Hier, Macron a conclu une visite d'État de deux jours au Maroc, une ancienne colonie française et espagnole. Il a proposé à la monarchie marocaine de servir de principal allié et instrument de l'impérialisme français en Afrique de l'Ouest, où les tensions s'intensifient rapidement entre la France et ses alliés de l'OTAN, d'un côté, et la Russie, la Chine et l'Iran, de l'autre.
La guerre OTAN-Russie qui dévaste l'Ukraine s'étend à l'Afrique, suite au retrait ignominieux de l'impérialisme français en 2022 de sa guerre de neuf ans au Mali. Les manifestations de masse ont forcé les troupes françaises à quitter le Mali, le Niger et le Burkina Faso, et ces pays ont cherché une aide militaire russe et des liens économiques avec la Chine. Paris fait face à la plus grande crise de sa position dans son ex-empire colonial africain depuis la décolonisation et ses guerres sanglantes contre l'indépendance de l'Algérie et du Cameroun dans les années 1950 et 1960.
Le voyage de Macron visait à inverser cet effondrement accéléré de son influence, sur fond de radicalisation croissante des masses de travailleurs et de jeunes en Afrique. Hier, devant le parlement à Rabat, il a proposé au roi du Maroc Mohamed VI un «nouveau cadre stratégique» pour les relations franco-marocaines.
Ce « cadre stratégique » est une proposition d'utiliser le Maroc comme source de main-d'œuvre à bas coût et de logistique pour augmenter les profits du capital français et accroître l'influence de l'impérialisme français dans les zones contestées du Sahel et de toute l'Afrique de l'Ouest.
Macron a souligné que cela ferait du Maroc « le premier pays en dehors de l'Union européenne [avec lequel] nous nous engagerions ensemble aussi intensément ». Il a annoncé jusqu'à 10 milliards d'euros d'investissements par des entreprises françaises. Il s'agit notamment d'Alstom dans une ligne ferroviaire à grande vitesse Tanger-Marrakech, de projets de collaboration dans le domaine de l'énergie solaire et de l'hydrogène par Total, d'une usine Safran au Maroc et d'un port à conteneurs à Nador West Med qu’exploiterait CGM-CMA.
Ces projets reflètent l'escalade de la guerre mondiale. Cette «intégration des chaînes de valeur», a dit Macron, protégerait l'Europe et l'Afrique de «fragmentation du commerce international», alors que les pays de l'OTAN isolent la Russie et l'Iran du dollar américain et de l'euro, et mènent une guerre commerciale contre la Chine. Macron a souligné dans son discours que le Maroc pourrait être une «plateforme», un «outil» ou un «chemin singulier» entre l'Europe et l'Afrique.
En janvier, Rabat avait annoncé un plan mettant les infrastructures routières, portuaires et ferroviaires du Maroc à la disposition du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad. Le projet n'avait jusqu'à présent pas été très commenté en France. Non seulement ces pays peuvent déjà exporter leurs marchandises via les ports de Dakar au Sénégal, d'Abidjan en Côte d'Ivoire, de Cotonou au Bénin ou de Lomé au Togo, mais ce projet nécessiterait d'importants investissements dans les infrastructures de transport tant en Mauritanie qu'au Maroc.
Les autorités mauritaniennes auraient refusé d'approuver le projet : Maroc devrait construire des infrastructures portuaires dans la région contestée du Sahara occidental, revendiquée par le Maroc mais où le régime algérien soutient le Front Polisario indépendantiste.
Mais en juillet, Macron a écrit une lettre à Mohammed VI, approuvant les revendications du Maroc sur la région. Le «présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», a déclaré Macron dans la lettre, appelant à des négociations à l’ONU. Selon des diplomates, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s'était senti «trahi» par la lettre; Tebboune a ensuite annulé ses projets de visite d'État en France cette année.
A présent, Mohamed VI élabore des plans pour une visite d'État à Paris en 2025, à l'occasion du 70e anniversaire de l'accord d'indépendance marocaine de 1955 entre Mohammed V et le gouvernement français qui menait alors une guerre sanglante contre l’Algérie.
Macron propose non pas un plan de développement économique, mais de pillage impérialiste de la région. Il vise à reconquérir le terrain que l'impérialisme français a perdu face à la Russie, à la Chine et à d'autres pays en développement au milieu de manifestations de masse contre sa présence dans le Sahel et d'une opposition de masse en Afrique à la guerre de l'OTAN contre la Russie et au génocide de Gaza. Macron veut non seulement préparer le retour des troupes françaises mais aussi intensifier la guerre de classe contre les travailleurs africains.
Macron a indiqué qu'il continuerait la guerre contre les migrants africains, dont plus de 20.000 se sont noyés alors que l'UE bloque les sauvetages en Méditerranée. « Nous avons besoin de davantage de résultats» sur les expulsions d'immigrés marocains de France, a-t-il dit à Rabat, ajoutant que cela « constitue pour beaucoup de Français une attente des plus fortes». Il a appelé à une «lutte contre les trafics de toute nature», processus qui «gangrène nos territoires».
Macron a jeté quelques miettes au roi marocain, en déclarant que la France serait ouverte à la «circulation» de «talents» des deux côtés de la Méditerranée, pour «nourrir les deux rives de leur intelligence et projets commun». En clair, les entreprises françaises choisiraient les travailleurs qualifiés qu'elles souhaitent admettre, tant que cela serait conforme aux politiques anti-migrants de Macron et de l'UE.
La guerre OTAN-Russie en Ukraine s'étend d'ailleurs rapidement en Afrique. On l’a vu après la défaite sanglante subie par le gouvernement malien et les troupes russes du groupe Wagner en juillet à Tinzaouatène aux mains de milices liées à Al-Qaïda et de l'ethnie touareg. Les dirigeants ukrainiens ont provoqué des incidents diplomatiques majeurs en se vantant d'avoir fourni à des groupes terroristes les renseignements nécessaires pour tuer des dizaines de soldats russes.
L'ambassadeur d'Ukraine au Sénégal, Yuri Pyvovovorov, a republié une vidéo d'Andriy Yusov, chef du renseignement militaire ukrainien, qui disait: «Le fait que les rebelles aient reçu les données nécessaires qui leur ont permis de mener à bien une opération contre les criminels de guerre russes, a déjà été observé par le monde entier. Bien entendu, nous ne divulguerons pas les détails. Plus d'informations à venir ici aussi.»
Le Mali, puis le Niger et le Burkina Faso ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'Ukraine en août. Le régime sénégalais, bien que proche de l'OTAN, s'est senti obligé de convoquer Pyvovarov au ministère sénégalais des Affaires étrangères pour le réprimander officiellement et souligner l'opposition du Sénégal au soutien aux groupes terroristes à l'intérieur du Mali.
Le plan d'infrastructures de transport Sahel-Maroc, aujourd'hui épaulé par Macron, est une offre d'accorder aux pays du Sahel des routes d'exportation exemptées des sanctions que les États voisins ont imposées au commerce des pays du Sahel à la demande de la France, dans le cadre de sa lutte pour conserver son emprise sur son ex-empire colonial. Paris a déjà forcé la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à imposer des sanctions paralysantes au Mali, au Burkina Faso et au Niger après le départ des troupes françaises de ces pays.
L'analyste de la sécurité Sergueï Eledinov a dit au Monde: « Mais ces hubs sont soumis aux aléas politiques. Le commerce du Burkina Faso, du Mali et du Niger a été lourdement sanctionné suite aux changements de régime. Pour leurs dirigeants, même si les routes seront plus longues et que le transport coûtera plus cher, faire transiter des marchandises via le Maroc offre au moins l’assurance d’être à l’abri des humeurs de l’Occident et des organisations régionales.»
L'intégration économique de l'Afrique, l’élimination de la pauvreté et des conflits ethniques et religieux et l'émergence d'une véritable démocratie nécessitent d'unifier les travailleurs en lutte contre l'impérialisme français et l'OTAN. C'est aussi essentiel pour stopper l'escalade militaire de l'OTAN visant la Russie et la Chine. Cela nécessite de mobiliser et d'unifier les travailleurs à l'échelle internationale à travers l'Afrique, ensemble avec leurs frères et sœurs de classe dans les pays de l'OTAN, dans un mouvement contre la guerre impérialiste et pour le socialisme.