Élections au Sri Lanka: le programme pro-capitaliste des charlatans du Frontline Socialist Party

Le Frontline Socialist Party (FSP), parti faussement qualifié de gauche, présente un candidat à l’élection présidentielle qui se tiendra au Sri Lanka le 21 septembre. Malgré toutes ses postures radicales, le FSP ne fait aucune mention de la campagne accélérée de l’impérialisme américain vers une troisième guerre mondiale et cherche à duper les travailleurs en leur faisant croire que l’attaque croissante des droits démocratiques et sociaux peut être résolue dans le cadre du système capitaliste et d’une politique électorale discréditée.

Nuwan Bopage, du Socialist People’s Forum [Photo: Facebook/peoplesstrugglealliance]

En opposition au FSP, le Socialist Equality Party sri lankais (SEP, Parti de l'égalité socialiste) lutte pour rallier la classe ouvrière à un programme socialiste et internationaliste contre la guerre, l'austérité et les méthodes autocratiques de gouvernement. Nous appelons les travailleurs à voter pour notre candidat Pani Wijesiriwardena pour démontrer leur soutien à notre programme, mais surtout pour se mobiliser indépendamment de tous les partis bourgeois et de leurs syndicats, lutter pour une politique socialiste afin de mettre fin à l'immense crise sociale à laquelle sont confrontés les travailleurs et participer à la construction d'un mouvement anti-guerre international unifié.

Le FSP est politiquement hostile à tout mouvement indépendant de la classe ouvrière qui menace le régime bourgeois. Il se présente comme la continuation du soulèvement de masse de 2022 qui a forcé le président Gotabhaya Rajapakse à fuir le pays et à démissionner. Le FSP a formé une alliance avec d'autres organisations petites-bourgeoises, appelées People's Struggle Alliance (PSA, Alliance du peuple en lutte), qui ont joué un rôle important dans les manifestations de masse à Colombo. Comme le PSA n'a pas de statut officiel, le candidat du FSP, Nuwan Bopage, se présente sous le nom de l'un de ses alliés, le Socialist People's Forum (SPF, Forum socialiste du peuple).

La prétention du FSP à incarner les aspirations du mouvement de masse de 2022 est un avertissement adressé aux travailleurs. Il ne représente pas les intérêts des millions de travailleurs, de jeunes et de pauvres qui sont descendus dans la rue pour protester contre la dévastation sociale provoquée par le défaut de paiement du pays, mais bien plutôt ceux des forces politiques qui ont dominé le soulèvement et l’ont trahi.

Au milieu des bouleversements de 2022, le FSP, ses alliés et les syndicats traîtres ont travaillé de toutes leurs forces pour limiter le mouvement de masse, en particulier les grèves de la classe ouvrière, et le subordonner à l’appel à un «gouvernement intérimaire» – c’est-à-dire un gouvernement capitaliste des partis d’opposition Samagi Jana Balawegaya (SJB) et Janatha Vimukthi Peramuna (JVP). En bloquant tout mouvement indépendant de la classe ouvrière, le FSP a facilité les manœuvres parlementaires qui ont permis l’installation antidémocratique du politicien honni Ranil Wickremesinghe à la puissante présidence exécutive.

Le résultat a été une dévastation sociale pour de larges couches de la population active, le régime de Wickremesinghe ayant imposé les diktats du Fonds monétaire international (FMI) en échange d’un prêt de renflouement. Les prix ont grimpé en flèche à mesure que les subventions ont été sabrées. Emplois et conditions de travail ont été détruits en prévision d’une vente à prix cassés des entreprises publiques. Les services essentiels comme l’éducation, la santé et la protection sociale ont été systématiquement mis à mal. Wickremesinghe a eu recours à des mesures policières draconiennes contre toute opposition à son programme d’austérité.

Le SJB et le Pouvoir national du peuple (NPP) dirigés par le JVP auraient fait exactement la même chose s'ils avaient fait partie d'un «gouvernement intérimaire». Ces deux partis se présentent à l'élection présidentielle et sont effectivement les favoris. Tous deux se sont également engagés à continuer de mettre en œuvre le programme du FMI et seront tout aussi impitoyables que Wickremesinghe dans la répression des grèves et des manifestations.

Conscient de l’hostilité de la population à l’égard du programme sévère du FMI, le FSP tente de se présenter comme son adversaire. Son Manifeste du peuple promeut une «stratégie de sortie du FMI». Au lieu de traiter avec le FMI, il préconise des «négociations directes avec les créanciers» pour obtenir des concessions sur le remboursement des prêts et «un rapport d’audit légal à travers une étude de la situation du Sri Lanka par une agence d’audit et de notation de la dette, reconnue à l’international».

Ce serait là littéralement aller de mal en pire. Plutôt que d'essayer de négocier avec le FMI, qui a insisté pour que ses exigences soient appliquées à la lettre, le FSP propose d'aller mendier auprès des créanciers que représente le FMI. De plus, il veut payer l'une des tristement célèbres agences d'audit brassant des milliards de dollars, comme PricewaterhouseCooper ou KPMG, qui agissent au nom du capital financier international, pour qu'elles lui fassent des recommandations sur ce qu’il doit faire.

La proposition futile du FSP d’en appeler aux banques internationales revient à accepter l'autorité du capital financier mondial. Nous pouvons prédire à l'avance le résultat de cette farce. Quelles que soient les concessions offertes, si tant est qu'il y en ait, elles ne viseront qu'à occulter le fait que ce sont travailleurs qui devront payer les dettes accumulées par les gouvernements sri-lankais successifs durant les trente ans de leur guerre communautaire brutale contre la minorité tamoule et à accroître, d'une manière ou d'une autre, les profits des grandes entreprises et des investisseurs étrangers.

Le chef du parti Syriza, Alexis Tsipras, s'adresse à ses partisans dans le principal centre électoral du parti à Athènes, le dimanche 20 septembre 2015. [AP Photo/Lefteris Pitarakis]

Les travailleurs doivent tirer les nécessaires leçons du rôle traître joué par le gouvernement de la coalition pseudo-de gauche Syriza en Grèce. Comme le FSP, la «Coalition de la gauche radicale», ou Syriza, avant son ascension au pouvoir en 2015, avait déclaré maintes fois son rejet total des exigences d’austérité de l’UE. Comme le FSP, Syriza avait affirmé que la crise économique et sociale de la Grèce pouvait être résolue dans le cadre du capitalisme. Mais une fois au pouvoir, Syriza a immédiatement abandonné ses promesses électorales, s’est plié aux exigences du capital financier international et, durant les quatre années suivantes, a saccagé les services essentiels, les retraites, les emplois, les conditions de travail et les salaires de la classe ouvrière grecque.

Le Socialist Equality Party (SEP) insiste sur le fait que la classe ouvrière ne peut défendre ses intérêts que sur la base d'un programme qui remet en cause les prérogatives du capital financier international et cherche à renverser le système de profit. Nous exigeons non pas la renégociation de la montagne de dettes, mais sa répudiation complète. Afin de lutter pour cette politique, nous appelons à la création de comités d'action indépendants des travailleurs et à la convocation d'un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des pauvres ruraux (initiales anglaises DSC) composé de leurs délégués pour discuter et mettre en œuvre une stratégie pour s'opposer aux diktats du FMI sur la base d’une politique socialiste.

Pour lutter contre le capital financier international et les conglomérats d’entreprises mondiaux, les travailleurs du Sri Lanka doivent s’unir à leurs frères et sœurs de classe du monde entier, qui sont confrontés à des attaques similaires sur leurs conditions de vie.

La politique du FSP, en 2022 et aujourd’hui, n’est pas juste une erreur politique, mais découle directement de son orientation de classe et de son programme. Il parle au nom de sections de la classe moyenne supérieure, et non de la classe ouvrière. Par conséquent, son manifeste fait constamment référence au «peuple», et non pas aux travailleurs ou à la classe ouvrière. Son appel à un «front populaire» cherche à subordonner la classe ouvrière à un front de partis et d’organisations de la classe moyenne et de la bourgeoisie.

Sur le plan théorique, le FSP, qui a rompu avec le JVP en 2011, reste ancré dans l’amalgame idéologique de ce parti, qui associe le maoïsme, le castrisme et le populisme cinghalais, et en particulier dans la théorie stalinienne/maoïste des deux étapes. Les deux parties de son manifeste l’exposent clairement: les tâches immédiates et le programme à court terme, et «nos principes socialistes fondamentaux».

La première étape soumet la classe ouvrière à une alliance avec la bourgeoisie «progressiste» pour entreprendre des tâches démocratiques bourgeoises immédiates et soi-disant alléger le sort de la classe ouvrière, tandis que le socialisme est relégué à une lointaine deuxième étape. En réalité, comme l’a démontré à maintes reprises l’histoire du XXe siècle, la bourgeoisie «progressiste», terrifiée par tout mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière, se retourne invariablement contre les travailleurs et les pauvres, avec des conséquences tragiques.

Conformément à la théorie des deux étapes, le manifeste du FSP appelle à la «démocratisation» de la structure de l’État comme partie de son programme à court terme, déclarant explicitement qu’il ne s’agit «pas d’une structure étatique socialiste en soi». Cependant, la démocratisation de l’État capitaliste est une utopie réactionnaire.

Depuis l’indépendance officielle en 1948, la bourgeoisie sri-lankaise a eu recours pour maintenir son pouvoir aux méthodes antidémocratiques et à la répression policière. Le premier gouvernement a aboli les droits de citoyenneté des travailleurs tamouls des plantations, et le chauvinisme anti-tamoul et les pogroms ont conduit en 1983 à l’éclatement de la longue guerre civile. Les partis d’opposition auxquels fait appel le FSP – le SJB et le JVP – ainsi que l’ensemble de l’establishment politique de Colombo sont imprégnés de politique communautariste visant à diviser. Aujourd’hui, dans un contexte de crise économique et sociale immense, la classe dirigeante n’hésitera pas à attiser le communautarisme et à recourir à des formes de gouvernement dictatoriales.

Il est significatif que lors du lancement du manifeste du FSP, son candidat Bopage a critiqué le gouvernement de Wickremesinghe pour sa «subordination totale à l’Inde» et sa «perte d’indépendance». Cela rappelle le chauvinisme anti-indien et anti-tamoul de son parti parent, le JVP, qui s’engagea dans une rébellion fascisante en 1988-1989 contre l’accord indo-sri-lankais qui installa des «soldats de la paix» indiens dans le nord de l’île pour désarmer les séparatistes tamouls du LTTE. Des hommes armés du JVP ont abattu des travailleurs, des dirigeants syndicaux et des hommes politiques, y compris des membres du SEP, qui s’opposaient à sa campagne chauvine. Le FSP n’a jamais répudié cette vile politique communautariste.

En opposition à la théorie des deux étapes, Léon Trotsky explique dans sa théorie de la révolution permanente que la bourgeoisie nationale des pays au développement capitaliste tardif, comme le Sri Lanka, est organiquement incapable de satisfaire les aspirations sociales et démocratiques fondamentales de la classe ouvrière et des masses opprimées. Ces tâches incombent à la classe ouvrière, qui rassemble les pauvres des campagnes, dans une lutte pour le pouvoir et le renversement du capitalisme, pour la révolution socialiste.

Aujourd’hui, la crise du capitalisme mondial est telle que non seulement les pays arriérés, mais aussi les puissances impérialistes dites avancées se tournent vers des formes de gouvernement d’extrême droite et antidémocratiques – surtout aux États-Unis, où les prétendants à l’élection présidentielle sont le fasciste Donald Trump et la belliciste Karmala Harris. Partout dans le monde, la lutte pour les droits démocratiques est intimement liée à la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme.

Le FSP appelle à la démocratisation du parlement par la création de «conseils populaires» pour faire pression sur le gouvernement et le parlement. Ce n’est là rien d’autre qu’un programme de collaboration de classe. Ceux qui domineront dans ces «conseils populaires» seront les représentants de sections de la bourgeoisie et des classes moyennes supérieures.

Le SEP appelle les travailleurs à prendre les choses en main pour affirmer leur propre force indépendante. Nous préconisons la formation de comités d’action dans chaque lieu de travail, usine et plantation, indépendants de tous les partis capitalistes et de leurs laquais syndicaux. En opposition au parlement, le SEP appelle à la création d’un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des pauvres des campagnes. Celui-ci sera composé de délégués des comités d’action des travailleurs et des travailleurs ruraux élus démocratiquement, pour déterminer et mettre en œuvre une stratégie politique et sociale visant à défendre leurs droits démocratiques et sociaux.

Au sein de ces comités d’action, le SEP défend une série de revendications pour répondre aux besoins pressants des travailleurs: rejet de l’austérité dictée par le FMI ; répudiation de toute dette étrangère ; non à la privatisation /restructuration des entreprises du secteur public ; des salaires décents pour tous les travailleurs, indexés sur le coût de la vie ; et mise sous contrôle démocratique de la classe ouvrière de la grande entreprise, des plantations, des grandes banques et des autres centres névralgiques de l’économie.

Aucune de ces revendications ne peut être satisfaite dans le cadre du capitalisme ou sur une base nationale. La création d'un Congrès démocratique et socialiste soulève la nécessité de renverser le capitalisme et d'établir un gouvernement ouvrier et paysan pour reconstruire la société sur des bases socialistes. Cela doit faire partie d'une lutte plus large pour le socialisme en Asie du Sud et au niveau international.

(Article paru en anglais le 16 septembre 2024)

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