Perspective

Le rassemblement fasciste de Trump au Madison Square Garden

Le rassemblement organisé pour le candidat républicain à la présidence Donald Trump, au Madison Square Garden de New York dimanche soir, a révélé le visage d'un mouvement politique qui prend un caractère de plus en plus ouvertement fasciste.

Donald Trump arrive pour prendre la parole lors de son rassemblement de campagne fasciste au Madison Square Garden, dimanche 27 octobre 2024, à New York.  [AP Photo/Julia Demaree Nikhinson]

Les commentateurs des médias ont, à juste titre, utilisé le terme fascisme pour décrire le mouvement que Trump est en train de construire. Mais bien qu’ils identifient certaines caractéristiques du fascisme – comme la subversion des méthodes électorales traditionnelles par le biais de la violence et de l'intimidation, le nationalisme extrême et la xénophobie – ils omettent son aspect le plus essentiel: la contre-révolution capitaliste.

En réponse au rassemblement du Madison Square Garden, certains commentateurs font remarquer que cela pourrait probablement coûter des voix à Trump. Il ne fait aucun doute que le spectacle présenté à New York suscitera la répulsion de larges segments de la population, et pas seulement de ceux directement visés par la saleté fasciste de Trump.

Le plan de Trump pour accéder au pouvoir n'est cependant pas basé sur des procédures électorales formelles, mais sur les méthodes relevant de la guerre civile. Trump et les Républicains opèrent sur la base d'un schéma d'inspiration fasciste.

Cela était évident dans les discours prononcés dimanche soir. À New York, capitale mondiale des médias, les orateurs républicains ont lancé les formules racistes et anti-immigrés avec désinvolture. L’un des intervenants a qualifié Porto Rico, la patrie ancestrale de quelque 6 millions d'Américains, dont 1 million de New-Yorkais, d'«île d'ordures flottante». Le conseiller de Trump, Stephen Miller, a clamé que «l'Amérique est pour les Américains et uniquement pour les Américains», slogan qui est une traduction directe du mantra nazi «Deutschland ist nur für Deutsche» (L’Allemagne n’est que pour les Allemands), utilisé pour justifier le meurtre de masse des Juifs pendant l'Holocauste.

Trump, pour sa part, a clamé qu'avec sa victoire, «l'invasion migratoire de notre pays prend fin et la restauration de notre pays commence» et que le jour des élections serait «le jour de la libération». Les tropes de la «renaissance nationale» face à la «contamination étrangère» sont depuis longtemps un pilier des mouvements fascistes. Le programme républicain inclut la promesse de raffler et d'expulser 11 millions d'hommes, de femmes et d'enfants, un objectif qui ne pourrait être atteint qu'avec un État policier. Ce qu’on a présenté au Madison Square Garden, est une stratégie de répression violente à l'échelle industrielle. Ce que Trump promet doit en fin de compte conduire à des meurtres de masse.

La violence sera d'abord dirigée contre les opposants politiques, que Trump qualifie d’«ennemis intérieurs». Sous le regard des dirigeants républicains du Congrès, Trump et ses alliés ont à nouveau juré de se venger de leurs adversaires. Étant donné qu’il y a un peu moins de quatre ans, ses partisans étaient à deux doigts d’exécuter publiquement le vice-président Mike Pence et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, ces menaces doivent être considérées comme mortellement réelles. Les orateurs ont qualifié la candidate démocrate à la présidence, Kamala Harris, d’«Antéchrist» et de «diable». Un autre intervenant a qualifié tous les démocrates de «bande de dégénérés, de minables, de haineux des Juifs».

Trump en a encore insisté sur sa rhétorique traitant ses adversaires d'ennemis intérieurs et a déclaré : «ils sont malins et sournois, et nous devons les vaincre», ajoutant : «ils ont fait de très mauvaises choses à ce pays. Ils sont en effet l'ennemi de l'intérieur.»

Cette stratégie ne sera pas modifiée par le vote de mardi prochain. Trump et les Républicains se préparent à utiliser des méthodes illégales et inconstitutionnelles pour contester tout résultat qui leur serait défavorable, en utilisant leur contrôle des gouvernements des États et des forces de police pour contester les résultats électoraux, comme ils l'ont fait il y a quatre ans. Le lendemain de son meeting, des urnes ont été la cible d'incendies criminels dans les États de Washington et de l'Oregon, ce qui donne une petite idée de ce qui est à venir.

Trump a derrière lui des pans entiers de l'oligarchie patronale et financière, qui comprennent que l’«ennemi intérieur» est finalement la classe ouvrière. Elon Musk, l’homme la plus riche du monde, est apparu au Madison Square Garden vêtu de noir, l'uniforme traditionnel du mouvement créé par Mussolini. Musk a fait don de 118 millions de dollars à la campagne de Trump.

D'autres milliardaires et PDG, selon un article du Washington Post publié lundi, «se couvrent». Cela inclut Jeff Bezos, deuxième homme le plus riche du monde et propriétaire du Post, qui a empêché son journal de soutenir Harris. Parmi les oligarques qui ont déclaré leur neutralité lors de l'élection, on trouve Warren Buffett, PDG de Berkshire Hathaway; Larry Ellison, fondateur d'Oracle; Mark Zuckerberg de Meta; et Sundar Pichai de Google.

Les cinq personnes les plus riches des États-Unis contrôlent une richesse combinée de 1000 milliards de dollars. Tous ont maintenant soit soutenu Trump, soit déclaré leur indifférence entre les deux candidats. Les capitalistes américains sont tout aussi prêts à conclure un accord avec Trump en 2024 que leurs homologues allemands l'étaient avec Hitler en 1933.

Le Parti démocrate n'est pas un obstacle aux complots de Trump, mais un complice. Il articule les intérêts de la même élite financière, ainsi que des sections les plus riches de la classe moyenne, et a «gagné» la bataille de l'argent auprès des riches donateurs.

Si l’on en croit leurs déclarations publiques, les démocrates, tout innocents, ont soudainement pris conscience du fascisme de Trump la semaine dernière, suite aux déclarations des généraux à la retraite Mark Milley et John Kelly. Ils ne s’étaient jamais rendu compte de cette tendance auparavant, malgré la tentative de renversement du gouvernement le 6 janvier 2021.

En réalité, le silence du Parti démocrate face à l’évolution fasciste de plus en plus manifeste de Trump et de son mouvement MAGA est motivé par son engagement à maintenir l’emprise politique du système capitaliste bipartite sur la classe ouvrière. C’est pourquoi, en réponse au coup d’État du 6 janvier, Biden avait déclaré soutenir «un Parti républicain fort». Tout au long de leurs tentatives d'enquêter sur le coup d’État, les démocrates ont cherché à éviter d’impliquer le Parti républicain et ses alliés de la Cour suprême dans cette conspiration fasciste.

Même aujourd'hui, l'idée maîtresse de la campagne de Harris est de «tendre la main à l'autre côté», aux républicains prétendument raisonnables. Dans la mesure où ils parlent du danger représenté par Trump, ils le présentent comme émanant d’un simple individu en quête de pouvoir, et non pas du chef d'un des deux partis de l'élite dirigeante capitaliste ayant un soutien considérable chez les oligarques capitalistes.

Les conditions mêmes qui ont renforcé le fascisme – la guerre sans fin à l'étranger, l’échelle maligne des inégalités sociales et la répression de l'État policier – sont nourries par le Parti démocrate.

Le fascisme n’est pas le choix politique erroné des partis capitalistes, et encore moins des individus. Comme Trotsky l’a expliqué dans une série d’écrits brillants en réponse à la montée du nazisme, le fascisme est une manifestation de l’effondrement de la démocratie bourgeoise sous le poids des contradictions du capitalisme.

Mobilisant un mouvement de masse basé sur les segments les plus réactionnaires de la classe moyenne et des segments arriérés des travailleurs démoralisés, le fascisme est la forme la plus grossière du capitalisme – la domination ouvertement violente exercée pour le profit sur la classe ouvrière à l'intérieur et l’extérieur

L'expérience américaine le confirme. Il y a eu d'autres formations politiques fascistes au cours du siècle dernier, par exemple le Ku Klux Klan, les Silver Shirts, le German American Bund, l’America First Committee et la John Birch Society. Il y a eu un certain nombre de politiciens fascistes en vue, comme Huey Long, le père Coughlin, Charles Lindbergh, Joe McCarthy et George Wallace. Et il y a eu beaucoup de capitalistes aux idées fascistes, parmi lesquels Henry Ford, Howard Hughes et William Randolph Hearst.

L'émergence du fascisme en Amérique doit quelque chose à ces pionniers notoires de l’extrême-droite et à la politique antisémite, anti-immigrée et raciste toxique qu'ils ont adoptée. Elle doit au moins autant au libéralisme américain et à la bureaucratie syndicale. Tous se sont donné la main au XXe siècle pour élever l'anticommunisme au rang d’une religion d'État qui n’en avait pas le nom. Le résultat en a été le bannissement de la politique et de la culture américaines officielles de toute compréhension de la prédominance de la classe dans la construction de la réalité sociale. L'extrême droite a toujours été la bienvenue dans ce monde, même si la bourgeoisie ne ressentait pas le besoin de lui donner le pouvoir.

Dans la mesure où le capitalisme américain a conservé une résilience suffisante pour contenir les contradictions de classe dans le cadre des procédures démocratiques traditionnelles, sans recourir aux méthodes de la guerre civile, la classe dirigeante a tenu son aile fasciste à distance. Mais ce n’est plus possible.

Ces 30 dernières années, le système capitaliste a été soumis à une série de chocs économiques majeurs. Le krach financier de 2008 a conduit le capitalisme américain au bord de l’effondrement, qui n’a été évité que par le renflouement massif organisé par l’administration Obama des banques et des grands trusts. La pandémie, qui a déclenché un nouvel effondrement de Wall Street, a nécessité une escalade de la transfusion d’argent gratuit dans les coffres des banques et des trusts. Durant les 15 dernières années, la dette nationale a été massivement augmentée pour atteindre environ 35 000 milliards de dollars.

Parallèlement à la crise économique fondamentale, il y a eu le déclin prolongé de la position mondiale des États-Unis. Les fantasmes de domination illimitée et incontestée des États-Unis sur un «nouvel ordre mondial» après la dissolution de l’Union soviétique en 1991 ont été brisés par l’émergence de défis majeurs à l’hégémonie américaine, surtout de la part de la Chine.

La classe dirigeante américaine tient presque pour acquis qu'un conflit militaire avec la Chine est inévitable. Les références à la «guerre totale» sont désormais monnaie courante dans les revues de politique et les déclarations des principales figures politiques. À cet égard, les démocrates se montrent encore plus agressifs que les républicains.

Le Parti démocrate n’offre rien que l’austérité et la guerre – et en effet, il paie et arme des fascistes dans le monde entier qui servent de bras long et sanguinaire à l'impérialisme américain. Cela inclut les bataillons Azov en Ukraine et les forces israéliennes qui mettent en œuvre la «solution finale» du « problème » palestinien à Gaza et en Cisjordanie.

La combinaison fatale de la crise financière et économique et des impératifs mondiaux de l’impérialisme américain pousse la classe dirigeante à la guerre contre la classe ouvrière. La classe dirigeante, qui a acquis le caractère d’une oligarchie, est obligée d’intensifier son assaut contre le niveau de vie de la classe ouvrière.

La principale préoccupation des démocrates quant à Trump est que sa victoire pourrait interférer avec des plans de guerre bien avancés avec la Russie. Ils craignent l'effondrement du système bipartite et que le cadre de l'État capitaliste bipartite ne soit sapé. Et ils craignent que la révélation du danger représenté par Trump ne produise un mouvement de masse d'en bas. En effet, en réponse au meeting de Trump à New York, le Parti démocrate, dont la fausse socialiste new-yorkaise, la députée Alexandria Ocasio-Cortez, n'a monté aucune protestation contre lui.

Parler de «moindre mal» dans cette situation n'a aucun sens politique. Cela confirme l'analyse que le World Socialist Web Site fait depuis 2000 où de violentes manifestations ont interrompu le dépouillement des votes en Floride, plaçant le résultat de l'élection contestée Bush-Gore dans les mains de la majorité de droite de la Cour suprême qui a donné la victoire aux républicains. Cette décision, avons-nous averti, révélait l'absence dans la classe dirigeante de toute base véritable pour la démocratie. Aujourd'hui, près d'un quart de siècle plus tard, sont jetées aux orties jusqu’aux formes des règles démocratiques.

Au milieu de ces bouleversements politiques, il faut souligner un fait essentiel. Le mouvement des élites dirigeantes vers la dictature s’oppose de plus en plus diamétralement au mouvement de la classe ouvrière. L'année écoulée a vu des manifestations massives de jeunes et de travailleurs contre le génocide à Gaza face à une répression brutale et aux calomnies. Il y a une opposition croissante dans la classe ouvrière à l'austérité, à l'exploitation, à la pauvreté et aux inégalités sociales, qui ne s'exprime que partiellement dans la série de grèves ayant lieu à travers le pays – dont la grève en cours chez Boeing où les travailleurs ont rejeté deux contrats présentés par le syndicat.

Il existe une puissante base objective pour le développement d'un mouvement contre les conspirations des oligarques capitalistes.

La tâche consiste à fournir à ce mouvement un programme anticapitaliste et socialiste qui articule ses intérêts. Il faut combattre le poison du chauvinisme national, du racisme et de l'hystérie anti-immigrés en luttant pour l'unité internationale de la classe ouvrière. La classe ouvrière américaine doit reconnaître que la défense de ses droits démocratiques et de ses intérêts sociaux n'est possible qu'en alliance avec ses frères et sœurs de classe du monde entier.

Tout au long de ce processus électoral, qui a mis à nu la dégradation de l’ensemble du système politique américain, le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l’égalité socialiste) ont cherché à alerter la classe ouvrière, la jeunesse et toutes les sections progressistes de la population sur l’ampleur de la crise. Quelle que soit l’issue immédiate des élections de mardi prochain, la crise du système politique va s’intensifier. Après le rassemblement du Madison Square Garden, il est impossible de nier le danger posé par la montée d’un mouvement fasciste américain et la création d’une dictature capitaliste militaro-policière. L’alternative à laquelle la classe ouvrière est confrontée est soit la conquête du pouvoir et l’établissement du socialisme, soit la barbarie fasciste et la guerre mondiale.

Tous ceux qui reconnaissent ce danger doivent en tirer la conclusion politique nécessaire: rejoindre le Socialist Equality Party et construire le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 29 octobre 2024)

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