Alors que l'Ukraine et la Corée du Sud affirment que des soldats nord-coréens ont été envoyés en Russie pour combattre les forces ukrainiennes, le président russe Vladimir Poutine a indirectement reconnu leur présence dans des commentaires aux médias jeudi dernier.
Interrogé au sujet d'une vidéo diffusée par les services de renseignement sud-coréens montrant prétendument des soldats nord-coréens s'entraînant dans l'Extrême-Orient russe, Poutine a déclaré qu'«il n'avait jamais douté de ce que les dirigeants nord-coréens prennent nos accords au sérieux».
Poutine faisait référence au «partenariat stratégique global» convenu lors de sa visite en Corée du Nord en juin, lequel prévoit «une assistance mutuelle en cas d'agression contre l'une des parties». Un article du traité oblige la Corée du Nord et la Russie à fournir «une assistance militaire et autre sans délai en mobilisant tous les moyens en leur possession» en cas d'invasion de l'une ou de l'autre.
L'accord a été ratifié jeudi par les législateurs russes. Commentant la clause d'assistance mutuelle, Poutine a déclaré: «Ce que nous ferons et comment nous le ferons est notre affaire dans le cadre de cet article.»
Les termes du traité ont conduit à des spéculations selon lesquelles des troupes nord-coréennes pourraient être déployées dans la région de Koursk en Russie dans le cadre d'un effort de contre-offensive visant à déloger les forces ukrainiennes qui se sont emparées d'une partie de la région lors d'une offensive lancée en août.
Poutine n'a fourni aucun détail concernant la présence de troupes nord-coréennes en Russie et n'a pas tenté de réfuter les diverses affirmations de la Corée du Sud, de l'Ukraine et des États-Unis, selon lesquelles jusqu'à 12 000 soldats des forces spéciales nord-coréennes auraient été envoyés dans l'Extrême-Orient russe pour s'entraîner, et que plusieurs milliers auraient déjà été déplacés vers la zone de combat de Koursk.
Vendredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que des soldats nord-coréens devraient être envoyés dans des «zones de combat» dès le 27 ou le 28 octobre. Il a qualifié cette décision d'«escalade claire de la Russie» et a appelé les soutiens de l'Ukraine à faire pression sur Moscou et Pyongyang par une «réponse forte» face à «l'implication réelle de la Corée du Nord dans les combats».
Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, est intervenu en déclarant que l'implication de troupes nord-coréennes était «une question très, très sérieuse» si elles sont co-belligérantes, «si leur intention est de participer à cette guerre pour le compte de la Russie». Il a averti que «cela aurait des répercussions non seulement en Europe, mais aussi dans la région indo-pacifique».
John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, a déclaré à propos de l'envoi de soldats nord-coréens: «Nous ne savons pas encore si ces soldats combattront aux côtés de l'armée russe, mais c'est certainement une probabilité très préoccupante.» Il a ensuite averti que les troupes nord-coréennes constitueraient «une cible légitime» si elles étaient déployées dans les combats contre les forces ukrainiennes.
Les condamnations du déploiement de troupes par la Corée du Nord en Russie sont totalement hypocrites. Au cours des deux dernières années, les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN ont mené une guerre contre la Russie, fournissant à l'Ukraine des dizaines de milliards de dollars en matériel militaire de plus en plus sophistiqué et meurtrier, ainsi que la formation et les renseignements. L'invasion ukrainienne de Koursk a sans aucun doute été planifiée et préparée avec l'aide directe de l'OTAN, et des États-Unis en particulier.
Si l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 n'a rien de progressiste, la responsabilité première de cette guerre incombe à l'impérialisme américain, qui a délibérément poussé le régime de Poutine à agir en menaçant d'incorporer l'Ukraine dans le pacte militaire de l'OTAN. Washington a intensifié la guerre de façon irresponsable, franchissant chacune de ses propres «lignes rouges», tout en cherchant à fracturer la Fédération de Russie et à la subordonner à ses intérêts économiques et stratégiques.
Conseillers américains et de l'OTAN, agents de renseignement et troupes des forces spéciales sont sans aucun doute déjà présents en Ukraine. Dans ses commentaires, Poutine a déclaré que des officiers et des instructeurs de l'OTAN étaient directement impliqués dans la guerre en Ukraine. «Nous savons qui est présent là-bas, de quels pays européens de l'OTAN ils sont, et comment ils effectuent ce travail», a déclaré Poutine.
La présence de troupes nord-coréennes en Russie sert déjà de prétexte pour faire avancer les plans de déploiement ouvert de troupes de l'OTAN en Ukraine. Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a déclaré dimanche au site POLITICO qu'il était temps pour les pays européens de réexaminer l'idée du président français Emmanuel Macron d'envoyer des troupes en Ukraine, évoquée pour la première fois en février.
«Si les informations selon lesquelles les escadrons de tueurs russes sont équipés de munitions et de personnel militaire nord-coréens sont confirmées, nous devons revenir aux “troupes sur le terrain” et aux autres idées proposées par Macron», a déclaré Landsbergis.
Dans une interview publiée le 1er octobre dans le journal allemand Berliner Zeitung, Benjamin Haddad, le ministre délégué français chargé de l’Europe, a déclaré: «Le président Macron a dit à plusieurs reprises qu'il ne fallait rien exclure.» Lorsqu'on lui a demandé si « la position française reste que le déploiement de troupes au sol en Ukraine n'est pas exclu », Haddad a répondu « oui ».
La condamnation du déploiement de troupes par la Corée du Nord s'accompagne de dénonciations de la fourniture d'armes aux forces russes. Les services de renseignement sud-coréens affirment que la Corée du Nord a envoyé 13 000 conteneurs d'obus d'artillerie, de roquettes antichars et de missiles à la Russie, alors que la guerre s'éternise.
Même si cela était vrai, les munitions nord-coréennes pâlissent en comparaison des fournitures non seulement de munitions, mais aussi de chars de combat, de missiles longue portée, de drones et d'avions de combat par les États-Unis et l'OTAN à l'Ukraine. Dans le cadre de son récent voyage en Europe, le secrétaire américain à la Défense Austin a effectué une visite inopinée à Kiev, sa quatrième, où il a annoncé un autre volet de 400 millions de dollars d'armes américaines pour l'Ukraine.
Il convient également de noter que si les services de renseignement sud-coréens suivent l'assistance militaire nord-coréenne à la Russie, la Corée du Sud elle-même fournit indirectement de grandes quantités de munitions à l'Ukraine par l'intermédiaire des États-Unis. En décembre dernier, le journal sud-coréen Hankyoreh a rapporté que Séoul avait envoyé au moins 500 000 obus de 155 mm aux États-Unis pour réapprovisionner les stocks de Washington, sérieusement épuisés à la suite de l'envoi d'obus en Ukraine. Un article du Washington Post a rapporté que le Pentagone cherchait 330 000 obus supplémentaires car l'Ukraine en utilisait environ «90 000 ou plus par mois».
L'implication potentielle de troupes nord-coréennes dans les combats contre les forces ukrainiennes souligne à nouveau le fait que la guerre que les États-Unis et l'OTAN mène contre la Russie, ainsi que le génocide israélien soutenu par les États-Unis à Gaza et la guerre qui s'étend au Moyen-Orient, sont deux fronts de ce qui est en train de devenir rapidement une guerre mondiale entre puissances dotées d’armes nucléaires.
L'avertissement d'Austin que le déploiement nord-coréen n'affectera pas seulement l'Europe, mais «aura un impact sur la situation dans l'Indo-Pacifique», reflète simplement le débat croissant dans les cercles stratégiques et militaires américains sur le caractère mondial des guerres en cours. En effet, l'impérialisme américain cherche à mettre la Russie à genoux alors qu'il mène une guerre économique contre la Chine et qu’il intensifie les provocations militaires et les préparatifs de guerre avec le pays qu'il considère comme la principale menace à son hégémonie mondiale.
Il est possible et nécessaire d'arrêter la course insensée de l'impérialisme américain et de ses alliés vers la catastrophe nucléaire. La seule force sociale capable de le faire est un mouvement unifié de la classe ouvrière internationale basé sur un programme socialiste visant à abolir le capitalisme et sa division réactionnaire du monde en États-nations rivaux.
(Article paru en anglais le 28 octobre 2024)