Le parti d'extrême droite FPÖ remporte les élections législatives en Autriche

Le résultat des élections législatives autrichiennes du 29 septembre suit le même schéma que les élections en Italie en 2022, aux Pays-Bas en 2023 et dans les États allemands de Thuringe, de Saxe et de Brandebourg en 2024.

Herbert Kickl, chef du FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche) à Vienne, en Autriche, le dimanche 29 septembre 2024, après la fermeture des bureaux de vote lors des élections législatives autrichiennes. [AP Photo/Andreea Alexandru]

L'opposition généralisée à la guerre en Ukraine, la baisse des salaires réels et les coupes sociales ont entraîné une diminution spectaculaire du soutien aux partis établis. Alors que les syndicats répriment la lutte des classes et que tous les partis établis adoptent la politique fasciste de l'extrême droite envers les réfugiés, cette dernière réussi à gagner du terrain. Son succès électoral n'est pas dû à un mouvement de masse de droite, mais au virage à droite des élites dirigeantes.

Cinq ans après avoir été chassé du gouvernement en raison du scandale d'Ibiza, le Parti de la liberté d'Autriche (initiales allemandes FPÖ) est devenu premier parti dimanche avec 29,2 pour cent des voix. Par rapport aux élections de 2019, le FPÖ a gagné 13 points de pourcentage. Il a obtenu des résultats particulièrement élevés dans les régions rurales et chez la génération des 35-59 ans. Parmi les travailleurs, il a atteint un score de 50 pour cent.

Le FPÖ s’est déplacé plus à droite sous la direction de son nouveau chef, Herbert Kickl. Cet ancien étudiant en politique et philosophie, âgé de 55 ans, est proche des identitaires qui prônent un racisme biologiquement justifié. Il a placé le cri de guerre de la «remigration» au centre de sa campagne et a appelé à l’expulsion massive des étrangers. Le programme électoral du FPÖ a été baptisé «Forteresse Autriche, forteresse de la liberté». Selon lui, les demandes d’asile ne doivent plus être approuvées en Autriche.

Kickl s'est présenté comme le futur «chancelier du peuple» – une allusion à Adolf Hitler – et s'est insurgé contre les «partis du système» et contre les mesures sanitaires du COVID. Dans le même temps, il s'oppose à tout soutien supplémentaire à l'Ukraine dans la guerre contre la Russie.

Kickl travaille pour le FPÖ depuis 30 ans et a été rédacteur de discours et conseiller de Jörg Haider, sous la direction duquel le parti a opéré un brusque virage à droite. De 2017 à 2019, il a été ministre autrichien de l'Intérieur sous le chancelier Sebastian Kurz (Parti populaire autrichien, ÖVP) et s'est fait un nom grâce à des déportations draconiennes, au réarmement de la police et à plusieurs scandales.

Le Parti populaire autrichien (initiales allemandes ÖVP) et les Verts, qui gouvernent l'Autriche ensemble depuis le début de l'année 2020, ont enregistré des pertes record dimanche. L’ÖVP est passé de 37,5 à 26,5 pour cent, les Verts de 13,9 à 8 pour cent.

Les principales raisons sont les pertes importantes de salaires réels et l'augmentation de la pauvreté due à une inflation liée à la guerre. Ces dernières années, l'Autriche a connu l'un des taux d'inflation les plus élevés d'Europe, en particulier une montée en flèche des prix des loyers, des denrées alimentaires et de l'énergie, mettant à rude épreuve les familles à faible revenu. En 2023, un enfant autrichien sur cinq était considéré comme menacé de pauvreté.

Il y a un an, une vidéo avait montré le chancelier autrichien Karl Nehammer (ÖVP) se moquant des familles pauvres et des mères travaillant à temps partiel. Il leur conseillait de travailler davantage et de manger au McDonald's. Bien que ce ne fût pas sain, c'était «le repas chaud le moins cher» que l'on pouvait trouver en Autriche, affirmait-il. L'ÖVP a défendu sa déclaration.

Après le départ du FPÖ du gouvernement autrichien, Nehammer a repris le ministère de l'Intérieur de Kickl en 2020 et a poursuivi sa politique rigoureuse d'expulsions. Fin 2021, il a succédé à Sebastian Kurz en tant que chancelier. Au cours de la récente campagne électorale, Nehammer a continué à faire de l'agitation contre les réfugiés.

Les Verts, sous la direction du vice-chancelier Werner Kogler, un proche confident du ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, ont pleinement soutenu la ligne droitière de l’ÖVP sur la question sociale et celle des réfugiés.

Les sociaux-démocrates (SPÖ), qui ont occupé le poste de chancelier pendant 40 ans depuis 1970, ont obtenu le pire résultat électoral de leur histoire, 21 pour cent. Leur dernier chancelier, le chef d'entreprise Christian Kern, éliminé en 2017, a mené une politique d'austérité brutale et s'est rapproché du FPÖ.

Le SPÖ s'est présenté aux élections de dimanche avec Andreas Babler comme tête de liste. Ce maire d'une petite ville de 20 000 habitants a étonné en remplaçant Pamela Rendi-Wagner à la tête du SPÖ à l'été 2023 lors d'une conférence du parti où il avait prononcé un discours «de gauche». Babler se réclame de Bruno Kreisky qui a ouvert l'ère des chanceliers sociaux-démocrates en 1970. Dans sa campagne électorale, il a promis des mesures contre la pauvreté des enfants, un impôt sur la fortune pour les riches, une réduction du temps de travail et un accès plus facile aux médecins spécialistes.

Mais les électeurs n'ont pas été dupes de cette rhétorique de gauche. Ils ont une longue expérience de la politique anti-ouvrière du SPÖ, qui siège également dans de nombreux gouvernements régionaux et municipalités, où il collabore également avec le FPÖ.

Il sera difficile de former un nouveau gouvernement sur la base du résultat des élections. Jusqu'à présent, tous les partis ont affirmé qu'ils s'opposaient à une coalition avec un FPÖ dirigé par Kickl. Toutefois, l'ÖVP n'a pas exclu une telle coalition, à condition que Kickl renonce à la chancellerie. Il s'agirait du sixième gouvernement de ce type depuis 1983 ; l'ÖVP avait jusque-là, en tant que premier parti, toujours désigné le chancelier. Dans trois des Lands (régions), l'ÖVP gouverne déjà avec le FPÖ. Il est également possible que le parti de Nehammer le remplace par un membre prêt à coopérer avec Kickl.

Une coalition de l'ÖVP et du SPÖ disposerait d'une courte majorité de 93 députés dans le nouveau parlement, soit un de plus que ce qui est nécessaire pour avoir une majorité absolue. Il s'agirait d'une coalition de perdants des élections qui provoquerait immédiatement une énorme résistance.

Une coalition de l'ÖVP, du SPÖ et du NEOS est également à l'étude. Le NEOS, un parti économiquement libéral, principalement soutenu par les jeunes électeurs urbains de la classe moyenne, a gagné 1 pour cent pour atteindre 9 pour cent des voix.

Mais quelle que soit le gouvernement auquel on aboutira finalement, la marche à droite continuera. La crise mondiale et profonde du système capitaliste pousse à la guerre, aux coupes sociales et à la dictature tous les partis qui soutiennent le capitalisme. Seul un mouvement indépendant de la classe ouvrière internationale luttant pour une perspective socialiste peut empêcher un retour à la barbarie.

(Article paru en anglais le 1er octobre 2024)

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