Les dirigeants européens applaudissent l’usage par l’Ukraine de missiles ATACMS américains pour bombarder la Russie. Le sens de cette décision téméraire – le Kremlin ayant averti que l’usage de missiles américains, tirés par des officiers américains en Ukraine sur la base de données de ciblage américaines, signifiait une guerre directe entre l'OTAN et la Russie – est sans équivoque. L''OTAN risque, en réalité, une guerre totale entre grandes puissances nucléaires.
Elle impose cette politique au mépris de l’opposition du peuple. Après que Macron a appelé, cet hiver, à envoyer des troupes en Ukraine, un sondage du Eurasia Group a révélé que neuf personnes sur dix en Europe de l’Ouest rejetaient cette politique, laquelle a également été critiquée par d’autres chefs d’État européens. Pourtant, ils s’engagent désormais tous dans une escalade du conflit avec la Russie, qui pourrait mener à une guerre nucléaire.
Mardi, le Kremlin a adopté une doctrine nucléaire renforcée, annoncée cet automne face aux menaces de Washington et le Londres d’armer l’Ukraine avec des missiles de longue portée pour bombarder la Russie. Elle stipule que «toute agression contre la Russie et (ou) ses alliés par un État non nucléaire avec la participation ou le soutien d’un État nucléaire sera considérée comme une attaque conjointe». Ainsi, si l’Ukraine tire des missiles de l’OTAN sur la Russie, les pays de l’OTAN deviennent des cibles de représailles russes, y compris avec des armes nucléaires.
Avec une témérité monumentale, les gouvernements européens indiquent qu’ils sont prêts à risquer une guerre nucléaire pour intensifier leur intervention en Ukraine.
A Bruxelles lundi, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a approuvé l’utilisation de missiles américains contre la Russie. Berlin appuie la « décision de la part des Américains », a-t-elle déclaré, prétendant que ce n’est «pas une nouvelle position ... mais d’une intensification de ce qui a déjà été fourni par d’autres partenaires ».
Interrogé sur l’utilisation de missiles de l’OTAN pour bombarder la Russie, son homologue français, Jean-Noël Barrot, a dit que la France soutenait déjà cette politique: «Vous avez entendu le présidentMacron à Meseberg le 25 mai, où nous avons ouvertement dit que c'était une option que nous prenions en considération, s'il fallait autoriser des frappes sur des cibles depuis lesquelles les Russes attaquent le territoire ukrainien. Donc, rien de nouveau sous le soleil.»
Hier, quand la Russie a confirmé que Kiev et Washington avaient utilisé des missiles ATACMS pour la bombarder, Baerbock a réitéré cette position. Elle a balayé les menaces de représailles russes, y compris l’éventuel recours aux armes nucléaires, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE mardi à Varsovie. Interrogée sur l’attitude de Berlin envers la modification de la doctrine nucléaire russe, elle a réagi: « Nous ne nous laisserons pas intimider, quelles que soient les nouvelles choses annoncées encore et encore.»
En pleine campagne électorale allemande, les partis au pouvoir comme de l'opposition officielle ont les mêmes position.s Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la commission de la défense au Parlement européen, a tweeté: «Mieux vaut tard que jamais. C’est une très bonne chose que Joe Biden prenne enfin cette décision importante à la fin de son mandat.»
Norbert Röttgen, un stratège de politique étrangère de la CDU d’opposition, a écrit sur X: «Les États-Unis font ce qui est moralement et politiquement juste. Un geste tardif mais nécessaire, qui permettra enfin à l’Ukraine de se défendre contre les armes russes avant qu’elles ne tuent des civils en Ukraine. … Renforcer la capacité de l’Ukraine à se défendre est permis par le droit international et est moralement et politiquement indispensable. C’est la seule langue que Poutine comprend.»
Personne ne pose les questions nécessaires pour expliquer les conséquences stupéfiantes de cette politique. Si l'armée russe répond aux frappes de l'OTAN en bombardant des bases militaires ou des villes européennes, que feront les puissances européennes? Croient-elles qu'elles peuvent mener une guerre totale avec la Russie sans déclencher une guerre nucléaire? Combien de millions de vies humaines sont-elles prêtes à sacrifier pour leurs objectifs de guerre?
Hier, au G20 à Rio de Janeiro, Macron a réagi au bombardement de la Russie en dénonçant le Kremlin pour avoir changé sa doctrine nucléaire. «Je veux ici véritablement appeler la Russie à la raison. Elle a des responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies», a-t-il déclaré, dénonçant une posture« escalatoire» russe. Il a ajouté : « La Russie aujourd’hui est en train de devenir une puissance de déstabilisation mondiale.»
De même, le Premier ministre britannique Sir Keir Starmer a balayé le changement de la doctrine nucléaire russe comme une «rhétorique irresponsable» et juré que cela «ne dissuadera pas notre soutien à l'Ukraine ».
Minimiser les menaces russes en les traitant de «rhétorique irresponsable», c’est jouer à la roulette russe, mais avec des armes nucléaires. Des dirigeants de l'OTAN ont dit que leur objectif est d'imposer une défaite stratégique à la Russie, détruire l'État russe et diviser le pays. Poutine subit une pression intense pour répondre à l'escalade militaire visant la Russie. Si le Kremlin n’a pas encore répondu massivement aux précédentes provocations de l'OTAN, cela ne signifie pas qu'il pourra éviter de le faire à l'avenir.
Ce sont les pays de l'OTAN qui agissent avec une témérité énorme, bombardant la Russie tout en déclarant qu'elles ne se laisseront pas dissuader, même par le danger d'une guerre nucléaire. Leurs arguments sont déchirés par des contradictions criantes. D'abord, ils disent que l'Europe doit faire la guerre pour protéger la démocratie de la menace hitlérienne de Poutine; ensuite, ils laissent entendre que Poutine est si «responsable» qu'il les laissera patiemment bombarder son pays.
Tel est le contenu des commentaires du journal allemand Die Zeit. «À vrai dire, la Russie pourrait déjà déclencher une guerre nucléaire selon sa propre doctrine», avoue le journal, avant d'ajouter: «En réalité, de tels documents n'ont guère de valeur. Ils représentent davantage une menace, une communication agressive pour le monde extérieur, qu'une vraie politique à usage interne.»
Die Zeit ment lorsqu'il qualifie la doctrine nucléaire russe de communication creuse, et se contredit donc. «Le problème, ajoute-t-il, c'est que les menaces russes, sous forme de doctrine, d'exercices nucléaires ou de planification démonstrative visible par le renseignement, ont des conséquences.» Les experts pensent que «Poutine n'utilisera pas ses armes de destruction massive, mais les gouvernements occidentaux ne peuvent pas ignorer le risque. Même s'ils sont convaincus que Poutine bluffe. Du moins tant que la possibilité technique d'une frappe nucléaire russe subsiste.»
En réalité, les pays de l'OTAN méprisent le risque d'un holocauste nucléaire pour tenter d'infliger une défaite stratégique à la Russie. La poursuite de cet objectif s'inscrit dans une logique militaire implacable. Alors que leurs supplétifs ukrainiens sont au bord de la défaite et que l'on craint que Trump ne réduise l'aide militaire américaine à Kiev, les pays européennes planifient une intervention toujours plus forte et plus directe dans la guerre qui les oppose à la Russie.
Il existe une opposition populaire profonde au plan de guerre élaboré par l'impérialisme européen, mais il faut alerter la classe ouvrière et la mobiliser. Les travailleurs ne doivent pas se faire d'illusions. La bourgeoisie planifie la militarisation de l'Europe, et donc: la réintroduction du service militaire universel, l’envoi de troupes en Ukraine, une augmentation massive des dépenses de défense aux dépens des salaires et des droits sociaux, et la mise en place de régimes fascisants d'État policier pour réprimer l'opposition ouvrière.