Les licenciements collectifs frappent les travailleurs de l’auto d’une usine Stellantis à Detroit : « Nos emplois sont un droit »

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Les travailleurs de Warren Truck quittant l'usine le 3 octobre 2024

Lundi était le dernier jour de travail pour plus de 2400 travailleurs de Stellantis à l'usine d'assemblage de camions Warren, dans la banlieue de Detroit. L'usine, qui employait jusqu'en octobre 2022 5500 personnes réparties sur trois équipes, ne comptera plus qu'une seule équipe de moins de 1300 personnes.

Ces licenciements s'inscrivent dans le cadre d'un massacre international de l'emploi par Stellantis, le cinquième groupe automobile mondial, qui vise également 12.000 emplois en Italie. Les syndicats du pays prévoient une journée de grève et une manifestation de masse à Rome le 18 octobre pour protester contre les réductions de production d'au moins 30 % cette année.

Stellantis est le fer de lance de la campagne menée par les constructeurs automobiles mondiaux pour obliger les travailleurs à supporter les coûts du passage aux véhicules électriques. « La course aux véhicules électriques est devenue une course à la réduction des coûts », a déclaré Carlos Tavares, PDG de Stellantis, au début de l'année. Depuis la fusion de Fiat Chrysler et du groupe PSA en 2021, qui a donné naissance à Stellantis, l'entreprise a procédé à des réductions de coûts pour un montant de 9 milliards de dollars.

Loin de s'opposer sérieusement aux suppressions d'emplois, la bureaucratie de l'United Auto Workers mène une campagne de relations publiques impuissante « Keep the Promise » (Tenez votre promesse), qui dénonce les « propriétaires étrangers » qui refusent d'« investir en Amérique ». Le syndicat prétend que l'entreprise revient sur les investissements promis dans l'accord UAW-Stellantis de 2023, mais les responsables de l'UAW ont accepté une formulation de la convention collective permettant à Stellantis de rompre ses engagements en cas de « changements dans les conditions du marché ».

Interrogé la semaine dernière sur les raisons pour lesquelles l'UAW n'avait pas appelé à la grève pour mettre fin aux suppressions d'emplois, le président de l'UAW, Shawn Fain, a insisté sur le fait que le syndicat devait d'abord « passer par la procédure » de dépôt de griefs avant de se mettre en grève. Dans le cas contraire, il s'exposerait à des poursuites judiciaires de la part de l'entreprise. Pendant ce temps, Shawn Fain dit aux travailleurs de placer leur confiance en Kamala Harris, une belliciste et une complice de longue date du patronat qui a soutenu l'interdiction d'une grève de 120.000 cheminots en 2022.

Jerry White, candidat du Parti de l'égalité socialiste à la vice-présidence des États-Unis, a condamné les suppressions d'emplois chez Warren Truck dans une déclaration lundi soir.

« Aujourd'hui est un jour sombre pour la classe ouvrière de Detroit », a déclaré White. « En plein cœur de Motor City, des milliers de travailleurs, dont de nombreux jeunes et des mères célibataires, se voient privés de leurs moyens de subsistance et de ceux de leurs enfants.

« C'est la réalité brutale du système capitaliste, que Kamala Harris et Donald Trump défendent. C'est un système basé sur l'exploitation de la classe ouvrière qui procure des richesses inouïes aux propriétaires capitalistes et rien d'autre que l'insécurité économique et la pauvreté pour les travailleurs. »

White a également dénoncé Fain et la bureaucratie de l'UAW pour n'avoir pas « levé le petit doigt pour défendre les emplois et les moyens de subsistance de ces travailleurs».

Les ouvriers de l'automobile licenciés devraient s'organiser et adhérer au réseau des comités de base des travailleurs de l'automobile, a déclaré White, et établir des liens avec les travailleurs qui se trouvent encore dans les usines, y compris les travailleurs des pièces détachées, de la logistique, des chemins de fer, de la santé et des écoles publiques dans toute la région métropolitaine.

« Des manifestations et des grèves doivent être organisées pour exiger l'annulation des licenciements, la réintégration de tous les travailleurs supplémentaires licenciés et des travailleurs à temps plein licenciés, et pour exiger le droit à un emploi sûr et bien rémunéré pour chaque travailleur », a déclaré White.

« Nos emplois sont un droit »

Les responsables de la section 140 de l'UAW disent aux travailleurs de Warren Truck que nombre d'entre eux pourraient être transférés dans d'autres usines. Mais il est impossible d'absorber des milliers de travailleurs dans des usines qui réduisent déjà leur production.

Au cours des dernières semaines, des centaines de travailleurs à temps plein et supplémentaires de l'usine d'assemblage de Sterling Heights (SHAP) de Stellantis, située à proximité, et des deux usines qui composent le Detroit Assembly Complex ont reçu des appels téléphoniques automatiques leur annonçant qu'ils n'avaient plus de travail.

« Le 24 octobre, nous sommes censés savoir ce qui va se passer ou non », a déclaré au WSWS une employée de Warren Truck qui vient d'être licenciée. Selon elle, les responsables syndicaux locaux ont dit aux travailleurs que le statut de leurs transferts ne serait pas résolu avant cette date. « Les gens sont bouleversés, confus et ne savent pas ce qui va se passer. Shawn Fain semble se préoccuper uniquement de lui-même et de l'élection de Harris, et non des personnes touchées par ces licenciements. »

Un travailleur de l'usine Mack du Detroit Assembly Complex a ajouté : « Tout le monde s'attend à un peu d'agitation dans l'industrie automobile, mais c'est stressant. Il y a tellement de va-et-vient entre la direction et le syndicat, et personne ne semble en mesure de nous dire quoi que ce soit de définitif. Pour les plus jeunes et les moins anciens de nos salariés, je suis sûr qu'ils craignent constamment de recevoir le prochain coup de téléphone les informant qu'ils perdent leur emploi.

« Après avoir travaillé pour une entreprise pendant cinq ans ou trois décennies, il est dégoûtant que les gens reçoivent un coup de téléphone leur annonçant qu'ils n'auront bientôt plus de revenu. Pour ceux d'entre nous qui se trouvent au milieu du peloton en termes d'ancienneté, nous avons dû dire au revoir à de bons travailleurs et à de bonnes personnes simplement parce que leur ancienneté n'était pas suffisante pour les garder dans l'usine.

« Les gens ont des factures à payer, en particulier ceux qui ont profité du programme de voitures introduit dans la convention collective actuelle. »

Un travailleur de SHAP a déclaré au WSWS : « L'entreprise a envoyé des textos à 56 personnes pour leur annoncer qu'elles avaient été licenciées et que c'était leur dernier jour, et nous continuons à regarder nos téléphones en nous attendant à la même chose. J'ai travaillé chez Dana pour 15 dollars de l'heure, j'ai été licencié et j'ai commencé ici à 15 dollars. Aujourd'hui, je peux être licencié à tout moment. C'est sans fin. »

Un autre travailleur de SHAP, commentant le récent arrêt de la grève des débardeurs par le syndicat de l'Association internationale des débardeurs, a déclaré : « Les grèves sont interrompues et les gens ne peuvent plus défendre leur emploi et d'essayer de le sauver. Les gens n'ont-ils pas la liberté d'expression, le droit de dire ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent ?

« Les gens ont besoin de leur emploi. Nous rentrons chez nous, nous avons des enfants à la maison, nous avons une facture d'électricité, nous avons une hypothèque, nous essayons de travailler, et ils nous disent : “C'est fini”. Qu'est-ce qu'on fait après ça ? Nos emplois sont un droit. On ne devrait pas se présenter au travail, tout faire ce qu’on nous demande et être renvoyé ensuite. Nous nous levons tous les jours, nous travaillons, nous venons travailler et nous nous faisons licencier. Pouvez-vous m’expliquer ? »

Le travailleur a également dénoncé le génocide israélien soutenu par les États-Unis à Gaza, qui a commencé il y a un an, et l'escalade des menaces de guerre contre l'Iran. « Je compatis avec les gens dans d'autres pays. Des enfants meurent et nous n'avons pas besoin de ce crime de guerre.

« C'est ainsi que je vois les choses, c'est un crime de guerre – toutes ces tueries et ces bombardements. Nous avons besoin de paix dans le monde, pour que les gens puissent travailler, construire leur vie comme des citoyens pacifiques. Nous avons toutes les nationalités et toutes les origines dans notre pays, et nous avons les mêmes intérêts d'où que nous venions. »

« Les travailleurs ont besoin d'une stratégie internationale »

Les licenciements de Warren Truck s'inscrivent dans le cadre d'un assaut plus large contre les emplois aux États-Unis et dans le monde.

Malgré la baisse largement annoncée du taux de chômage officiel de 4,2 à 4,1 % en août, l'emploi dans l'industrie manufacturière, le transport et l'entreposage a diminué, les entreprises recourant à l'automatisation pour supprimer des milliers d'emplois. On estime que 6,8 millions de travailleurs sont officiellement au chômage, soit un demi-million de plus que l'année dernière, et que 4,6 millions travaillent à temps partiel parce que leurs heures de travail ont été réduites ou qu'ils n'ont pas pu trouver d'emploi à temps plein.

Le nombre de travailleurs qui quittent volontairement leur emploi pour en trouver un meilleur est tombé en août à son niveau le plus bas depuis quatre ans. Cette situation est le résultat de la politique délibérée de la Réserve fédérale américaine visant à resserrer le crédit et à utiliser la menace d'un chômage massif pour repousser les demandes croissantes des travailleurs en faveur de salaires qui suivent le rythme de l'inflation.

Ces derniers mois, cependant, les grèves se sont multipliées, prenant la forme d'une rébellion contre les bureaucraties syndicales pro-patronales et pro-guerre. On peut citer la grève de trois semaines des 33.000 travailleurs de Boeing, qui ont rejeté à une écrasante majorité une entente négociée par le syndicat. Plus de 525 travailleurs d'Eaton Aerospace à Jackson, dans le Michigan, se sont mis en grève quelques jours plus tard après avoir rejeté deux contrats soutenus par l'UAW.

Ces luttes croissantes doivent être unifiées, mais cela ne sera possible que si les travailleurs en prennent la direction. Cela signifie qu'il faut étendre le réseau des comités de base, qui sont indépendants des bureaucraties syndicales et qui peuvent donner aux travailleurs les moyens de se battre pour défendre leur droit à l'emploi.

« Les travailleurs ont besoin d'une stratégie internationale », a écrit White, candidat à la vice-présidence du SEP, dans sa déclaration. « Cela signifie qu'il faut rejeter le nationalisme prôné par Fain, qui prétend que les patrons américains sont meilleurs que les “propriétaires étrangers” de Stellantis. C'est une escroquerie. GM et Ford, basés aux États-Unis, ne sont pas moins impitoyables que Stellantis et VW, et ils considèrent les licenciements massifs chez Warren Truck comme un prélude à leurs propres fermetures d'usines et licenciements collectifs. »

Le Parti de l’égalité socialiste, a-t-il ajouté, « insiste sur le fait que les droits des travailleurs à un emploi sûr et à un revenu décent doivent prévaloir sur le “droit” des dirigeants d'entreprise et des riches actionnaires à augmenter leurs profits en détruisant nos emplois et nos moyens de subsistance.

« Les grandes avancées technologiques, y compris les véhicules électriques et l'automatisation, doivent être utilisées pour raccourcir la semaine de travail et améliorer considérablement le niveau de vie, et non pour détruire les emplois des travailleurs et appauvrir leurs familles.

« La seule façon de garantir le droit à l'emploi est de retirer les industries géantes des mains de l'oligarchie financière et de transformer l'industrie automobile mondiale en un service public, détenu collectivement et contrôlé démocratiquement par la classe ouvrière. »

(Article paru en anglais le 8 octobre 2024)

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