Les lobbies des grandes entreprises du Sri Lanka ont salué le nouveau président Anura Kumara Dissanayake, chef du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP)/National People's Power (NPP), tout en insistant sur la nécessité d'adhérer pleinement au «programme de réformes» dicté par le Fonds monétaire international (FMI).
Les élites rapaces du Sri Lanka considèrent que les exigences d'austérité drastiques du FMI, notamment les privatisations, le gel des salaires, la destruction massive d'emplois dans le secteur public et la suppression des subventions aux travailleurs, encouragent les investissements directs étrangers (IDE) et augmentent les possibilités de doper leurs profits.
Les Chambres de commerce de Ceylan (CCC), la Fédération des chambres de commerce et d'industrie du Sri Lanka (FCCISL) et le Joint Apparel Association Forum (JAAF) ont tous publié des déclarations félicitant Dissanayake tout en formulant leurs propres exigences adressées au nouveau gouvernement.
La JAAF, qui représente les fabricants et exportateurs de vêtements et de textiles, principal secteur d'exportation du pays, a chaleureusement félicité Dissanayake et exprimé son « soutien le plus total».
La FCCISL s'est déclarée «optimiste quant aux opportunités qui s'ouvrent sous sa [Dissanayake] direction». L'Association des banques du Sri Lanka a adressé ses meilleurs vœux et assuré son engagement total à garantir «le maintien de la stabilité financière».
L'Association des hôtels du Sri Lanka (THASL) et l'Association des voyagistes du Sri Lanka (SLAITO) a également exprimé ses meilleurs vœux à Dissanayake pour diriger le pays et « l'assure du soutien le plus total pour faire passer le pays au niveau supérieur».
En plus de féliciter le gouvernement, le CCC est allé plus loin en incluant une liste de dix exigences. Il a surtout insisté sur le fait que le programme du FMI devait être mis en œuvre sans «modifications».
Durant la campagne électorale, Dissanayake avait assuré aux grandes entreprises qu'il mènerait à bien le programme du FMI, mais qu'il tenterait de renégocier les conditions du plan de renflouement de 3 milliards de dollars. Il a semé des illusions quant à de possibles négociations afin de duper les travailleurs, en leur faisant croire que les mesures d'austérité haïes pourraient être assouplies.
Le message du CCC était qu’il n’y avait aucune marge de manœuvre. Il fallait procéder à une «restructuration complète de la dette extérieure» et maintenir les accords déjà annoncés avec les créanciers commerciaux.
Les grandes entreprises veulent s'assurer que la troisième évaluation du FMI prévue soit un succès et que la quatrième tranche du prêt de renflouement soit versée. Si le gouvernement ne parvient pas à se montrer à la hauteur, non seulement la quatrième tranche de 331 millions de dollars sera compromise, mais les prêts attendus d'autres institutions internationales pourraient également devenir problématiques.
Le CCC a également appelé Dissanayake, qui s'est autoproclamé ministre des Finances, à appliquer les lois déjà adoptées pour garantir la poursuite du programme du FMI, notamment la loi sur la transformation économique, celle sur la gestion de la dette publique, celle sur la gestion des finances publiques et celle sur l'électricité au Sri Lanka. Ces lois, promulguées par le gouvernement Wickremesinghe, ne peuvent être modifiées que si le JVP/NPP obtient la majorité aux élections parlementaires annoncées cette semaine.
Le CCC a également exhorté le nouveau gouvernement à «mettre en œuvre le plan d’action gouvernemental préparé sur la base de l’Évaluation diagnostique de gouvernance du FMI». Cette évaluation axée sur la gouvernance budgétaire vise à garantir que les travailleurs soient mis à contribution au maximum à travers les impôts et les coupes dans les services essentiels pour rembourser les créanciers étrangers.
Les propositions du CCC n’étaient pas des sollicitations ou des suggestions, mais bien les exigences des grandes entreprises envers le gouvernement Dissanayake comme condition de son « engagement sans faille et de son soutien inconditionnel pour collaborer de manière productive avec le président nouvellement élu… »
La position du CCC était claire dès le départ. Lors de la signature du programme du FMI en 2023, il avait déclaré: «Nous pensons qu’il s’agit d’un point crucial pour l’économie, avec la mise en œuvre de réformes économiques attendues depuis longtemps […] Le pays ne peut se permettre aucune pause dans le programme… »
L'équipe du FMI s'était rendue au Sri Lanka en août et avait reporté sa troisième évaluation de la situation financière du pays jusqu'après l'élection présidentielle. Le chef de la mission du FMI, Peter Breuer, avait cependant averti: «Alors que la reprise économique du Sri Lanka se trouve à un tournant critique, il est essentiel de maintenir la dynamique des réformes et de veiller à la mise en œuvre rapide de tous les engagements du programme … [pour] remettre l'économie sur des bases solides ».
En d’autres termes, le FMI a déjà clairement indiqué à l’avance que «tous les engagements pris dans le cadre du programme» devaient être respectés. Par conséquent, toute modification, si elle doit être apportée, sera purement cosmétique.
Breuer a notamment précisé que le budget 2025 devrait être «soutenu par des mesures de recettes appropriées et une maîtrise continue des dépenses» pour garantir un excédent primaire à moyen terme de 2,3 pour cent du PIB, contre un excédent primaire de seulement 0,6 pour cent en 2023.
Cela signifie des hausses d’impôts pour les travailleurs et les petites entreprises, une vente à prix cassés des entreprises publiques, la destruction d'un demi-million d'emplois dans le secteur public et la réduction des dispositifs de santé, d'éducation et de protection sociale. Tout cela doit être poursuivi et accéléré pour rétablir la «viabilité de la dette» du Sri Lanka, autrement dit pour rembourser les usuriers internationaux.
Dans son discours à la nation mercredi soir, Dissanayake a rassuré la grande entreprise et le capital financier international sur son engagement envers le programme d'austérité du FMI. « Nous prévoyons d'entamer immédiatement des négociations avec le Fonds monétaire international et de poursuivre les activités liées à la facilité de crédit élargie», a-t-il déclaré.
Le Parti de l'égalité socialiste (SEP) prévient les travailleurs que la trajectoire du gouvernement est claire et qu'il n'y a pas de place pour les vœux pieux ou les illusions. Le FMI et les grandes entreprises ont défini le programme économique du gouvernement, qu'il mettra en œuvre sans pitié et sans tolérer aucune opposition.
Dissanayake et son ministre de l’Intérieur Vijitha Herath se préparent à réprimer toute opposition des travailleurs. Herath a demandé mardi aux hauts responsables de la police de « faire prévaloir le maintien de l'ordre de manière indépendante, sans être soumis aux interventions des politiciens».
La classe ouvrière doit élaborer sa propre stratégie pour lutter pour ses droits sociaux et démocratiques. Aucun des partis capitalistes ni leurs syndicats ne sont du côté des travailleurs ou des masses rurales. La classe ouvrière et les pauvres des campagnes doivent construire leurs propres organisations de lutte indépendantes.
Le Parti de l'égalité socialiste appelle les travailleurs à organiser leurs propres comités d'action sur chaque lieu de travail, usine, plantation et quartier, indépendamment des partis capitalistes et des syndicats. Les pauvres des zones rurales doivent également former de tels comités dans leurs zones.
Les alliés de la classe ouvrière du Sri Lanka sont les travailleurs du monde entier qui sont confrontés à des attaques similaires sur leurs conditions de vie. Les comités d’action locaux doivent s’associer à l’Alliance internationale ouvrière des comités de base, initiée par le Comité international de la Quatrième Internationale, dans le cadre d’une lutte internationale contre les trusts géants et le capital financier internationaux.
Derrière une façade de «démocratie», le parlement est rempli de représentants corrompus et vénaux de la bourgeoisie, qui se consacrent au maintien de son emprise sur le pouvoir politique. Les travailleurs ont besoin de leur propre base de pouvoir pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie de défense de leurs intérêts de classe.
Le SEP appelle à la création d'un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales, composé de délégués démocratiquement élus des comités d'action de toute l'île. Aucun des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs ne peut être résolu dans le cadre du capitalisme et de l'État-nation. C'est pourquoi nous préconisons un gouvernement ouvrier et paysan pour mettre en œuvre une politique socialiste comme base de la lutte contre le gouvernement Dissanayake, qui est en train d’appliquer rapidement les exigences d'austérité du FMI.
(Article paru en anglais le 28 septembre 2024)