Le projet de loi de dépenses militaires des États-Unis prévoit des sommes record et poursuit l'extension de l'arsenal nucléaire américain

La Chambre des représentants des États-Unis a approuvé mercredi un projet de loi contenant les plus fortes dépenses militaires annuelles de l'histoire des États-Unis. Il alloue 895 milliards de dollars supplémentaires pour mener la guerre partout dans le monde et étendre l'arsenal nucléaire américain.

Un bombardier B-52 survole la base aérienne d'Osan à Pyeongtaek, en Corée du Sud.  [AP Photo/Ahn Young-joon, File]

Après des années d'augmentations massives des dépenses militaires par les administrations Obama, Trump et Biden, le budget des dépenses militaires pour 2025 est de 45 % plus élevé qu'il y a dix ans. La loi d'autorisation de la défense nationale (initiales anglaises NDAA) de cette année dépasse de 53 milliards de dollars celle de 2024 et de 122 milliards de dollars celle de 2023.

On s'attend à ce que le projet de loi soit accéléré au Sénat avant d'être signé par le président américain Joe Biden d'ici la fin du mois.

Le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a déclaré mardi que le projet de loi « garantit que notre armée dispose des ressources et des capacités nécessaires pour rester la force de combat la plus puissante de la planète ».

De manière cruciale, le projet de loi poursuit le programme de modernisation nucléaire de plusieurs billions de dollars, initié sous l'administration Obama, qui remplace chaque segment de l'arsenal nucléaire américain par des versions plus récentes et plus mortelles, depuis les missiles balistiques intercontinentaux jusqu’aux sous-marins nucléaires, en passant par les avions capables de transporter des armes nucléaires.

Le projet de loi autorise l'Air Force à restaurer la capacité nucléaire du bombardier B-52 et à étendre sa capacité de larguer des armes nucléaires longue portée. Il interdit, selon le Centre pour le contrôle des armements et la non-prolifération, de « réduire le nombre de missiles balistiques intercontinentaux déployés à moins de 400 ».

Il autorise encore la construction de nouveaux sous-marins nucléaires et de destroyers lance-missiles dans le cadre d'une extension de 33,5 milliards de dollars de la construction de navires, ainsi que la construction de 92 nouveaux avions de chasse.

Comme chaque année, les deux partis ont voté massivement en faveur du projet de loi, bien que certains démocrates s'y soient opposés pour des questions liées aux ‘soins d'affirmation de genre’. Même les sections de l'aile «progressiste» du Parti démocrate qui ont critiqué le projet de loi comme étant «gaspilleur» l'ont fait du point de vue de rendre l'armée américaine plus efficace dans la guerre partout dans le monde.

«Je veux que les États-Unis aient la plus grande armée du monde et les ressources nécessaires pour contrer les menaces de plus en plus sophistiquées de nos adversaires», a déclaré le représentant démocrate «progressiste» Ro Khanna, qui a voté contre le projet de loi.

La Heritage Foundation, un laboratoire d'idées d'extrême droite, en a fait l'éloge, déclarant: «Le NDAA de l'exercice 25 marque une étape importante vers un budget de la défense qui découle de la stratégie et ordonne au ministère de la Défense de devenir aussi létal que possible».

L’organisme poursuit ainsi: «Le projet de loi... soutient le renforcement militaire dans l'Indo-Pacifique et la construction de navires, notamment d’un troisième destroyer de classe Arleigh Burke, et un financement supplémentaire pour un deuxième sous-marin de classe Virginia ».

L'un des principaux objectifs du projet de loi est la militarisation accrue de l'Asie-Pacifique menaçant la Chine, par le biais de l'extension de la soi-disant Initiative de dissuasion du Pacifique, qui est financée à hauteur de 15,6 milliards de dollars.

Mais même ce budget massif de près de 1 000 milliards de dollars n'est qu'un point de départ, car il faut s'attendre à d'autres allocations «d'urgence» pour la guerre en Ukraine contre la Russie, pour celle d'Israël dans tout le Moyen-Orient et pour la militarisation du Pacifique. Depuis février 2022, les États-Unis ont fourni à l'Ukraine 61 milliards de dollars d'armes. Au cours de l'année écoulée, ils ont fourni plus de 18 milliards de dollars d'armes à Israël pour le génocide de Gaza et la guerre dans le reste Moyen-Orient.

Commentant les immenses fortunes à gagner grâce à l'extension des dépenses militaires des États-Unis et de leurs alliés, l’hebdomadaire Barron's a publié un article intitulé : «Les dépenses militaires s’apprêtent à monter. Voici comment investir».

Il note que «l'Occident, avec ses alliés, développe maintenant ses armureries avec des munitions, des chars et d'autres matériels de guerre. Après des décennies de complaisance de la part de certains pays, l'augmentation des dépenses pourrait se poursuivre dans un avenir prévisible, selon les experts ».

Barron's fait remarquer que le Fonds négocié en bourse (ETF) ‘Future of Defense’, de 625 millions de dollars, «qui suit un large panier d'actions de défense basées dans les pays membres de l'OTAN», a «rapporté 34 % pour l'année jusqu'au 9 décembre».

Il ajoute: «Une alternative est l'ETF iShares US Aerospace & Defense (ITA), qui suit un ensemble d'actions de défense et de sociétés aérospatiales. Il s'agit notamment des entrepreneurs militaires Northrop Grumman, L3Harris Technologies et General Dynamics. Le fonds a enregistré un rendement de 19 % cette année».

La forte montée des dépenses militaires se produit aussi de l'autre côté de l'Atlantique, où les alliés des États-Unis membres de l'OTAN augmentent massivement leurs dépenses militaires.

Dans son premier discours depuis son entrée en fonction, le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte a appelé jeudi les pays européens à dépenser pour leurs armées plus que leur objectif actuel de 2% du PIB.

«Il est temps de passer à un état d'esprit de temps de guerre», a déclaré Rutte. «Et dynamiser notre production et nos dépenses de défense.»

Il a ajouté: «Pendant la guerre froide, les Européens ont dépensé bien plus de 3 % de leur PIB pour la défense», un objectif «considérablement supérieur à 2 %» était nécessaire.

Cette extension massive des dépenses militaires – qui se fera aux dépens des programmes sociaux et du niveau de vie de la classe ouvrière – survient dans un contexte d'escalade de la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Au début du mois, le conseiller américain à la Sécurité nationale Jake Sullivan a déclaré que l'administration sortante de Joe Biden prévoyait un «envoi massif» d'armes à l'Ukraine dans les semaines précédant l'entrée en fonction de la prochaine administration.

Le mois dernier, le président américain Joe Biden a autorisé l'Ukraine à utiliser des missiles à longue portée ATACMS fabriqués aux États-Unis pour frapper à l'intérieur de la Russie. Un peu plus tard, le Royaume-Uni a fait de même pour ses missiles de croisière Storm Shadow. Les deux systèmes d'armes ont été utilisés pour frapper la Russie en profondeur dans les jours qui ont suivi l'annonce.

Le 21 novembre, le New York Times rapportait que l'administration Biden envisageait d'autoriser l'Ukraine à déployer des armes nucléaires. « Plusieurs responsables ont même suggéré que M. Biden pourrait permettre à l'Ukraine de disposer à nouveau d'armes nucléaires, comme c'était le cas avant la chute de l'Union soviétique», écrivait ce journal.

(Article paru en anglais le 13 décembre 2024)

Loading