Perspective

L’élection des oligarques

Cette image montre la candidate démocrate à l'élection présidentielle, la vice-présidente Kamala Harris, lors d'un rassemblement à Flint (Michigan), le 4 octobre 2024 (à gauche), et le candidat républicain à l'élection présidentielle, l'ancien président Donald Trump, lors d'un rassemblement de campagne à Walker (Michigan), le 27 septembre 2024. [AP Photo/File]

L'élection présidentielle de 2024, à un degré qui dépasse même les élections précédentes, est dominée par une implication directe et majeure d'une poignée de milliardaires et d'oligarques capitalistes qui contrôlent les deux partis politiques.

Ce fait a été illustré de manière crue au cours du week-end, lorsque l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, a annoncé qu'il remettrait un chèque d'un million de dollars chaque jour d'ici à l'élection à une personne choisie au hasard qui signerait une pétition de droite visant à faire respecter les premier et deuxième amendements de la Constitution des États-Unis. Le patron de Tesla et de X (valeur nette de 250 milliards de dollars) a annoncé le versement samedi lors d'un rassemblement qu'il a organisé en Pennsylvanie pour promouvoir la campagne du républicain fasciste Donald Trump.

L'argent proviendra d'America PAC, un comité d'action politique pro-Trump créé par Musk avec un don de 75 millions de dollars. America PAC a mis en place la pétition en ligne, censée soutenir la « liberté d'expression » (contre les efforts visant à limiter les publications fascistes sur les médias sociaux) et les « droits aux armes à feu » individuels, tels qu'interprétés par la Cour suprême d'extrême droite.

Les gagnants doivent seulement être inscrits sur les listes électorales et habiter dans l'un des sept États « clés », qui sont les plus disputés dans la course à la présidence : Arizona, Géorgie, Michigan, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin.

Musk a utilisé la pétition en ligne America PAC pour obtenir un soutien politique en faveur de Trump. Il a d'abord offert 47 dollars pour chaque personne référée aboutissant à une signature (le président élu le mois prochain, qu'il s'agisse de Trump ou de Harris, serait le 47e de l'histoire des États-Unis). Il a ensuite augmenté la prime à 100 dollars, avant d'opter pour le dernier coup de pub en date.

Depuis qu'il s'est pleinement engagé dans la campagne de Trump il y a trois mois, Musk est devenu l'un des quatre principaux bailleurs de fonds du républicain fasciste, rejoignant Timothy Mellon (valeur nette de la famille : 14 milliards de dollars), héritier de la fortune bancaire, qui a donné 150 millions de dollars au super PAC « Make America Great Again » ; Miriam Adelson (valeur nette : 35 milliards de dollars), qui a donné 95 millions de dollars au super PAC « Preserve America » ; et Richard Uihlein (valeur nette : 6 milliards de dollars), qui a injecté 49 millions de dollars dans le PAC « Restoration ».

La partie de la classe dirigeante qui soutient Trump rompt ouvertement avec les formes constitutionnelles du pouvoir, en soutenant l'attaque fasciste de Trump contre « l'ennemi intérieur », c'est-à-dire toute opposition aux politiques de l'oligarchie financière et patronale.

Un article de Forbes publié la semaine dernière note cependant dans son titre que « Kamala Harris a plus de milliardaires qui la soutiennent que Trump ». L'analyse de Forbes fait état de 79 milliardaires soutenant la candidate démocrate, contre 50 pour le républicain.

Parmi les 28 milliardaires qui ont donné au moins 1 million de dollars à des groupes soutenant Harris figurent l'ancien PDG de Google Eric Schmidt (valeur nette de 38 milliards de dollars), Michael Bloomberg (valeur nette de 105 milliards de dollars), le cofondateur de Home Depot Arthur Blank (valeur nette de 9,5 milliards de dollars) et l'héritière de l'empire alimentaire Cargill Gwendolyn Sontheim Meyer (valeur nette de 5,1 milliards de dollars), pour n'en citer que quelques-uns.

Le principal PAC de l'aile démocrate de l'oligarchie capitaliste, Future Forward, a levé 700 millions de dollars, principalement auprès de magnats de l'informatique pro-démocrates de la Silicon Valley californienne. Dustin Moskovitz, cofondateur de Facebook, a donné plus de 50 millions de dollars depuis 2020, selon un rapport.

L'argent des PAC s'ajoute aux sommes considérables collectées directement par les candidats et les deux partis de la grande entreprise. Selon les dernières déclarations à la Commission électorale fédérale, les comités de collecte de fonds pour la campagne de Harris, le Comité national démocrate et les comités du Parti démocrate au niveau des États ont recueilli 652 millions de dollars au cours du troisième trimestre de cette année. C'est presque le double des 340 millions de dollars que la campagne de Trump et le Parti républicain ont collectés au cours des mêmes trois mois, qui se sont terminés le 30 septembre.

Ces ressources financières massives se concentrent presque entièrement sur les sept États clés, et en particulier sur les États industriels du nord dits de la « muraille bleue » que sont la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, que Trump a remportés en 2016 face à Hillary Clinton et qu'il a perdus face à Joe Biden en 2020.

Rien qu'en Pennsylvanie, l'État clé qui compte le plus grand nombre de grands électeurs, 19, les deux partis capitalistes ont dépensé près d'un demi-milliard de dollars en publicités, selon la société AdImpact: 275,1 millions de dollars pour les démocrates et 222,5 millions de dollars pour les républicains. Le Michigan s'approche de ce total, suivi par la Géorgie et le Wisconsin.

Quiconque regarde la télévision ou navigue sur Internet dans un État clé est immédiatement assailli d'appels à la campagne, de caractère généralement fasciste de la part de Trump (qui diabolise habituellement les immigrants) ou de Harris (où la millionnaire défenseure du capitalisme est présentée comme étant soucieuse des conditions de vie des travailleurs).

Le rôle immense de l'oligarchie capitaliste reflète la réalité de l'État, qui n'est pas un arbitre neutre mais un instrument de domination de classe.

Les élections elles-mêmes se déroulent dans un contexte de conspiration du silence sur les enjeux fondamentaux auxquels la population est confrontée aux États-Unis et dans le monde, notamment le génocide à Gaza, l'escalade de la guerre au Moyen-Orient et contre la Russie, l'effondrement des formes démocratiques de gouvernement et la croissance colossale de l'inégalité sociale.

Et tandis que les milliardaires rivalisent pour acheter leurs candidats préférés, toute véritable opposition est exclue. Commentant les versements d'un million de dollars de Musk, le candidat à la présidence du Parti de l'égalité socialiste, Joseph Kishore, a fait remarquer que:

Les tiers partis et les candidats indépendants aux États-Unis sont entravés à chaque instant par une vaste gamme de mesures antidémocratiques, allant des lois sur l'accès aux bulletins de vote aux restrictions sur la couverture médiatique, en passant par la censure des médias.

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Le World Socialist Web Site a attiré l'attention sur la signification historique de ce vaste fossé social dans sa déclaration éditoriale du Nouvel An 2024. Nous avons écrit :

Tous les discours sur la défense de la démocratie et la lutte contre le fascisme qui ignorent la question fondamentale de la classe et du pouvoir économique — reconnaissant par conséquent la nécessité de la mobilisation de la classe ouvrière à l’échelle mondiale pour le renversement du capitalisme — sont de la démagogie cynique et politiquement impuissante.

La richesse des milliardaires doit être expropriée et les gigantesques trusts doivent être transformés, sans compensation pour les gros actionnaires, en services publics contrôlés par l’État, gérés sur la base des besoins sociaux et non du profit privé. Les institutions antidémocratiques et les organes répressifs de l’État capitaliste (armée professionnelle, police et agences de renseignement) doivent être abolis et remplacés par des organisations de contrôle et de pouvoir des travailleurs, afin d’établir une économie démocratique et planifiée à l’échelle mondiale.

L'expérience de la campagne électorale de 2024 n'a fait que souligner la véracité de cette évaluation et la nécessité urgente pour la classe ouvrière de combiner la défense de la démocratie et des droits démocratiques avec la lutte politique pour l'expropriation des richesses des oligarques.

(Article paru en anglais le 21 octobre 2024)

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