Perspective

Thanksgiving aux États-Unis en 2024 : La dévastation sociale pour la classe ouvrière, mais des milliards de plus pour les oligarques

En ce jour de Thanksgiving 2024, la grande masse de la population américaine n'a guère de raisons d'être reconnaissante. L'inflation des coûts de toutes les nécessités – logement, nourriture, soins de santé, garde d'enfants, transport – continue de peser sur les familles de la classe ouvrière. Les travailleurs s'efforcent de préparer des dîners de dinde pour leurs familles et leurs amis dans des conditions où le coût d'un repas de Thanksgiving a augmenté de 19 % par rapport à la période précédant la pandémie de 2019, selon l'American Farm Bureau Federation.

Les gratte-ciel résidentiels de luxe de « Billionaire's Row » à Manhattan sont visibles depuis Central Park à New York, le 20 février 2022. [AP Photo/Ted Shaffrey]

Mais la réalité est tout autre dans l'entourage des riches et des super-riches. Les coupes de champagne s'entrechoquent à Wall Street, dans la propriété de Donald Trump à Mar-a-Lago, à la Maison-Blanche et au Capitole, alors que la bourse explose et que la manne récoltée par les oligarques américains et leurs serviteurs politiques sous Joe Biden devrait être massivement amplifiée sous l'administration Trump entrante.

Le président sortant Joe Biden passe ses vacances chez David Rubenstein, cofondateur milliardaire du groupe Carlyle, à Nantucket. Kamala Harris, candidate battue à l'élection présidentielle, prend du soleil à Hawaï. La plupart de leurs électeurs, et la plupart de ceux de Trump, luttent pour joindre les deux bouts.

10 milliardaires se sont enrichis collectivement de 172 milliards $ depuis le 5 novembre.

Les rangs des milliardaires américains sont passés à 800 sous Biden et leur richesse collective a augmenté de 62 % pour atteindre plus de 6200 milliards de dollars (sans compter les centaines de milliards supplémentaires amassés lors de la flambée des marchés boursiers depuis l'élection de Trump). En décembre de l'année dernière, le 1 % d'Américains les plus fortunés accaparait 21 % de tous les revenus personnels, soit plus du double de la part des 50 % les moins fortunés. Le premier pour cent des Américains possédait 35 % de toutes les richesses personnelles et les 10 % supérieurs en possédaient 71 %, tandis que les 50 % inférieurs n'en possédaient que 1 %.

Dans moins de huit semaines, la cabale de Trump, composée de milliardaires, de fascistes et de charlatans, prendra ses fonctions. Elle cherchera à imposer un programme de déportations massives et de répression étatique, d'escalade de la guerre et du génocide, de nouvelles réductions d'impôts pour les riches, la mise en pièces de ce qui reste du filet de sécurité sociale, le démantèlement de la santé publique et de l'éducation publique, et la levée de pratiquement toutes les réglementations sur les grandes entreprises. La situation ne pourrait être plus rose pour les parasites financiers qui contrôlent les deux partis et l'ensemble du système politique.

Elon Musk, le copain de Trump et l'homme le plus riche du monde, avec une fortune de 300 milliards de dollars et plus, sera rejoint par son collègue milliardaire Vivek Ramaswamy à la tête du nouveau ministère de l'efficacité gouvernementale de Trump, où ils prévoient de réduire le budget fédéral de 2000 milliards de dollars. Cela signifie le saccage de Medicare, Medicaid et la sécurité sociale et le licenciement des centaines de milliers de travailleurs gouvernementaux.

Inégalité de revenu (coefficient de Gini)

Ces mesures s'ajoutent au désastre social que vivent déjà les masses. Près de 40 % des Américains, dans une enquête réalisée par Harris Poll pour Bloomberg News en décembre 2023, ont déclaré que leur ménage avait récemment eu recours à de l'argent supplémentaire en plus de leur revenu habituel pour joindre les deux bouts. Parmi eux, 38 % ont déclaré que les sommes supplémentaires couvraient à peine leurs dépenses mensuelles et qu'il ne leur restait rien, et 23 % ont déclaré qu'elles ne suffisaient pas à payer leurs factures.

Depuis décembre dernier, les licenciements collectifs dans les secteurs de l'automobile, de l'aérospatiale, du commerce de détail et d'autres secteurs ont continué à se répandre, dévastant encore davantage les familles de la classe ouvrière. Ces conditions ont déjà déclenché une vague de grèves – chez Boeing, sur les docks, dans le secteur automobile – au cours desquelles les travailleurs se sont rebellés contre les bureaucrates syndicaux et ont rejeté les capitulations.

Voici quelques indices clés de la réalité sociale à laquelle sont confrontées de larges couches du peuple américain en ce jour de Thanksgiving :

La faim

Selon l'enquête la plus récente du Census Bureau Household Pulse Survey (octobre 2023), un Américain adulte sur huit a du mal à se procurer suffisamment de nourriture. Près de 28 millions d'adultes au niveau national – 12,5 % de la population adulte – vivent dans des foyers où il n'y a parfois ou souvent pas assez à manger. Ce chiffre n'a jamais été aussi élevé depuis la première année de la pandémie de COVID-19.

L’itinérance

Le document « State of Homelessness » de la National Alliance to End Homelessness, édition 2024, fait état de ce qui suit :

  • En 2023, l'augmentation d'une année sur l'autre du nombre de personnes sans domicile a été de 12,1 %, soit la plus forte augmentation depuis le début de la collecte des données en 2007.

  • De 2022 à 2023, le nombre de familles entières sans domicile a augmenté de 15,5 %.

  • Plus de personnes que jamais sont sans domicile pour la première fois. De 2019 à 2023, le nombre de personnes entrant pour la première fois dans un refuge d'urgence a augmenté de plus de 23 %. Au cours de l'année 2023, près d'un million de personnes étaient sans domicile pour la première fois.

  • Le poids des coûts de logement est en augmentation. Le nombre de ménages locataires consacrant plus de 50 % de leurs revenus au loyer a considérablement augmenté, de plus de 12,6 % entre 2015 et 2022.

  • Plus de la moitié des personnes en situation d’itinérance avec abri et un peu moins de la moitié des personnes en situation de sans-abrisme ont un emploi formel.

La pauvreté

  • Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les États-Unis ont le taux de pauvreté le plus élevé des 26 pays les plus développés du monde. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) classe les États-Unis au deuxième rang, derrière le Mexique, sur une échelle de ce que les économistes appellent la « pauvreté relative des enfants », mesurée par rapport à 35 des pays les plus riches du monde.

  • En 2023, le taux de pauvreté officiel des États-Unis, selon le Bureau du recensement des États-Unis, était de 11,1 %. Il y avait 36,8 millions de personnes en situation de pauvreté en 2023.

L’espérance de vie

  • L'espérance de vie globale aux États-Unis était de 76,4 ans au début de l'année 2023, soit la plus faible depuis plus de 20 ans.

Comment cela est-il possible dans le pays le plus riche du monde ? La réponse est le capitalisme. Il s'agit d'un système dans lequel la classe ouvrière, qui produit toutes les richesses, est systématiquement dépouillée de la majeure partie de ce qu'elle produit sur la base de la propriété privée des moyens de production, de la production pour le profit et du cadre historiquement dépassé de la vie économique que constitue l'État-nation.

Les niveaux d'excès et de parasitisme oligarchiques aux États-Unis sont particulièrement grotesques en raison de la subordination politique totale de la classe ouvrière à l'élite dirigeante par le biais du système bipartite. L'exclusion de la classe ouvrière de la vie politique est imposée par la bureaucratie syndicale et les groupes de pseudo-gauche pro-démocrates dans sa périphérie tels que les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA).

Cela se traduit par des faits tels que le maintien du salaire minimum fédéral à 7,25 dollars de l'heure, ce qui n'est même pas suffisant pour assurer la survie d'un être humain. Pendant ce temps, le monopole bipartisan dépense un billion de dollars par an pour la guerre et l'armée et un billion par an pour assurer le service d'une dette nationale de 34.000 milliards de dollars, qui ne cesse d'augmenter. Ces derniers paiements, qui enrichissent directement les banques et les fonds spéculatifs, s'ajoutent aux 12.000 milliards de dollars distribués pour sauver l'élite financière lors des crises de Wall Street en 2008 et 2020.

Les millions de travailleurs qui ont voté pour Trump l'ont fait pour protester contre l'indifférence non dissimulée de Biden et Harris à l'égard de l'impact dévastateur de l'inflation et de l'austérité, y compris la suppression de 40 millions de personnes des listes Medicaid. Ils n'ont pas voté pour la dictature, le rassemblement des travailleurs immigrés dans des camps de concentration surveillés par l'armée en vue d'une expulsion sommaire, l'extension de la guerre mondiale de l'impérialisme américain à la Chine, l'augmentation du soutien de Washington au génocide de Gaza, ou la destruction de millions d'emplois et de services sociaux essentiels.

Ils seront stupéfaits et enragés par ce qui se prépare sous Trump, et ils résisteront, massivement et à une échelle révolutionnaire. Dans sa monumentale Histoire de la révolution russe, Léon Trotsky a consacré un chapitre au « tsar et à la tsarine », dans lequel il évoque l'aveuglement cognitif qui semble habiter les classes dirigeantes à la veille des bouleversements révolutionnaires. Il a écrit :

Au flux de l'histoire, dont les lames se rapprochaient de plus en plus des portes du palais, le dernier Romanov opposait une sourde insouciance : on eût dit qu'entre sa mentalité et son époque se dressait une cloison légère mais absolument impénétrable.

Trotsky poursuit :

Le tsar n'avait pas besoin de stupéfiants ; la « mixture » mortelle, il l'avait dans le sang. Mais les signes d'intoxication semblaient particulièrement frappants sur le fond des grands événements de la guerre et de la crise intérieure qui conduisit à la révolution.

L’histoire s’apprête à régler ses comptes avec la classe dirigeante américaine. La force sociale qui seule peut arrêter et inverser le glissement vers le fascisme et la guerre mondiale est la classe ouvrière, aux États-Unis et dans le monde. Elle se battra, mais cela nécessite une perspective et une stratégie marxiste et internationaliste scientifique et la construction d'une nouvelle direction, ce qui ne peut être accompli que par le mouvement trotskiste, le Parti de l'égalité socialiste et le Comité international de la Quatrième Internationale. À tous ceux qui voient les dangers et veulent se battre, nous disons : adhérez au PES et luttez pour l'indépendance politique de la classe ouvrière et le socialisme !

(Article paru en anglais le 28 novembre 2024)

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