Le Nouveau Front Populaire tente de bâtir un gouvernement avec Macron

Au lendemain de la censure du gouvernement Barnier par le Nouveau Front populaire (NFP) et le RN néofasciste, le NFP effectue un virage à 180 degrés. Plusieurs partis du NFP saisissent avec enthousiasme l’invitation de Macron au NFP à l'Élysée pour des discussions, se déclarant ouverts à former un gouvernement avec Macron.

Les législateurs se réunissent à l'Assemblée nationale lors d'un débat le mercredi 4 décembre 2024 à Paris. [AP Photo/Michel Euler]

Macron et l'establishment politique se précipitent pour former un gouvernement et adopter un budget provisoire avant 2025. Deux partis du NFP de Jean-Luc Mélenchon, le PS bourgeois et le PCF stalinien, ont répondu avec enthousiasme aux invitations de Macron à l'ensemble du NFP. Ils proposent d'abandonner les promesses de réformes mineures faites dans le programme du NFP et de soutenir une austérité draconienne en échange de postes ministériels.

C’est cette faillite et la corruption politique des forces que les médias traitent de «gauche» qui sous-tendent la montée du RN de Marine Le Pen, l’allié du président fasciste américain Trump et du régime génocidaire d’Israël. Le Pen pourra à nouveau traiter le NFP de « guévaristes de carnaval », affirmer que la gauche n’est qu’un outil corrompu de Macron et des banques hostiles aux Français, et appeler tous ceux qui sont dégoûtés par Macron et le NFP à voter RN.

Quant à Mélenchon, dont le parti La France insoumise (LFI) a formé le NFP, toute sa stratégie s’effondre en même temps que le NFP lui-même. Il a appelé à former un gouvernement dirigé par le NFP avec Lucie Castets, une bureaucrate inconnue du ministère des Finances, comme premier ministre, et à refuser de servir dans un gouvernement sous un premier ministre ouvertement pro-Macron. Mais c'est précisément ce que font le PS et le PCF à présent.

Dans son discours jeudi soir, Macron n'a présenté aucune excuse et a signalé qu'il ne changerait pas de politique après la chute de Barnier. Il n'a rien dit sur sa réforme des traites, son appel à envoyer des troupes françaises en Ukraine contre la Russie, et son soutien au génocide israélien à Gaza, tous ces points étant opposés par une majorité écrasante des Français. Au contraire, il a émis sa défense arrogante habituelle de son gouvernement massivement impopulaire.

Macron ne s'est pas excusé d'avoir convoqué des élections anticipées le 7 juillet, qui ont abouti à un parlement sans majorité et au gouvernement minoritaire de Barnier: «je dois le reconnaître, cette décision n'a pas été comprise. Beaucoup me l'ont reprochée et continuent de me la reprocher. C'est un fait et c'est ma responsabilité. Cependant, en faisant cela, nul ne peut dire que je ne vous ai pas redonné la parole. Je crois que c'était nécessaire.»

Il a dénoncé les partis qui ont censuré le gouvernement Barnier. Les accusant de vouloir le destituer, il a dit: «l'extrême droite et l'extrême gauche se sont unies dans un front anti-républicain. […] Ils ne pensent pas à vous, à vos vies, à vos difficultés, à vos fins de mois, à vos projets. Soyons honnêtes. Ils ne pensent qu’à une seule chose : à l’élection présidentielle. Pour la préparer, pour la provoquer, pour la précipiter. Et cela avec le cynisme, si c’est nécessaire, et un certain sens du chaos ».

Macron a proposé de nommer rapidement un premier ministre et de constituer un gouvernement et d'adopter un budget provisoire pour rassurer les marchés. Il a dit : «C’est pourquoi je nommerai donc dans les prochains jours un Premier ministre. Je le chargerai de former un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement, qui puissent y participer ou à tout le moins qui s’engagent à ne pas le censurer. Le Premier ministre aura à mener ces consultations et former un gouvernement resserré à votre service.»

Hier matin, le secrétaire national du PS, Olivier Faure, est allé à l'Élysée discuter avec Macron, se disant prêt à gouverner avec le parti de Macron et le parti de droite de Barnier, LR. «Je suis prêt à commencer à discuter, à obtenir des concessions et à faire des compromis sur tous les sujets», a dit Faure. Interrogé pour savoir s’il exigerait l'abrogation de la réforme des retraites de Macron, Faure a indiqué qu'il ne le ferait pas, affirmant qu'il était «responsable» et «conscient du fait qu'il y a de l'argent à trouver» pour équilibrer le budget.

Le chef du PCF, Fabien Roussel, a aussi confirmé que le PCF entrerait au gouvernement sous Macron et abandonnerait le programme du NFP. Proposant de travailler avec Macron pour bâtir «un pacte républicain et social», il a déclaré: «Nous sommes bien conscients qu'aucune coalition n'a de majorité absolue». Appelant au «compromis», Roussel a déclaré que le PCF «ne demanderait pas la mise en œuvre de tout programme » du NFP.

Selon Roussel, Macron avait invité tout le NFP à des pourparlers à l'Elysée: «J’ai eu un contact avec le cabinet d’Emmanuel Macron qui nous a demandé si nous étions ouverts au dialogue. J’ai répondu que oui. On nous a dit qu’on aurait un rendez-vous lundi.»

Sans surprise, Marine Le Pen s'est engagée à s'opposer à la fois à Macron et au NFP et, si nécessaire, à continuer à faire tomber les gouvernements français. Ceci pourrait contraindre Macron à la démission.

Se moquant de la précipitation du NFP à s’allier avec Macron, elle a dit au Figaro: « Je ne suis pas outrée qu’on ne m’invite pas [à l'Élysée]. S’il m’avait invitée, cela m’aurait beaucoup inquiétée. Je n’entends pas participer à la majorité autour du président de la République. …Que le Parti socialiste se vende pour un plat de lentilles n’est pas, en soi, très étonnant. Que LR puisse se retrouver dans un gouvernement avec le Parti socialiste, en revanche, prête à sourire.»

Elle a averti: «Que personne ne pense que j’aurais dorénavant les mains liées. Je peux tout à fait voter à nouveau une motion de censure.» pour faire tomber le prochain gouvernement Macron. Les médias spéculent de plus en plus sur le fait que les effondrements répétés des gouvernements pourraient forcer Macron à démissionner et à convoquer de nouvelles élections présidentielles ouvrant la voie à une présidence Le Pen.

Le virage PS-PCF vers une alliance ouverte avec Macron souligne la faillite de la décision de Mélenchon de les inclure dans son NFP, bien qu'il soit largement connu qu'ils sont des outils des banques, pro-austérité et pro-guerre. Cela fait exploser la stratégie que Mélenchon a poursuivie jusqu'à présent.

Dans une brève interview télévisée sur TF1 jeudi, Mélenchon a défendu sa censure de Barnier et insisté que LFI et le NFP veulent toujours construire un gouvernement NFP sous Castets. Évoquant les élections du 7 juillet, il a déclaré: «Il y a eu une formation qui est arrivée en tête nettement, le Nouveau Front Populaire. C’est une coalition, elle a eu une candidature. Cette candidature est maintenue.»

Hier, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, a tweeté pour confirmer que Macron avait contacté LFI, mais ajouter que LFI n’irait pas à l'Elysée lundi: «Nous ne braderons le programme sur lequel ont été élus tous les députés du Nouveau Front Populaire pour participer à un gouvernement. Nous ne gouvernerons pas avec les partis présidentiels et de la droite traditionnelle alors que nous venons de censurer leur programme».

Que LFI brade ou non les quelques mesures sociales de son programme—qui appelle à envoyer des troupes françaises en Ukraine et à renforcer la police et le renseignement—n'est pas décisif. Le PS et le PCF ont déjà renié le programme. LFI a fait de grands efforts pour préserver ces partis discrédités, avec des désistements de ses candidats afin que le PS, le PCF et finalement les macronistes puissent gagner des sièges à l’Assemblée. Ces efforts ont fini par renforcer les forces qui ont supprimé le programme que LFI prétendait défendre.

Cela témoigne à nouveau de la faillite et de la stupidité politique de Mélenchon et de LFI, et de sa périphérie: les forces comme le NPA pabliste ou le groupe moréniste Révolution permanente.

Le prochain gouvernement provoquera une opposition sociale explosive dans la classe ouvrière. Mais ces luttes seront bradées si elles restent sous le contrôle de forces telles que le NFP et les bureaucraties syndicales qui lui sont alliées. La question décisive est la construction d'un mouvement d'en bas, dans la base, sur la perspective d’une lutte socialiste contre la guerre impérialiste, le génocide, l'austérité et le fascisme, dans une perspective ultime de transfert du pouvoir à la classe ouvrière.

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