Le président fasciste argentin Milei salué comme un «guide» à la conférence CPAC de Buenos Aires

Mercredi dernier, le plus important rassemblement de fascistes au niveau international, la Conférence d'action politique conservatrice (CPAC), a tenu sa première itération en Argentine, promouvant le gouvernement du président fasciste Javier Milei comme modèle pour la future Maison Blanche de Trump et pour l'extrême droite à l'échelle mondiale.

Javier Milei s'exprime à la CPAC Argentine, Buenos Aires, le 4 décembre 2024 [Photo: Presidencia de la Nación]

Cette dernière année, la CPAC a emmené sa tournée d’extrême droite au Japon, à Washington, en Hongrie, au Brésil et au Mexique. Aujourd’hui, les écrans de l’hôtel Hilton, situé dans un quartier huppé de Buenos Aires, affichent le mot d’ordre «Make the World Great Again».

Le forum est crédité d'avoir forgé la relation entre Milei etTrump, dont l'organisation de leurs premières rencontres et la visite politiquement symbolique de Milei comme premier dirigeant étranger à rencontrer Trump après les élections américaines.

Lara Trump, coprésidente du Parti républicain, a pris la parole en premier, au nom de la future Maison Blanche de son beau-père. «L’Argentine montre au monde ce qui est possible. […] En quelques mois seulement, il [Milei] a supprimé des dizaines d’agences gouvernementales et d’énormes pans du budget. Des dizaines de milliers de fonctionnaires bien payés ont été licenciés en quelques semaines seulement », a-t-elle déclaré.

«Et maintenant, aux États-Unis, nous avons Elon Musk», a-t-elle poursuivi. «Il veut diriger le DOGE, le Département de l’efficacité gouvernementale. Nous allons donc faire la même chose aux États-Unis. À chaque agence inutile, à chaque bureaucrate corrompu, nous allons dire ‘Adios’ et, comme le dit Donald Trump, ‘Vous êtes virés!’»

S'exprimant à distance, Steve Bannon, stratège en chef de la Maison Blanche pendant une partie du premier mandat de Trump, a déclaré que «l'Argentine est la clé de ce combat mondial», la «pointe de la lance» de «l'Occident judéo-chrétien». D'autres intervenants internationaux ont qualifié Milei de «guide», d'«étoile de Bethléem» et de «symbole de la liberté».

Le «modèle» de Milei

Milei a agi en dictateur dès le «premier jour», comme Trump l’avait promis. Ses premières mesures ont consisté à imposer un règlement anti-manifestation pour criminaliser les manifestations de rue, les dirigeants de grèves et ceux qui y participent, ainsi qu’un décret exécutif contenant 366 mesures visant à supprimer les réglementations sur les entreprises, les agences gouvernementales et de nombreux droits sociaux et démocratiques.

Il a répondu aux manifestations de masse et aux grèves à coup de balles de caoutchouc, de gaz lacrymogènes, d’arrestations massives et même de passages à tabac par la police de retraités opposés aux baisses de retraites ; et en poursuivant en justice les dirigeants des manifestations.

En juin dernier, le Congrès argentin a approuvé la «loi omnibus» de Milei, qui a décrété un « état d’urgence publique en matière administrative, économique, financière et énergétique» pour une durée d’un an (et peut-être plus) et qui accorde au président des pouvoirs despotiques. Il convient de souligner que Milei s’est appuyé sur la bureaucratie syndicale péroniste, garantissant ses privilèges en échange de l’isolement et de la répression des grèves et des manifestations.

En quelques semaines, Milei a ramené le déficit public à zéro en réduisant le budget d'un tiers, ce qui équivaut à la réduction de 2 000 milliards de dollars que propose Musk aux États-Unis. Le propriétaire de Tesla, Space X et X a discuté avec le ministre argentin de la déréglementation et de la transformation de l'État et a rencontré Milei quatre fois cette année.

Tout en prétendant cibler la «caste corrompue» des bureaucrates de l’État, Milei a fait porter la quasi-totalité de sa thérapie de choc à la classe ouvrière dans son ensemble. Il a fermé 13 ministères et licencié plus de 30 000 fonctionnaires, interrompu tous les travaux publics, entraînant la perte de 100 000 emplois dans le bâtiment, dévalué le peso de 53 pour cent en une seule journée, mis fin au contrôle des loyers, à de nombreuses subventions pour les pauvres, au contrôle des prix des services publics, vidé les soupes populaires, suspendu la plupart des aides aux provinces et éliminé de nombreuses autres réglementations sur les entreprises. Des centaines de milliers de personnes ont été exclues des bourses d’études et d’autres prestations sociales.

Dimanche, l'Université catholique d'Argentine (UCA) a rapporté qu'au cours de la première année du gouvernement Milei, la pauvreté est passée de 19 millions à 23 millions de personnes, soit la moitié de la population, et l'extrême pauvreté de 3,4 millions à 6 millions.

Le ralliement des élites dirigeantes du monde entier à Milei représente non seulement une approbation de cet assaut frontal contre la position sociale de la classe ouvrière, mais aussi des formes politiques nécessaires pour mettre en œuvre cette politique impopulaire, à savoir la destruction des derniers attributs de la démocratie bourgeoise, le tournant vers la contre-révolution fasciste et un clientélisme éhonté avec les puissances impérialistes.

En tant que dernier orateur, Milei a prononcé mercredi un discours décousu et souvent dérangé sur le «socialisme», qui exposait avec candeur ce qu’il appelait «la méthode» et la « théorie révolutionnaire» de son mouvement.

Il a commencé son discours en soulignant que les soi-disant progressistes «pleureront, ils diront que je suis un totalitaire. Qu'ils pleurent! Je m'en fiche désormais». Après avoir ri, il a brusquement crié de colère: «Le fait est que nous nous moquons complètement de l'opinion des politiciens sur presque toutes les questions».

Il a expliqué: «Politiquement parlant, nous ne pouvons pas utiliser de mousquets à l’ère des drones. Dans la bataille culturelle, ce sont eux [ses adversaires] qui fixent les règles. […] Nous ne devons pas reculer face au mal. Nous devons le combattre avec plus de force. Nous ne devons pas reculer face au socialisme. Combattons-le avec plus de force et bottons-leur les fesses!»

Il a défendu ses partisans qui ont juré de créer une «branche armée» de son mouvement, affirmant qu’ils sont pacifiques et qu’ils ne seront armés que de téléphones portables. Il a mis en garde contre ceux qui «nous comparent aux fils de mille prostituées» des mouvements de guérilla de gauche du passé.

Pendant plus de 20 minutes, il a ensuite parlé de plans de bataille violents et d’intervention divine pour vaincre les «Néandertaliens» de la gauche et la «droite tiède».

«Nous devons être comme une phalange de hoplites [milice armée grecque] ou une légion romaine», a-t-il déclaré, ajoutant :

Les formes sont des moyens, elles sont évaluées en fonction de leur efficacité à atteindre certaines fins. Et aujourd’hui, se conformer aux formes exigées, c’est hisser un drapeau blanc face à un ennemi impitoyable. On combat le feu par le feu, et s’ils nous accusent de violence, je leur rappelle que nous sommes la réaction à cent ans d’outrages. [...] Je vais le répéter parce qu’ils m’ont pourri, pour ne pas dire les couilles par terre: ils sont obsédés par les formes et la tolérance parce qu’élever la voix est pour eux pire que la violation systématique de nos droits fondamentaux.

Jurant de rejeter toute considération juridique et démocratique pour écraser ses adversaires, il éleva la voix jusqu'à un hurlement hitlérien, et les 2 000 participants lui firent une ovation debout.

Puis, marmonnant soudain d’un ton sombre, il a appelé ses partisans à être prêts à faire le sacrifice ultime et à abandonner toute considération personnelle pour la cause de «l’idée historique de l’Occident», remontant à l’Empire grec et romain et à la conquête coloniale des Amériques.

Faisant une référence mystique aux «Saintes Écritures», il conclut que leurs adversaires cherchent «à nous exterminer, nous, nos femmes, nos enfants et à s’emparer de notre butin», alors «le Ciel les écrasera».

Le mouvement de Milei, qui s'auto-proclame les «Forces du Ciel», manque actuellement d'un caractère de masse comme les chemises noires de Mussolini et les chemises brunes nazies; mais la glorification du grossier Milei montre clairement que la classe dirigeante argentine et les sections dominantes de la classe dirigeante américaine se dirigent tête baissée vers le développement de tels mouvements en Argentine, aux États-Unis et à l’international.

La CPAC pose les bases d'une autre opération Condor

Lors de son discours de mercredi, Milei a également indiqué que la fonction de la CPAC sera «d’établir des canaux de coopération à travers le monde, nous pourrions nous qualifier d’Internationale de droite».

Cette rencontre a été bien au-delà d’une discussion sur la propagande «culturelle». Les participants ont évoqué des efforts coordonnés visant à renverser les gouvernements, à installer des dictatures et à préparer des opérations répressives à l’échelle continentale, voire mondiale. Le quotidien argentin Pagina12 a comparé la CPAC Argentine au Congrès de la Confédération anticommuniste de septembre 1980 à Buenos Aires, organisé par la dictature fasciste du général Rafael Videla avec le soutien d’autres dictatures militaires, au pouvoir alors dans la plupart des pays d’Amérique du Sud.

L'Opération Condor, lancée avec l'aide de la CIA et qui tint ses premières réunions en Argentine avant même que la dictature militaire ne prenne le pouvoir en 1976, battait son plein, alors que les dictateurs collaboraient à la traque des travailleurs, des jeunes et des intellectuels de gauche dans le monde entier.

Le congrès de la CPAC s'est sans aucun doute poursuivi à huis clos, tout comme celui de 1980. Mais ce qui a été discuté en public va déjà dans le même sens:

  • L'ancien président brésilien Jair Bolsonaro s'est exprimé à distance seulement deux semaines après avoir été inculpé, avec 36 alliés et anciens responsables, pour avoir fomenté un complot de coup d'État qui a culminé avec l'attaque du 8 janvier 2023 contre des institutions gouvernementales et visait à empêcher son successeur élu Luiz Inácio Lula da Silva d'accéder au pouvoir et à instaurer une dictature. Le complot comprenait des ordres aux forces spéciales d'assassiner Lula, son colistier à la vice-présidence Geraldo Alckmin et le président du tribunal électoral de l'époque, Alexandre de Moraes.

  • Fernando Sánchez Ossa, un législateur du Parti républicain chilien qui embrasse ouvertement l'héritage de la dictature d'Augusto Pinochet, a demandé à Milei d'extrader Galvarino Apablaza , un ancien chef de guérilla chilien, du Parti communiste stalinien, qui avait obtenu l'asile politique en Argentine.

  • La cheffe de l’opposition vénézuélienne soutenue par les États-Unis, María Corina Machado, qui travaille en étroite collaboration avec Washington, Buenos Aires et d’autres gouvernements pour intensifier les provocations de changement de régime visant à renverser le président Nicolas Maduro, s’est exprimée à distance. Elle a promis de «couper tous les liens avec tous les régimes ennemis des démocraties occidentales tels que l’Iran, la Syrie, la Biélorussie […] Nous ferons du Venezuela, d’une plaque tournante internationale de la criminalité une plaque tournante énergétique des Amériques».

  • Branko Marinković, ex-ministre du régime fasciste de Jeanine Áñez en Bolivie, a affirmé à tout va que l'Iran avait établi des bases militaires en Bolivie. Cette déclaration fait suite aux affirmations, elles aussi infondées, du gouvernement Milei que des troupes iraniennes seraient présentes en Bolivie. Cette campagne de propagande signifie une menace de conflit militaire et civil alors que l'impérialisme cherche à renverser le gouvernement en crise du Mouvement vers le socialisme (MAS) et à prendre le contrôle des plus grandes réserves du lithium du monde, situées en Bolivie. 

  • Plusieurs intervenants ont présenté comme un modèle le coup d'État de Trump du 6 janvier 2021, fondé sur des allégations frauduleuses que les élections de 2020 avaient été volées, et ont affirmé à l’avance que les prochaines élections dans leur pays seraient truquées.

S’il y avait encore des doutes quant aux intérêts sociaux représentés par ces forces fascistes, le forum s’est chargé de les dissiper: non seulement il a glorifié le milieu criminel des oligarques comme Trump et Musk, mais il a invité le troisième Mexicain le plus riche, Ricardo Salinas Pliego, dont les actions se sont effondrées le lundi précédent alors que ses entreprises refusaient de payer 3,8 milliards de dollars d’arriérés d’impôts. «Aux entrepreneurs, je dis: ne soyez pas radins. Apprenez à dépenser l’argent pour soutenir ceux qui ont une bonne cause. Ce sont là des économies mal comprises […] La merde de gauche devrait être renvoyée au tamis, dans l’égout d’où elle est sortie », a déclaré Salinas.

Parmi les autres intervenants figuraient les ministres de la Sécurité et de l'Économie de l'Argentine; Santiago Abascal, leader du parti fasciste espagnol Vox; l'acteur-producteur Eduardo Verástegui du Mexique, maire de la capitale péruvienne, Lima, Rafael López Aliaga; un représentant du gouvernement hongrois de Viktor Orban, entre autres.

Alors qu’elle espère exploiter la faillite de la «gauche» nominale en raison de sa propre politique pro-patronat et austéritaire – comme les péronistes en Argentine et les démocrates aux États-Unis – l’extrême droite croit que l’élection de Milei et de Trump ouvrira les vannes à l’imposition des diktats des oligarchies fascistes locales et de l’impérialisme américain.

Ces politiques rencontreront une opposition massive à mesure que leur véritable nature deviendra claire. Mais le danger du fascisme et de la guerre ne peut être vaincu que par un mouvement politique de masse de la classe ouvrière qui lutte consciemment pour transférer le pouvoir d’État à ses propres organisations et pour remplacer le capitalisme par le socialisme, au niveau international. Un tel mouvement nécessite une direction révolutionnaire imprégnée des leçons des trahisons passées aux mains du stalinisme, de la social-démocratie, du révisionnisme, du castrisme et de toutes les formes de nationalisme petit-bourgeois et bourgeois.

(Article paru en anglais le 10 décembre 2024)

Loading