Royaume-Uni : le ministre de la Défense travailliste John Healey envisage d'envoyer des formateurs militaires en Ukraine

Le ministre de la Défense travailliste John Healey a menacé mercredi d’intensifier l'effort de guerre de l'OTAN en Ukraine. Interrogé par le Times lors d'une visite dans ce pays pour savoir si le Royaume-Uni pourrait envoyer des soldats pour entraîner les troupes ukrainiennes sur place, Healey a répondu: «Nous ferons tout notre possible pour répondre aux souhaits des Ukrainiens. Ce sont eux qui se battent.»

Ce que «les Ukrainiens» [Zelensky et son régime militaire] veulent, c’est ce que l’OTAN leur dit de réclamer – au service d’une guerre avec la Russie qui saigne l’Ukraine à blanc.

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[Un message sur X montre le ministre ukrainien de la Défense Rustem Umerov (à gauche) rencontrant le ministre britannique de la Défense John Healey à Kiev]

Healey a fait le commentaire que la Grande-Bretagne et ses alliés devaient «travailler avec les Ukrainiens pour les aider à motiver et mobiliser davantage de recrues» dans le contexte d’une déclaration du ministère de la Défense qui observait: «Alors que Poutine a recours à l’envoi de 2 000 soldats russes à la mort sur le champ de bataille chaque jour, il est essentiel que l’Ukraine soit soutenue par un approvisionnement en soldats correctement entraînés et équipés». Et où manquait la fin : «pour mourir en nombre égal ou supérieur ».

Pour alimenter ce massacre, Healey a également annoncé 225 millions de livres supplémentaires en équipement militaire pour les forces armées ukrainiennes, notamment des petits bateaux, des drones de reconnaissance et drones kamikazes, des navires de surface sans équipage, des mines et 90 000 d’obus d'artillerie.

Le Royaume-Uni a déjà formé 51 000 soldats ukrainiens sur son sol dans le cadre de l’opération Interflex. Healey a reconnu que des médecins de l’armée britannique se trouvaient en Ukraine, apparemment pour assurer la formation. Des informations répétées ont fait état de forces spéciales britanniques opérant secrètement dans le pays depuis le début de la guerre. Mais l’intervention de Healey est la mesure la plus éhontée prise jusque là en vue de l’envoi de troupes de l’OTAN.

Healey a brandi le poing: «Près de trois ans après que Poutine a lancé son invasion illégale à grande échelle, l’étendue de son erreur de calcul est plus claire que jamais». Sur un air jubilatoire il a poursuivi: «Poutine montre des signes de faiblesse, en faisant appel aux troupes nord-coréennes pour renforcer sa propre armée, en abandonnant Assad et en ne parvenant pas à défendre ses propres positions en Syrie.»

Le gouvernement russe a clairement indiqué qu’il considérait les installations et équipements de l’OTAN en Ukraine comme des cibles légitimes. Après le premier usage de missiles à longue portée américains et britanniques pour frapper le territoire de la Fédération de Russie le mois dernier, le président russe Vladimir Poutine est allé jusqu’à déclarer dans un discours télévisé: «Nous pensons que nous avons le droit d’utiliser nos armes contre les installations militaires des pays qui autorisent l’utilisation de leurs armes contre nos installations.»

Le déploiement de formateurs militaires britanniques les expose délibérément au risque d’une telle frappe, qui servirait de prétexte à une augmentation dramatique de la participation de l’OTAN à la guerre, augmentant ainsi le danger d’un échange nucléaire.

C’est sans doute pour cette raison que Healey a déclaré au Times avant sa visite: «Ce qui me fait perdre le sommeil, et cela ne m’arrive pas souvent, c’est de peser le pour et le contre de cette décision d’envoyer nos hommes et femmes britanniques dans des zones où ils pourraient être en danger.» Le journal commente: «Certains chefs – chez nous et à l’étranger – pensent que la menace russe est si grave que l’OTAN pourrait être en guerre d’ici trois ans.» Dans un autre article, les auteurs notent: «Certains craignent qu’une présence britannique accrue en Ukraine ne mette les soldats en danger. Si la Russie devait attaquer ces forces, le Royaume-Uni pourrait rapidement se retrouver en guerre avec la Russie.»

Cela n’est pas pour dissuader Healey, qui insiste: «Nous pouvons mettre Poutine sous pression. La Russie n’est pas en mesure de gagner. Nous pouvons exercer une pression beaucoup plus forte sur la Russie. Je considère que mon rôle en tant que ministre de la Défense est de renforcer le leadership au sujet de l’Ukraine.»

Le danger d’une guerre directe entre la Grande-Bretagne et une Russie puissance nucléaire n’a pas non plus été évoqué dans les reportages des médias sur la visite de Healey, qui avaient un ton prosaïque ou élogieux. Seule la BBC a fait une très vague allusion aux risques d’une confrontation catastrophique, soulignant que, jusqu’à présent, «le Royaume-Uni et les autres membres de l’OTAN n’ont pas envoyé de troupes en Ukraine ni imposé de zone d’exclusion aérienne au-dessus du pays, de peur d’être entraînés dans un conflit direct avec la Russie».

Le ministre de la Défense John Healey (à droite) avec le vice-ministre de la Défense ukrainien Serhiy Boyev à Kiev [Photo by Open Government Licence v3.0]

C’est dans cette direction que les choses vont évoluer. Une source militaire ukrainienne a déclaré au Times que la présence d’instructeurs militaires britanniques sur le sol ukrainien «marquerait le début d’un déploiement de facto de l’infrastructure militaire de l’OTAN en Ukraine» et enverrait un «signal militaro-politique puissant».

Les commentaires de Healey sur le déploiement de troupes britanniques interviennent dans le contexte d’un vaste débat en Europe sur le sujet, qui dépasse toutes les «lignes rouges» précédemment déclarées. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, qui a déclaré le mois dernier: «Nous n’enverrons pas de troupes britanniques sur le terrain en Ukraine», a répondu ainsi à la même question mercredi: «C’est à la force que Vladimir Poutine répondra […] La vérité, c’est que Poutine n’est pas un homme avec qui on peut négocier».

Pendant ce temps, l’Ukraine continue de mener des opérations gravement provocatrices, assassinant le lieutenant-général russe Igor Kirrilov dans les rues de Moscou et frappant une raffinerie de pétrole à Rostov avec des dizaines de drones et plus d’une douzaine de missiles cette semaine.

L'objectif était au moins en partie de créer une atmosphère frénétique avant le sommet de l'Union européenne de jeudi. Celui-ci fut le forum d’une discussion majeure entre puissances européennes sur comment répondre à la présidence entrante de Trump et à ses menaces de bouleverser le statu quo de l'OTAN et sa politique en Ukraine, notamment en augmentant massivement les dépenses militaires européennes.

L’impérialisme britannique a clairement fait connaître ses propres plans, visant à convaincre Trump de poursuivre l’escalade militaire – une guerre sur laquelle le Royaume-Uni a misé sa position internationale – soi-disant pour atteindre son objectif déclaré de «négociations». Le Premier ministre Keir Starmer a tenu ce discours lors d’une visite à des soldats britanniques en Estonie mardi et l’a réitéré dans un appel avec Trump mercredi. Il a lui-même rapporté avoir voulu à cette occasion «réitérer la nécessité pour les alliés de se tenir aux côtés de l’Ukraine face à l’agression russe et de veiller à ce que l’Ukraine soit dans la position la plus forte possible».

Ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense ont été sur la même longueur d'onde. Lammy a déclaré aux journalistes que les discussions au sommet de l'UE porteraient sur la manière de «placer l'Ukraine dans la position la plus forte possible à l'approche et au cours de l'année 2025».

«L’année touche peut-être à sa fin, mais la guerre elle, n’est pas finie. C’est le moment d’intensifier nos efforts en Ukraine sur tous les fronts», a déclaré Healey.

Kiev devait entrer dans les négociations en «position de force et non de faiblesse». De plus, «quiconque pense que passer des combats aux négociations sera simple à effectuer passe à côté de cette réalité probable qu’il est possible de discuter tout en continuant à se battre».

«Et que vous ayez ou non démarré des pourparlers, cela peut ou non aboutir à un accord.»

(Article paru en anglais le 20 décembre 2024)

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