé une campagne politique, exigeant que l'intégralité de la responsabilité de l'accident soit imputée à la Russie. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tweeté: «Chaque vie humaine est précieuse, et chaque perte de vie mérite une enquête approfondie pour établir la vérité. Nous pouvons voir comment les preuves visuelles claires sur le site du crash indiquent la responsabilité de la Russie dans la tragédie ».

Le chef d'état-major de la présidence ukrainienne, Andriy Yermak, a déclaré que la Russie devait être « tenue responsable d’avoir abattu l'avion d'Azerbaijan Airlines », tandis qu'un responsable du Conseil de sécurité nationale ukrainien, Andriy Kovalenko, a tweeté : « La Russie aurait dû fermer l'espace aérien au-dessus de Grozny, mais ne l'a pas fait. »

En réalité, ce sont non pas seulement les responsables russes mais aussi ukrainiens et ceux de l'OTAN qui sont directement responsables de la guerre en cours en Ukraine et de l'escalade de la guerre des drones dans la région, qui a créé les conditions désastreuses dans lesquelles le vol 8243 d'Azerbaijan Airlines s'est écrasé.

(Article paru en anglais le 28 décembre 2024)

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