Perspective

L'Assemblée fait tomber le gouvernement Barnier

Hier, 332 des 577 députés de l'Assemblée ont voté la censure du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) proposé par Barnier, faisant tomber son gouvernement. Les députés du RN néofasciste de Marine Le Pen et du Nouveau Front populaire (NFP) dirigé par Jean-Luc Mélenchon ont voté la censure. Macron a annoncé hier soir qu'il se lancerait rapidement dans la recherche d'un nouveau Premier ministre.

L'Assemblée nationale française [AP Photo/Thibault Camus]

C'est une défaite dévastatrice pour Macron. Il a dissous l'Assemblée et a convoqué des élections anticipées le 7 juillet, mais elles n’ont pas produit de majorité. Refusant un gouvernement avec le NFP, qui avait obtenu le plus de voix, il a nommé un gouvernement minoritaire de ses partisans, dirigé par Barnier, le RN s’était engagé à soutenir ses politiques à l'Assemblée. Mais alors que les marchés financiers et la presse critiquaient Barnier la semaine dernière pour ne pas être allé assez loin dans l'austérité, le RN a changé de cap.

Le NFP a longtemps menacé de censurer Barnier, car il refusait de les inclure au gouvernement. Le RN a fait chuter Barnier en annonçant la semaine dernière qu'il voterait la motion de censure du NFP hier.

Les travailleurs méprisent à juste titre le gouvernement Barnier, et la question cruciale est comment développer une offensive politique après son effondrement. Il a apporté un budget impopulaire imposant 60 milliards d'euros de coupes budgétaires, tout en augmentant les budgets militaires et policiers alors que Paris menace d'envoyer des troupes au sol en Ukraine. Les sondages ont montré que 52 pour cent des Français veulent que Barnier tombe, et 63 pour cent veulent que Macron démissionne.

Il faut préparer et construire un mouvement dans la classe ouvrière pour faire chuter Macron et stopper ses politiques: plans d'escalade militaire contre la Russie, politiques d'austérité dont la réforme des retraites, violences policières, soutien au génocide de Gaza. Les travailleurs ne peuvent pas confier cette tâche à l’establishment capitaliste français. La voie progressiste consiste à construire un mouvement d'en bas, dans la base, pour mener la lutte des classes.

Les travailleurs sont face à une lutte non pas nationale mais internationale: les puissances de l'OTAN intensifient les menaces contre la Russie et les marchés financiers exigent l'austérité à travers toute l'Europe. L'élection du fasciste Donald Trump en est l'expression la plus flagrante. En promettant des mesures d'austérité de 2.000 milliards de dollars, des rafles de millions d'immigrés et la guerre au Moyen-Orient, il prépare une vaste escalade de la guerre de classe.

La politique bourgeoise internationale est rapidement restructurée depuis les élections de Trump : Le gouvernement allemand et maintenant le gouvernement français ont chuté, et mardi, une tentative d'imposer la loi martiale en Corée du Sud a échoué.

Après la chute de Barnier, la bourgeoisie française met en avant le RN néo-fasciste. En effet, TF1 a d’abord invité Marine Le Pen à donner une entrevue majeure hier soir, Macron et Mélenchon devant intervenir ce soir. Sur TF1, Le Pen s'est présentée comme une défenseuse du peuple français, une opposante à la réforme des retraites et au déremboursement des médicaments, et une amie du petit peuple.

Les rivaux de Macron au sein de l'élite dirigeante, y compris le RN et le NFP, n’ont rien à offrir aux travailleurs. La politique de Le Pen n'est pas déterminée par sa démagogie populiste mais par l'escalade de la guerre mondiale et la crise économique du capitalisme. En l'absence d'une lutte de la classe ouvrière contre l'austérité et la guerre, le prochain gouvernement détournera les fonds vers la dette française de 3.000 milliards d'euros, la guerre en Ukraine ou au Moyen-Orient, ce qui nécessitera une austérité draconienne visant les travailleurs.

Le Pen s'est présentée en amie du peuple : « Le choix que nous avons fait, c’est celui de protéger les Français. M. Barnier avait fait trois promesses : il avait fait la promesse de la justice fiscale, mais il a présenté un budget avec 40 milliards d’impôts supplémentaires ; il avait fait la promesse de la maîtrise des comptes publics, mais le déficit s'est aggravé ; il avait fait la promesse de coconstruire le budget avec les oppositions, mais il n’a pas entendu les oppositions quand il a construit son budget. Par conséquent, ce budget était toxique pour les Français, et la seule solution digne pour ceux qui ont reçu mandat de les protéger était de s’opposer à ce budget. »

Quand TF1 lui a demandé si elle voulait contraindre Macron à présenter sa démission, elle a répondu : «Je ne demande pas la démission d'Emmanuel Macron. En revanche, il arrivera un moment où, si on ne prend pas la voie du respect des électeurs et des élections, alors la pression sur le président de la République sera de plus en plus forte. Cette décision lui appartient.»

Les cercles dirigeants discutent de plus en plus de la destitution de Macron et de la crise causée par l'absence d'un budget. Les coûts d'emprunt de la France ont dépassé ceux de la Grèce, car les marchés financiers spéculent sur sa dette. En l'absence de budget, le financement de pans entiers des soins médicaux, des retraites et de la fonction publique pourrait s'arrêter.

Ces négociations seront explosives, car l'Assemblée n’a pas de majorité et ne peut légalement être dissoute pendant un an après la dissolution en juin. Le budget sera négocié par une Assemblée sans majorité, qui risque de se retrouver à nouveau dans l'impasse lors du vote sur le budget.

Interrogée par Le Monde pour savoir si elle dirait à Macron de démissionner pour sortir de l'impasse, Le Pen a répondu: «On va suivre le fonctionnement normal des institutions. S’il y a un gouvernement qui tombe, puis un deuxième, puis un troisième, il faudra se poser la question.»

Entre-temps, le RN fait campagne pour la démission de Macron. Son vice-président Sébastien Chenu a dit: «Emmanuel Macron rendrait service à notre pays en quittant sa fonction de président de la République et permettrait de redessiner une ligne politique au bénéfice de la France.»

Philippe Olivier, eurodéputé RN et conseiller de Le Pen, a critiqué Macron: «Un monarque républicain, déchu, qui avance la chemise ouverte et la corde au cou jusqu’à la prochaine dissolution. ... Nous ne sommes pas des agités. On en reparlera le jour où l’appel à la démission, qui commence à monter dans nos rangs et au-delà, sera massif. Pour l’instant, à Macron de récupérer la patate chaude [de la censure] et de gérer les pressions».

La classe ouvrière doit se mobiliser et mener sa propre lutte contre Macron. L'opposition à Macron ne peut être laissée aux mains des réactionnaires du RN ou du NFP, dont le programme pour les élections du 7 juillet comprenait des appels à l'envoi de troupes françaises en Ukraine et au renforcement de la police et du renseignement.

Ni les responsables du NFP ni les bureaucraties syndicales n'appellent à mobiliser la classe ouvrière dans la lutte contre Macron et les néofascistes. Hier soir, la cheffe de LFI à l’Assemblée, Mathilde Panot, a brièvement critiqué Macron en termes populistes après l'adoption de la motion de censure. «Le seul souverain en démocratie, c’est le peuple», a déclaré Panot. Dénonçant la tentative du gouvernement de conclure des accords avec le RN, elle a déclaré: «Le gouvernement Barnier aura eu la censure et le déshonneur».

Mais la classe ouvrière ne peut pas stopper la guerre, l'austérité ou la politique d’État policier qui ont discrédité Macron et Barnier si ses luttes sont contrôlées par une Panot ou un Mélenchon. La question critique est la construction, dans la classe ouvrière en France et à l’international, un mouvement socialiste contre la guerre impérialiste et la réaction d'extrême droite.

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