Trump s’apprête à déclencher une guerre des droits de douane pour défendre la suprématie du dollar

Le futur président américain Donald Trump a déclaré qu'il avait l'intention d'utiliser sa menace toujours plus grande d'une guerre tarifaire pour défendre impitoyablement la position du dollar en tant que monnaie mondiale dominante.

La dernière menace en date de Trump a été publiée samedi après-midi sur sa plateforme Truth Social, dans laquelle il a déclaré que les pays du groupe BRICS seraient frappés d'un droit de douane de 100 % sur l'exportation de leurs marchandises vers les États-Unis, à moins qu'ils acceptent de ne pas essayer de créer une alternative au dollar.

Le candidat républicain à la présidence, l'ancien président Donald Trump, lors d'un rassemblement de campagne au Greensboro Coliseum, mardi 22 octobre 2024, à Greensboro, en Caroline du Nord [AP Photo/Alex Brandon]

Le groupe des BRICS, initialement composé du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud, mais désormais élargi à l'Iran, à l'Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, à l'Argentine, à l'Égypte et à l'Éthiopie, a étudié les moyens d'essayer d'atténuer la domination du dollar pour les membres du groupe afin de leur permettre d'effectuer des échanges commerciaux avec leurs propres monnaies.

Reconnaissant le rôle central que joue le dollar mondial dans le maintien de l'hégémonie financière des États-Unis, ces mesures ont suscité une réaction furieuse de la part de Trump, qui a menacé d'accroître l'instabilité des marchés mondiaux et de l'économie, déjà confrontée à la menace de droits de douane de 60 % contre la Chine et de 10 à 20 % pour le reste du monde.

« C’est FINI l’époque où les pays BRICS tentent de s'éloigner du dollar tandis que nous restons les bras croisés », a-t-il écrit.

« Nous exigeons de ces pays qu'ils s'engagent à ne pas créer une nouvelle monnaie des BRICS, ni à soutenir une autre monnaie pour remplacer le puissant dollar américain, faute de quoi ils se verront imposer des droits de douane de 100 % et devront s'attendre à dire adieu à leurs ventes dans la merveilleuse économie américaine.

« Ils devront trouver un autre “dadais” ! Il n'y a aucune chance que les BRICS remplacent le dollar américain dans le commerce international, et tout pays qui s'y essaierait devrait dire adieu à l'Amérique. »

Cette menace n'est pas apparue dans l'esprit de Trump un samedi après-midi, mais a été envisagée par son entourage pendant un certain temps : une discussion qui a clairement montré que des mesures tarifaires pourraient être invoquées bien avant qu'une monnaie alternative n'ait été créée.

En avril, Bloomberg, citant des « personnes familières avec le sujet », a rapporté que les conseillers économiques de Trump envisageaient des moyens d'« empêcher les nations de se détourner du dollar : un effort pour contrer les mouvements naissants parmi les principaux marchés émergents visant à réduire l'exposition à la monnaie américaine ».

Le reportage précise que les discussions portent notamment sur « les pénalités pour les alliés ou les adversaires qui cherchent à s'engager activement dans le commerce bilatéral dans des monnaies autres que le dollar, avec des options telles que les contrôles à l'exportation, les accusations de manipulation de devises et les droits de douane ».

Dans une interview accordée le 11 mars à la chaîne économique CNBC, Trump a souligné l'importance de la suprématie du dollar pour la position mondiale de l'impérialisme américain.

« Je déteste que des pays abandonnent le dollar », a-t-il déclaré. « Je ne permettrai pas aux pays de s'éloigner du dollar, car si nous perdons cet étalon, ce sera comme si nous perdions une guerre révolutionnaire. Ce sera un coup dur pour notre pays. »

Il a accusé l'administration Biden de perdre le dollar en tant qu'étalon mondial, ce qui reviendrait à « perdre la plus grande guerre que nous ayons perdue ».

Ces remarques ont été répétées pendant sa campagne électorale, notamment lors d'un rassemblement dans le Wisconsin et dans un discours prononcé devant l'Economic Club de New York, au cours duquel Trump a expliqué que l'imposition de droits de douane était au cœur même de son programme économique.

Bien qu'il n'y ait pratiquement aucune chance que le groupe des BRICS établisse une nouvelle monnaie mondiale – ses membres sont divisés entre eux et la plus grande économie, la Chine, ne dispose pas des capitaux et des marchés financiers nécessaires – les mesures visant à réduire la dépendance à l'égard du dollar sont un enjeu important parce qu'elles affaiblissent son rôle au niveau mondial.

L'abandon du dollar, qui était à l'étude depuis un certain temps, a été envisagé plus activement à la suite des sanctions imposées à la Russie au début de la guerre en Ukraine provoquée par les États-Unis et l'OTAN en février 2022. Les États-Unis ont réagi en gelant 300 milliards de dollars d'actifs financiers détenus par la banque centrale russe et en excluant la Russie du système de paiement international SWIFT.

Ces actions ont clairement montré que tout pays qui se mettrait en travers de l'impérialisme américain dans sa quête de domination mondiale pourrait être soumis aux mêmes mesures.

La suprématie du dollar, qui a longtemps joué un rôle essentiel dans le financement de l'État américain, devient de plus en plus importante dans un contexte où les États-Unis sont le pays le plus endetté de l'histoire, c'est-à-dire un empire en faillite.

La dette de l'État américain a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années et se rapproche aujourd'hui des 36.000 milliards de dollars. Le niveau d'endettement est tel que la facture annuelle des intérêts sur les emprunts passés s'élève aujourd'hui à près de 1000 milliards de dollars. Un dollar sur sept de dépenses publiques est affecté à sa couverture.

La suprématie du dollar, le « privilège exorbitant » comme on l'a appelé, permet aux États-Unis de faire ce qu'aucun autre pays, grand ou petit, ne peut faire. Ils peuvent en effet augmenter leur dette publique, notamment pour financer un budget militaire en constante expansion, tout en sachant qu'elle sera financée par le reste du monde en raison de la dépendance globale à l'égard de la monnaie américaine.

Toutefois, si la stabilité du dollar est remise en question, soit par la menace omniprésente d'une nouvelle crise financière, soit par d'autres pays cherchant à échapper à l'emprise de la monnaie américaine, les États-Unis seront confrontés à un problème de financement majeur, ce qui équivaudrait à perdre une guerre, selon Trump.

Le programme économique de Trump, tel qu'il a été annoncé, implique une augmentation importante de la dette.

Selon les estimations du Comité pour un budget fédéral responsable, qui se présente comme une organisation non partisane, les propositions de Trump, qui comprennent de nouvelles réductions d'impôts importantes pour les entreprises et les particuliers fortunés, augmenteraient le déficit fédéral de près de 7800 milliards de dollars entre 2026 et 2035, même si l'on tient compte des recettes provenant des hausses tarifaires proposées.

Les hausses de droits de douane causeront des problèmes majeurs, car de nombreux biens font de nombreux allers-retours à travers la frontière américaine dans le cadre du processus de fabrication. Cela augmentera le taux d'inflation lorsque les produits finis arriveront sur le marché, malgré les affirmations de Trump selon lesquelles ils seront payés par l'exportateur.

Différents projets ont été lancés par des sections du Parti républicain en vue d'utiliser les crypto-monnaies pour faire face au problème croissant de la dette.

La sénatrice républicaine Cynthia Lummis a proposé la création d'une « réserve stratégique de bitcoins » qui profiterait aux finances du gouvernement américain et qu'une réserve d'un million de bitcoins serait utilisée pour réduire la dette du gouvernement américain.

En d'autres termes, le système financier américain devrait s'appuyer de plus en plus sur un actif financier sans valeur intrinsèque et soumis à de violentes fluctuations. Le vieux dicton « les dieux rendent d’abord fous ceux qu’ils s’apprêtent à détruire » vient immédiatement à l'esprit.

Maurice Obstfeld, ancien économiste en chef du FMI, a fait remarquer qu'en introduisant des crypto-monnaies non réglementées dans le système financier, Trump s'est engagé à assouplir les réglementations existantes et à faire des États-Unis la « capitale mondiale des crypto-monnaies ». C'est une « recette infaillible pour les crises, les récessions, les sauvetages massifs du gouvernement et des dettes publiques encore plus importantes ».

Personne, pas même Trump lui-même, ne sait exactement comment son programme économique et financier se déroulera, mais certaines conclusions peuvent déjà être tirées. La déclaration de Trump selon laquelle il déclenchera une guerre économique contre tout pays ou groupe de pays qui tenterait de se détourner du dollar américain est par essence un aveu que l’État est en faillite.

Le maintien de la suprématie du dollar est une question existentielle pour l'impérialisme américain, et il entreprendra une guerre économique et financière internationale, soutenue par sa puissance militaire, contre ses alliés et ses ennemis, combinée à des attaques de plus en plus fortes contre la classe ouvrière pour tenter de la maintenir.

(Article paru en anglais le 2 décembre 2024)

Loading