Vendredi 29 novembre, un demi-million de travailleurs ont mené une grève nationale d'une journée à travers l'Italie. La grève, appelée par plusieurs syndicats en réponse à la pression croissante de la base, reflète la large opposition de la classe ouvrière aux politiques d'austérité et à l'aggravation des inégalités sociales supervisées par la Première ministre italienne fasciste Giorgia Meloni.
De nombreux secteurs ont participé à la grève, et des manifestations ont eu lieu dans des dizaines de villes. Les transports publics ont été affectés dans de nombreuses villes, les conducteurs de bus, de métro et de tramway ayant cessé le travail. Les manutentionnaires des aéroports de Milan et de Venise ont fait grève, tout comme les pilotes et membres d'équipage de WizzAir Malta. Les écoles publiques ont été fortement touchées : les enseignants ont fait grève pour exiger un meilleur financement et s'opposer aux mesures d'austérité. Les travailleurs de Stellantis ont fait grève à Naples, tout comme ceux des chantiers navals Fincantieri et du fabricant de pièces automobiles Marelli.
Les travailleurs italiens s'opposent au budget 2025 du gouvernement Meloni, qui comprend des coupes massives de tous les programmes sociaux mais augmente le budget militaire de 2 milliards d'euros, le portant au niveau record de 32 milliards d'euros. Cela aligne le gouvernement Meloni sur les objectifs de dépenses de l'OTAN au milieu de sa guerre avec la Russie en Ukraine. Les coupes généraliséesde cinq pour cent dévasteraient le système de santé public italien, déjà au bord de l'effondrement en raison du sous-financement et d'un manque de personnel. Il en irait de même pour l'éducation, les transports et d'autres services essentiels.
Les travailleurs du secteur public se voient proposer une augmentation de salaire dérisoire de 6 % sur trois ans, alors que l’augmentation cumulative des coûts de la vie essentiels depuis 2021 est estimée à 16 %. De plus, les pensions devraient augmenter de seulement 3 euros par mois, tandis que la loi Fornero, qui relève l'âge de la retraite, reste en vigueur.
Les travailleurs ont également protesté contre des conditions de travail de plus en plus périlleuses, entraînant des décès sur le lieu de travail, qualifiés par les travailleurs d’«homicides du lieu de travail». De plus, le draconien «Décret de Sécurité 1660» du gouvernement a introduit des sanctions sévères contre diverses formes de protestation et de dissidence, visant les travailleurs en général et les immigrants en particulier.
Contre la grève et son impact sur les transports publics, le vice-Premier ministre italien d'extrême droite Matteo Salvini a menacé d'invoquer les exigences du ‘service minimum’, qui visent à restreindre le droit de grève inscrit dans l'article 40 de la Constitution italienne.
Ces mesures font partie d'une guerre de classe mondiale qui s'intensifie et qui est menée par les élites dirigeantes capitalistes contre les travailleurs, ce qui provoque une opposition croissante. Le mouvement brutal de la bourgeoisie vers la droite est incarné par les liens étroits de Meloni avec la cabale entourant le président fasciste élu américain Donald Trump. Celui-ci prépare un incroyable programme d'austérité de 2 000 milliards de dollars contre les travailleurs américains, supervisé par l'homme le plus riche du monde, le milliardaire Elon Musk.
Ces derniers mois, Elon Musk, nommé par Trump à la tête du nouveau département de l'efficacité gouvernementale, a publiquement fait l'éloge de Meloni comme étant « authentique, honnête et réfléchie ». Meloni, à son tour, a qualifié Musk de « précieux génie ». Musk a exprimé son intérêt pour l'expansion de ses activités en Italie, y compris les services Internet par satellite Starlink et la construction d'une usine de fabrication Tesla, en échange de réductions d'impôts.
Des attaques budgétaires massives sont également en préparation contre la classe ouvrière à travers l'Europe. En octobre, le gouvernement travailliste britannique a adopté un budget d'austérité imposant 40 milliards de livres de coupes budgétaires. Le gouvernement français est au bord de l'effondrement à cause de son budget, alors que la classe dirigeante exige des dépenses militaires supplémentaires et des coupes budgétaires au-delà des 60 milliards d'euros proposés par le budget.
Le principal obstacle politique à une contre-offensive politique de la classe ouvrière contre ces menaces est constitué par les partis pro-capitalistes en banqueroute et les bureaucraties syndicales liés au stalinisme, qui cherchent à lier la classe ouvrière au capitalisme et à la subordonner à l'austérité et à la guerre impérialiste. C'est le rôle joué en Italie par le successeur du Parti communiste italien (PCI) stalinien après son autodissolution en 1991, le Parti démocrate (PD).
Le PD a une histoire de plusieurs décennies d'attaques contre les travailleurs. Après la Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie italienne a été contrainte d'accorder des lois sur le travail et des avantages sociaux offrant des protections significatives aux travailleurs. La classe ouvrière italienne avait organisé des grèves de masse et des soulèvements armés contre le régime fasciste de Mussolini, et si le PCI a bloqué une révolution socialiste, la classe capitaliste elle a dû, pour un certain temps, faire des concessions sociales. Mais au cours des décennies qui ont suivi la dissolution stalinienne de l'Union soviétique en 1991, les gouvernements successifs dirigés par le PD ont systématiquement démantelé ces acquis.
La très décriée Loi sur l'emploi de 2014, mise en œuvre par le Premier ministre du PD de l'époque, Matteo Renzi, a sapé la sécurité de l'emploi en assouplissant les restrictions sur les licenciements et en facilitant l'emploi précaire.
Aujourd'hui, l'actuelle dirigeante du PD, Elly Schlein, critique Meloni tout en approuvant de nouvelles réformes d'austérité, déclarant: « Nous sommes aux côtés des travailleurs qui réclament dignité et justice. Toutefois, nous devons aborder les réformes de manière responsable afin de garantir la stabilité à long terme.»
Le PD, tout comme la bureaucratie syndicale stalinienne de la CGIL (Confédération générale italienne du travail) et la bureaucratie sociale-démocrate de l'UIL (Union italienne du travail), s'efforce de canaliser la colère croissante de la classe ouvrière vers des voies politiquement gérables et compatibles avec la domination capitaliste. Même face à Meloni, dont le parti Frères d'Italie descend directement du parti fasciste de Mussolini, les bureaucraties s’évertuent par tous les moyens de maintenir la «paix sociale» et stabiliser le capitalisme.
Lors de la grève de vendredi, Maurizio Landini, secrétaire général de la CGIL, a appelé à la collaboration et au dialogue avec le gouvernement Meloni: « Ce gouvernement doit écouter la rue et ouvrir un dialogue sérieux avec les syndicats afin de construire un avenir meilleur pour tous».
De manière significative, les syndicats des transports ont limité la grève à 3 ou 4 heures (selon le lieu), tout en exemptant complètement les cheminots de la grève et en garantissant un service conforme à une ordonnance du ministre des Transports.
Pour les travailleurs, le gouvernement Meloni représente une dangereuse convergence entre le nationalisme d'extrême droite, l'austérité et le militarisme. En deux ans, ce gouvernement a mené des politiques anti-immigration agressives, attaqué les droits démocratiques et participé aux guerres impérialistes de l'OTAN. Cette situation s'inscrit dans une tendance mondiale plus large, où les gouvernements capitalistes exploitent les crises économiques pour imposer des mesures autoritaires et creuser les inégalités malgré le militantisme et l'opposition croissants des travailleurs.
La grève générale en Italie a lieu dans ce contexte international. Au début du mois, les travailleurs grecs ont organisé une grève générale pour réclamer une augmentation des salaires et mettre fin à des années d'austérité. Aux Pays-Bas, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour s'opposer à l'austérité dans l'éducation. En Argentine, les étudiants et les travailleurs des universités se sont mobilisés contre les coupes budgétaires du président fasciste Javier Milei. Aux États-Unis, les grèves des ouvriers de l'automobile, des enseignants et des travailleurs du secteur de la santé témoignent d'un rejet croissant de l'exploitation capitaliste.
Les travailleurs du monde entier sont de plus en plus conscients que leurs luttes sont interconnectées. En Italie, les travailleurs s'opposent catégoriquement à la complicité de Meloni avec la guerre et le génocide. L'indignation générale s'est manifestée pendant la grève contre le soutien inconditionnel du gouvernement à l'assaut d'Israël sur Gaza, sa défense du criminel de guerre Benjamin Netanyahou et la participation de l'Italie à la guerre par procuration de l'OTAN contre la Russie. Les travailleurs participant à la grève ont crié «Non à la guerre, oui à l'emploi» et «Arrêtez de financer le génocide».
La guerre avec la Russie et le génocide de Gaza, tout comme l'assaut contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière dans les centres impérialistes d'Amérique du Nord et d'Europe, ne peuvent être combattus que par une mobilisation internationale de la classe ouvrière. Pour mener une telle lutte, les travailleurs doivent surmonter les limites imposées par les bureaucraties syndicales et les partis bourgeois, ainsi que la perspective nationaliste qu'ils promeuvent. Des forces comme le PD et les bureaucraties syndicales qui lui sont alliées sont des outils de longue date du capitalisme italien et sont rapidement tirées vers la droite.
Des comités de base indépendants sont en cours de formation dans plusieurs industries et pays. La construction de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (initiales anglaises IWA-RFC) offre aux travailleurs une voie pour s'organiser de manière indépendante à l'échelle internationale et mener une lutte révolutionnaire pour le socialisme contre l'oligarchie capitaliste.
(Article paru en anglais le 30 novembre 2024)