Perspective

Après les fermetures d'usines annoncées chez Volkswagen: Pour une campagne mondiale de la base contre les suppressions d'emplois dans l'industrie automobile!

Ouvriers de Volkswagen à Chattanooga, Tennessee [Photo: Volkswagen]

L’Alliance ouvrière internationale des comités de base (sigle anglais, IWA-RFC) appelle à une campagne mondiale contre les suppressions d’emplois dans l’automobile et dans d’autres secteurs. Les attaques massives des sociétés transnationales, aidées et encouragées par la bureaucratie syndicale, doivent être contrecarrées par la mobilisation de la puissance de la classe ouvrière internationale.

Les travailleurs doivent préparer une campagne mondiale, qui comprendra des piquets de grève et des rassemblements dans le monde entier, et qui aboutira à des grèves internationales. Le terrain doit être préparé en établissant des lignes de communication entre les travailleurs de l'automobile aux États-Unis, en Allemagne et dans d'autres pays, en collaboration avec les travailleurs d'autres industries confrontées à des réductions d'effectifs, notamment chez Boeing, qui a annoncé 17 000 licenciements en représailles à une grève de près de sept semaines.

Les comités de la base chez les travailleurs de l’automobile d’Amérique du Nord et d’Europe doivent être élargis et inclure chaque usine-clé, donnant ainsi aux travailleurs le pouvoir d’arrêter l’industrie mondiale.

Lundi, le syndicat allemand IG Metall a annoncé que Volkswagen (VW) allait fermer au moins trois usines en Allemagne, détruisant ainsi des dizaines de milliers d'emplois. C’est la plus récente de toute une série de suppressions d'emplois dans le secteur automobile mondial. Rien qu'en Europe, cela comprend la fermeture prévue d'une usine Audi en Belgique, des réductions d'effectifs chez Ford, Stellantis et d'autres grands constructeurs automobiles, ainsi que des dizaines de milliers de licenciements dans le secteur des pièces détachées.

Des coupes sombres sont en cours aux États-Unis, avec près de 2.450 suppressions d'emplois dans l'usine d'assemblage de camions Warren Trucks [Michigan] et des milliers de licenciements d’intérimaires de plus. Mardi, Stellantis a annoncé de nouvelles suppressions d'emplois dans son usine d'assemblage Mack à Detroit. GM a mis 1.700 travailleurs au chômage partiel dans son usine de Fairfax, dans le Missouri, et a licencié sans préavis des centaines de travailleurs temporaires à temps partiel dans tout le pays. Cela fait suite à la suppression de 1.000 salariés dans sa division logiciels et services.

Si les PDG parviennent à leurs fins, ces suppressions d’emplois seront encore éclipsées dans les années à venir. Ce massacre d’emplois fait partie de la transition de l’industrie automobile mondiale vers les véhicules électriques. Les entreprises se livrent une concurrence acharnée pour supprimer des emplois, tant pour amortir le coût des investissements que pour profiter des coûts de main-d’œuvre réduits qu’augure la nouvelle technologie. Des centaines de milliers, voire des millions d’emplois sont menacés.

Les emplois dans d’autres secteurs, des chemins de fer aux docks, en passant par la logistique, l’ingénierie et le théâtre, sont menacés par d’autres technologies émergentes telles que l’automatisation et l’intelligence artificielle. La productivité du travail a depuis longtemps atteint le niveau requis pour éliminer la pauvreté et tous les autres problèmes sociaux. Le fait que cette situation persiste et s’aggrave est dû à la subordination de toute la vie économique au profit privé.

L'IWA-RFC rejette le «droit» des capitalistes à contrôler la production pour maximiser leurs profits en broyant les travailleurs. Nous luttons au contraire pour réaliser les droits sociaux de la classe ouvrière par le biais du contrôle des travailleurs sur la production, par la transformation des trusts géants en services publics. Les bénéfices issus des nouvelles technologies doivent servir à améliorer la vie de ceux qui produisent, pas celle d'une poignée de parasites.

La lutte contre les licenciements doit être menée à l’échelle mondiale, car chaque secteur industriel dépend des chaînes de production et d’approvisionnement mondialisées. Il n’existe plus de voiture «allemande» ou «américaine». Les véhicules modernes sont le produit du travail coordonné de travailleurs dans des dizaines de pays, que le siège social de l’entreprise soit à Wolfsburg ou à Detroit.

Des deux côtés de l’Atlantique, la classe dirigeante cherche à imputer les licenciements massifs à la concurrence chinoise. Le gouvernement Biden a imposé des droits de douane de 100 pour cent sur les véhicules en provenance de Chine ; mardi, l’Union européenne a massivement augmenté les tarifs douaniers sur ces véhicules, les portant à 45,3 pour cent. Ces mesures protectionnistes constituent une taxe régressive frappant les consommateurs ; elles obligent les travailleurs à subventionner les profits des constructeurs automobiles à travers des prix plus élevés.

Pendant des décennies, les grands trusts ont utilisé la production mondiale comme un moyen de dresser les travailleurs les uns contre les autres dans une course mondiale vers le bas. Mais avec une stratégie internationale qui rejette les divisions nationales promues par les bureaucraties syndicales et les gouvernements nationaux, les travailleurs peuvent prendre l’offensive et utiliser la production mondialisée pour construire un mouvement de classe bien plus puissant et uni qu’il n’était possible dans le passé.

La réunion organisée dimanche dernier par l'IWA-RFC sur la grève de Boeing montre ce qui est possible. Des travailleurs des six continents, des ouvriers de l'automobile et d'autres secteurs, ont participé à une discussion sur l'importance mondiale de cette grève. Ils ont discuté d'une stratégie mondiale pour défendre les travailleurs de Boeing contre les tentatives du gouvernement, de Boeing et des bureaucrates syndicaux de briser la grève.

Cette campagne doit être organisée comme une rébellion contre la bureaucratie syndicale de chaque pays, qui aide ses «propres» capitalistes à concurrencer leurs rivaux étrangers en imposant licenciements et baisses de salaires. Dans chaque pays, les syndicats fonctionnent comme des dictatures bureaucratiques échappant totalement au contrôle des travailleurs qui en sont membres. Les appareils doivent être abolis et le pouvoir transféré à la base.

En Allemagne, le syndicat IG Metall, qui siège au conseil de surveillance de VW et participe à la gestion des usines par le biais des «comités d’entreprise» et d’autres organismes patronaux, a déclaré qu'il ne ferait qu’aider à garantir que les suppressions d’emplois soient effectués de manière «socialement acceptable», c’est-à-dire sans provoquer de résistance active de la base. Aux États-Unis, la bureaucratie du syndicat UAW (United Auto Workers) contribue à la mise en œuvre des licenciements avec un nouveau contrat au rabais, tout en essayant de rejeter la responsabilité sur les travailleurs canadiens et mexicains de l’automobile, eux aussi confrontés aux suppressions d’emplois. L’UAW est si étroitement liée à la Maison-Blanche de Biden qu’elle fonctionne pratiquement comme un ministère du gouvernement américain.

La seule perspective viable est celle qui repose sur la mobilisation des travailleurs eux-mêmes pour transférer à la base le pouvoir de l’appareil syndical incontrôlable. Il faut construire des comités de la base comme nouveaux organes de pouvoir, donnant aux travailleurs les moyens d’agir de manière indépendante pour faire respecter leur volonté démocratique et préparer des actions à l’échelle mondiale.

On ne peut pas contraindre les bureaucrates à changer de cap en «faisant pression » sur eux par la base, car leurs salaires à six chiffres dépendent de la paix sociale qu’ils assurent au patronat et aux gouvernements capitalistes. La seule réponse doit être de briser l’autorité de la bureaucratie, pas de la réformer.

Volkswagen, fondée à l’origine comme entreprise automobile nationale de l’Allemagne nazie, est l’un des exemples les plus marquants au monde de l’intégration des syndicats au patronat et à l’État. La «Deutschland S.A.» est gérée comme une alliance tripartite entre les actionnaires des trusts, l’IG Metall et le gouvernement allemand. Sur la base du « partenariat social» et de la «cogestion», les intérêts des travailleurs et du capital, prétendait-on, pouvaient être conciliés.

Les fermetures d'usines réfutent ce mensonge. En réalité, il s'agit d’une unité nationale entre le patronat, le gouvernement et les bureaucrates, dirigée contre les travailleurs.

Des deux côtés de l’Atlantique, cette alliance tripartite prend l’aspect d’une coalition de guerre. Biden appelle les syndicats son «OTAN intérieure » et compte sur eux pour maintenir en activité les chaînes d’approvisionnement, essentielles à la guerre. Il en est de même en Allemagne où le gouvernement mène la plus grande remilitarisation depuis l’époque nazie. Pendant ce temps, les responsables syndicaux assistent et encouragent les tentatives de criminalisation de l’opposition à la guerre, notamment de celle au génocide de Gaza.

L'impossibilité pour les ouvriers de se défendre dans un cadre purement national est démontrée par le glissement vers la dictature dans tous les pays. L'ensemble du cadre corporatiste du travail ressemble de plus en plus aux syndicats nationaux du fascisme, qui étaient destinés à étrangler l'indépendance de la classe ouvrière et à préparer le pays à la guerre contre les rivaux étrangers.

Il est significatif que le principal soutien milliardaire du fascisme soit Elon Musk, dont le constructeur automobile Tesla est essentiel à la transition vers les véhicules électriques. Son soutien au mouvement fasciste que Trump est en train de construire montre que les attaques prévues contre la classe ouvrière sont incompatibles avec des formes démocratiques de gouvernement. La bureaucratie syndicale, imprégnée depuis des décennies d’anticommunisme et d’attaques contre les étrangers et les immigrés, accusés de «voler» les emplois, est elle aussi toute prête à s’accommoder même d’une dictature fasciste.

La classe ouvrière doit se mobiliser à l’échelle mondiale contre le système de profit, incompatible avec l’égalité. La lutte contre les licenciements doit être liée à une lutte pour le contrôle des travailleurs sur les nouvelles technologies dans le but d’améliorer leur qualité de vie et de répondre aux besoins humains. Volkswagen et les autres trusts transnationaux doivent être transformés en entités publiques, gérées par les travailleurs eux-mêmes pour le bien de tous. Cela doit être lié à une lutte de la classe ouvrière contre la guerre, propulsée par la campagne lancée par l’impérialisme américain et européen pour la conquête des ressources, des marchés et des chaînes d’approvisionnement.

(Article paru en anglais le 30 octobre 2024)

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