Le Congrès des Ukrainiens canadiens s’oppose à la révélation des noms de 900 criminels de guerre nazis ayant trouvé refuge au Canada

Le Congrès des Ukrainiens canadiens (CUC) d’extrême-droite, mène une campagne de financement de 150.000 dollars pour intenter un procès contre le gouvernement canadien afin d’empêcher la publication éventuelle de la Deuxième partie, jusqu’ici secrète, du rapport de 1985 de la Commission Deschênes sur les criminels de guerre au Canada. Ce rapport contient les noms de plus de 900 criminels de guerre nazis qui ont été admis au Canada en tant qu’immigrants, la fameuse «liste maîtresse», ainsi que des résumés des allégations criminelles portées contre chacun d’entre eux.

La campagne du CUC, un groupe qui bénéficie du soutien de l’État canadien depuis des décennies et exerce une influence considérable au sein du gouvernement Trudeau pro-guerre, est soutenue par une partie des grands médias. Le principal argument avancé pour empêcher le gouvernement canadien de révéler les noms des meurtriers de masse qu’il a autorisés à entrer dans le pays après la Deuxième Guerre mondiale est que cela nuirait à la guerre des puissances impérialistes contre la Russie. Il est difficile de trouver un aveu plus accablant quant à la nature du régime soutenu par Washington et Ottawa à Kiev. Selon un article du Globe and Mail, la publication des noms de 900 nazis «pourrait alimenter l’affirmation du président russe Vladimir Poutine selon laquelle l’invasion de l’Ukraine équivaut à une purge de nazis», remarquant que «la propagande russe dans la guerre contre l’Ukraine pourrait s’en trouver renforcée».

«Propagande russe» est l’expression préférée des cercles dirigeants pour désigner toute opposition à la guerre contre la Russie en Ukraine provoquée par les impérialistes, et plus particulièrement lorsque l’opposition vient de la gauche et est de tendance socialiste. L’objectif de cette guerre est de soumettre la Russie à un statut semi-colonial afin que Washington, Ottawa et leurs alliés européens puissent s’emparer des ressources naturelles de ce pays. La crainte qui anime le Globe and Mail, le CUC et de larges pans de la classe dirigeante n’est pas que le nationalisme russe réactionnaire de Poutine, qui n’a rien à offrir aux travailleurs de Russie, et encore moins à ceux de l’Ouest, gagne du terrain. Leur crainte est plutôt de voir le sentiment anti-guerre se développer s’il apparaît que la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN au nom de la «défense de la démocratie» est en réalité une guerre de conquête impérialiste prédatrice menée en alliance avec les descendants politiques des collaborateurs et criminels de guerre nazis.

Yaroslav Hunka, ancien membre de la Waffen-SS, salué par une salve d’applaudissements au Parlement canadien. Le général Wayne Eyre, chef d’état-major de la défense du Canada, apparaît tout à fait à gauche de la photo.

Il y a presque exactement un an, le 23 septembre 2023, le Parlement canadien se levait à l’unanimité pour ovationner l’ancien combattant de la Waffen-SS, Yaroslav Hunka, ancien membre de la 14e division Waffen-SS «Galicie», composée en grande majorité de nationalistes ukrainiens pronazis. La division Galicie a participé à l’Holocauste et au massacre de dizaines de milliers de Polonais, et tous ses membres devaient prêter serment à Adolf Hitler.

Cet étalage dégoûtant au Parlement, auquel se sont joints des représentants de tous les pays du G7, a mis à nu le véritable caractère de la guerre en Ukraine et attisé la colère de la population. Depuis le coup d’État fasciste de Maïdan en 2014, qui a renversé le président pro-russe élu de l’Ukraine et mis au pouvoir un régime fantoche pro-occidental, le Canada et ses alliés impérialistes ont travaillé systématiquement à réarmer et à entraîner l’armée ukrainienne pour la guerre, et à intégrer dans ses rangs des forces fascistes comme le bataillon Azov. Les applaudissements pour Hunka étaient l’expression politique appropriée de ce processus.

En réponse au tollé populaire, le gouvernement a été contraint d’autoriser la déclassification de nouvelles sections de l’annexe au rapport de la commission Deschênes, qui avait été censurée pendant plus de 38 ans. Il contient de nouvelles révélations sur les personnes autorisées à entrer au Canada et sur la façon dont Pierre Elliot Trudeau, le père de l’actuel Premier ministre, est intervenu pour protéger l’identité d’un criminel de guerre nazi dans les années 1960.

Le 6 septembre, David Pugliese, journaliste au Ottawa Citizen, a révélé que Bibliothèque et Archives Canada, chargé de conserver la deuxième partie secrète du rapport Deschênes, avait consulté au cours de l’été «un groupe réservé de personnes et d’organisations» sur la question quant à savoir si le rapport secret devait finalement être publié, et qu’il délibérait encore sur sa décision. Ce groupe de «parties prenantes» comprend le CUC d’extrême droite, qui défend les criminels de guerre nazis comme Hunka en les qualifiant de «combattants de la liberté». Aucune victime de l’Holocauste ni aucun spécialiste de l’Holocauste n’a été invité. Le directeur du CUC, Ihor Michalchyshyn, a déclaré que le rapport secret était «destiné à rester confidentiel».

Dans ce contexte, il convient de souligner que les 900 noms et plus figurant dans la deuxième partie secrète du rapport Deschênes ne comprennent pas les noms de tous les nazis ou collaborateurs fascistes connus qui sont entrés au Canada après la Deuxième Guerre mondiale. Ceux-ci se comptent en effet par dizaines de milliers!

Ce dont il est question ici, c’est la révélation de la politique de soutien et de collaboration de l’État canadien à l’endroit de plus de 900 criminels de guerre nazis parmi les plus endurcis. Il s’agit notamment de scientifiques nazis, de hauts fonctionnaires et d’autres meurtriers de masse. La partie secrète du rapport contient également les mentions d’éventuelles poursuites pénales à leur encontre qui n’ont jamais été engagées.

Le positionnement provocateur du CUC sur cette question ne peut s’expliquer que par l’alliance intime que cette organisation entretient avec l’appareil étatique canadien et l’actuel gouvernement libéral Trudeau. Depuis sa création au tout début de la Deuxième Guerre mondiale en 1940, sous les auspices de l’État canadien avec l’intention de combattre les sympathies de gauche prévalant à l’époque au sein de la population immigrée ukrainienne au Canada, le CUC a bénéficié du financement, de la protection politique et de la promotion pure et simple de la part des gouvernements successifs. Le CUC a été le fer de lance de la campagne d’après-guerre visant à ouvrir les vannes aux criminels de guerre et collaborateurs nazis et s’est vu accorder une place de choix dans la propagande anticommuniste de l’impérialisme canadien pendant la guerre froide. Des monuments ont été érigés en l’honneur du leader fasciste Stepan Bandera, dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) lorsque celle-ci collaborait avec Hitler. En outre, des centres d’études ukrainiennes ont été créés, notamment à l’université d’Alberta, pour servir essentiellement d’instituts de propagande afin de blanchir et de justifier les crimes des nationalistes ukrainiens d’extrême-droite.

Pendant et surtout après la dissolution stalinienne de l’Union soviétique, Ottawa a mobilisé ses alliés ukrainiens fascistes pour promouvoir le nationalisme ukrainien et jeter les bases d’un régime pro-impérialiste à Kiev. Comme dit John-Paul Himka, l’historien canadien le plus éminent de l’Ukraine moderne, le CUC a œuvré pour placer la «glorification» de Bandera «au centre même du projet d’identité nationale ukrainienne».

La révélation des liens de longue date entre le Canada et ces forces politiques réactionnaires et la façon dont elles servent de principales troupes de choc dans la guerre contre la Russie ne peuvent que conduire à une augmentation de l’opposition populaire à la guerre impérialiste. Ce processus est déjà bien entamé, comme le montrent les manifestations de masse au Canada et ailleurs dans le monde pour s’opposer à la complicité des divers gouvernements dans le génocide des Palestiniens perpétré par Israël. Le gouvernement réagit avec une campagne impitoyable d’intimidation et de persécution contre les manifestants anti-génocide et les opposants à la guerre en Ukraine. Fort du soutien du gouvernement provincial de l’Ontario, le CUC a vainement tenté de perturber et d’empêcher la tenue de la première réunion anti-guerre à Toronto – organisée par le Parti de l’égalité socialiste – suite au déclenchement de la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie.

Depuis février 2022, l’impérialisme canadien a déjà acheminé plus de 4,5 milliards de dollars en armes à ses mandataires fascistes ukrainiens, et fourni plus de 10 milliards de dollars en assistance lorsqu’on tient compte de toutes les formes d’aide. Au cours de la même période, l’État ukrainien a criminalisé toute opposition politique restante, emprisonnant des dizaines de dissidents, y compris le dirigeant socialiste et internationaliste de la Jeune Garde des bolcheviks-léninistes (JGBL) Bogdan Syrotiuk, sous le motif fallacieux qu’il est un «propagandiste de la Russie». L’impérialisme canadien continue d’entretenir la fraude selon laquelle l’Ukraine est une «démocratie». Si c’est le cas, alors c’est la seule «démocratie» – autre que ses commanditaires impérialistes que sont le Canada et les États-Unis –, à ériger des monuments à des nazis tels que Stepan Bandera et Yaroslav Stetsko.

Entre-temps, de hauts responsables du CUC sont passés sans difficulté de leur ancien rôle de lobbyistes du nationalisme fasciste ukrainien à des postes de premier plan au sein de l’État canadien. L’ancien directeur du CUC, Taras Zalusky, est l’actuel chef de cabinet de la ministre de la Défense Anita Anand.

L’ascension de la vice-première ministre Chrystia Freeland a suivi de près l’importance croissante de l’Ukraine dans les calculs mondiaux de l’impérialisme canadien. L’ancienne journaliste maintenant cadre supérieur du Parti libéral, entretient des liens étroits avec le CUC depuis son enfance. Elle est active au sein de l’extrême-droite ukrainienne depuis son intervention en Ukraine soviétique en 1989, alors qu’elle était adolescente, et faisait campagne pour le découpage de l’URSS selon des lignes ethno-nationalistes. Le grand-père de Freeland, Mikhailo Chomiak, était un ardent propagandiste nazi et le directeur de la rédaction du journal fasciste Krakivski Visti pendant la Deuxième Guerre mondiale. La mère de Freeland quant à elle, Halyna Chomiak, a participé à la rédaction de la constitution nationaliste postsoviétique de l’Ukraine.

Le fait que le CUC et l’impérialisme canadien souhaitent dissimuler est qu’ils n’ont jamais rompu leurs liens avec leurs amis fascistes. Bien au contraire, ces derniers jouent un rôle de plus en plus important dans la politique étrangère d’Ottawa, qui participe à la redivision impérialiste du monde déclenchée par l’aggravation de la crise du capitalisme mondial.

Le CUC exprime cyniquement la crainte que la révélation au grand jour des criminels de guerre nazis identifiés dans la partie secrète du rapport Deschênes ne cause «tort et traumatismes» à leurs familles. Pourtant de telles inquiétudes n’ont jamais été exprimées pour les survivants de l’Holocauste après l’ovation unanime de Hunka, qui avait été invité à la Chambre des communes par le bureau du Premier ministre même et salué par les applaudissements de la part de la plus haute instance «démocratique» du Canada.

Le scandale Hunka a conduit à une identification limitée de personnalités publiques de premier plan, dont le passé nazi bien connu n’a jamais constitué le moindre obstacle à leur ascension vers les sommets du pouvoir politique au Canada. Le plus connu d’entre eux est Peter Savyryn, qui ne s’est jamais excusé d’avoir servi dans la 14e division Waffen-SS «Galicie» d’Adolf Hitler. Savyryn est devenu le chef de l’association du parti progressiste-conservateur de l’Alberta et chancelier de l’université de l’Alberta. Les appels visant à retirer à Savyryn sa médaille de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction honorifique de l’État, ont été accueillis par des déclarations officielles d’impuissance, sous le motif qu’il n’y a aucun mécanisme juridique permettant de retirer cette distinction honorifique à une personne.

Des informations déjà connues du public donnent une idée du réseau de criminalité, de mensonges et de tromperies qui se cache dans les dossiers secrets. Parmi les révélations potentielles de la Deuxième partie du rapport Deschênes figurent de nouveaux détails sur:

  • Le soutien de l’État canadien au dirigeant fasciste slovaque Karol Sidor;

  • Le transit du génocidaire fasciste croate Andrija Artukovic par le Canada;

  • Le soutien de l’État canadien au criminel fasciste slovaque Ferdinand Durcansky;

  • Le soutien de l’État canadien au meurtrier de masse roumain Viorel Triffa;

  • Le soutien de l’État canadien à Otto Strasser, l’un des fondateurs du parti nazi;

  • Le soutien de la GRC et de l’État pendant des années au boucher serbe des camps de concentration Radovan Charapic, devenu par la suite informateur de la GRC contre le mouvement ouvrier;

D’autres informations sont également disponibles concernant:

  • La connaissance par l’État canadien des crimes du nazi letton Haralds Petrovich Puntulis, impliqué dans le meurtre de masse de milliers de Juifs et de partisans antifascistes;

  • L’opinion confidentielle du gouvernement canadien sur les perspectives de poursuite du capitaine de la gendarmerie hongroise Imre Finta pour le meurtre de 8.617 Juifs;

  • L’identité des suspects de l’attentat à la bombe perpétré en 1950 contre le Temple du travail ukrainien de Toronto, parmi lesquels pourraient figurer un éminent professeur de Montréal et un haut-fonctionnaire de Radio-Canada;

  • Et, éventuellement, des détails révélant que le gouvernement canadien était au courant des crimes d’Alfred Valdmanis, un nazi letton de premier plan qui a été principal conseiller économique du gouvernement libéral de Terre-Neuve au début des années 1950, avant d’être condamné pour fraude.

(Article paru en anglais le 13 septembre 2024)

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