Les deux plus grandes économies du monde affichent des tendances à la récession

L'évolution économique aux États-Unis et en Chine, respectivement la première et la deuxième économie mondiale, laisse présager une tendance à la récession dans l'ensemble de l'économie mondiale.

Un couple marche près des immeubles de bureaux du quartier central des affaires de Pékin, le 2 mars 2024. [AP Photo/Andy Wong]

Les dernières données américaines publiées vendredi dernier montrent un déclin du marché du travail, tandis que les chiffres des prix en Chine publiés lundi indiquent que la déflation commence à s'enraciner.

Les prix à la production industrielle chinoise ont chuté de 1,8 pour cent en août, sur un an, ce qui représente la plus forte baisse depuis quatre mois, en grande partie en raison de la chute des prix de l'acier. Ce chiffre dépasse les prévisions d'une baisse de 1,4 pour cent et est une augmentation par rapport à la baisse de 0,8 pour cent en juillet.

L'indice des prix à la consommation a augmenté de 0,6 pour cent sur un an, soit légèrement au-dessus de 0,5 pour cent en juillet, mais en deçà des attentes du marché d'une hausse de 0,7 pour cent, selon le Bureau national des statistiques.

En ce qui concerne l’analyse de la direction de l’économie, l’accent n’est pas mis sur l’indice des prix à la consommation mais sur le déflateur du PIB qui vise à mesurer la croissance de l’économie après que les variations de prix dans tous les domaines ont été prises en compte.

Il est resté négatif depuis cinq trimestres, ce qui fait craindre que la Chine ne soit entrée dans une spirale déflationniste. Si cette tendance se prolonge l'année prochaine, comme cela semble probable, cela représenterait la plus longue période de déflation depuis que la collecte des données fut commencée pour la première fois en 1993.

La tendance déflationniste a conduit le gouvernement à demander de nouvelles mesures pour stimuler l’économie, mesures auxquelles il a jusqu’à présent résisté, craignant que cela n’aggrave les problèmes d’endettement.

Commentant les derniers chiffres, Robin Xing, économiste en chef pour la Chine chez Morgan Stanley, a déclaré : « Nous sommes définitivement en déflation et probablement dans la deuxième phase de déflation. »

Il entendait par là que les forces déflationnistes qui débutent dans un secteur de l’économie se propagent plus largement, entraînant une baisse des salaires et une diminution des dépenses de consommation.

« L’expérience du Japon suggère que plus la déflation perdure, plus la Chine aura besoin de mesures de relance importantes pour résoudre le problème de la dette et de la déflation », a déclaré Xing.

Des signes de déflation se font sentir. Bloomberg a rapporté que même dans les secteurs de l’économie qui ont été soutenus par le gouvernement dans le cadre de ses efforts pour développer de nouvelles « forces productives de haute qualité » – comme les véhicules électriques et les technologies vertes – les salaires de base ont diminué de près de 10 pour cent par rapport à leur pic de 2022.

Les responsables du gouvernement chinois ont tenté d'éviter toute discussion sur la déflation et ont demandé aux analystes de ne pas utiliser ce terme. Mais des fissures se manifestent au sein de l'establishment politique à mesure que la situation s'aggrave.

S'exprimant lors du sommet du Bund, une conférence économique annuelle à Shanghai vendredi dernier, l'ancien gouverneur de la Banque populaire de Chine, Yi Gang, a directement abordé la question.

Le média d'État Caijing a rapporté qu'il avait déclaré lors de la conférence que les décideurs politiques devraient assouplir la politique monétaire et soutenir l'économie réelle.

Il a appelé à une « politique budgétaire proactive et à une politique monétaire accommodante » et a déclaré que les responsables « devraient se concentrer sur la lutte contre la pression déflationniste » dans le but de ramener le déflateur du PIB en territoire positif.

Outre le déclin continu du marché immobilier et du logement, qui est l’un des piliers de l’économie chinoise depuis une décennie et demie, il existe de nombreux autres indicateurs du ralentissement de l’économie.

L’industrie sidérurgique en fait partie. Le mois dernier, le directeur général d’un des plus grands conglomérats sidérurgiques a prévenu que l’hiver serait « long » pour l’industrie en raison d’une surcapacité qui a réduit la rentabilité. Une enquête récente, dont les résultats ont été publiés dans l’Australian Financial Review, a suggéré que seulement 1 pour cent des aciéries chinoises étaient rentables.

La production d'acier en Chine a chuté de 6 pour cent en juillet par rapport à l'année précédente et les prévisions indiquent qu'elle pourrait encore baisser.

Le prix du minerai de fer, dont l'exportation est cruciale pour l'Australie et le Brésil notamment, est en baisse, atteignant lundi 90 dollars la tonne, son plus bas niveau depuis novembre 2022.

Le prix du cuivre, considéré comme un indicateur de l’économie industrielle mondiale, a également chuté ces derniers mois.

Un autre signal d'alarme, rapporté par le Financial Times (FT), est la baisse de la demande d'espaces de bureaux. Le journal a indiqué que les bureaux de certaines des plus grandes villes de Chine étaient plus vides qu'ils ne l'étaient pendant les confinements liés au COVID. Au moins un cinquième des espaces de bureaux haut de gamme de Shenzhen, un centre de haute technologie, était vacant en juin.

Selon Lucia Leung, analyste de recherche chez Knight Frank, société immobilière mondiale : « Le plus grand défi reste la réduction significative de la demande du marché en raison de l'affaiblissement des attentes de croissance de la Chine. »

Il existe désormais de sérieux doutes quant à la réalisation de l’objectif officiel de 5 pour cent de croissance, ce qui a conduit de grandes banques mondiales à réviser à la baisse leurs estimations de croissance pour cette année et l’année prochaine.

La situation économique aux États-Unis se présente de manière très différente, mais les mêmes tendances sous-jacentes sont présentes.

Une grande attention a été portée ces derniers jours sur le marché du travail américain, à la recherche d'indices quant à l'ampleur de la baisse attendue des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine lors de sa réunion plus tard ce mois-ci.

Le rapport sur le marché du travail publié vendredi dernier a montré que 142.000 emplois ont été créés en août, bien en deçà des 160.000 prévus. Mais à certains égards, ce qui est encore plus significatif, c'est la révision à la baisse du chiffre de juillet, de 114.000 à 89.000. Cette révision fait suite à la baisse du nombre d'emplois créés au cours de l'année jusqu'en mars, de 818.000.

Il a été noté que de telles révisions à la baisse se produisent le plus souvent lorsque l’économie commence à entrer en récession.

D'autres données ont montré que le nombre d'offres d'emploi aux États-Unis en juillet est tombé à son plus bas niveau depuis plus de trois ans et n'a cessé de baisser depuis qu'il a atteint un pic en 2022 et a diminué de 13 pour cent au cours de l'année écoulée.

Des signes de turbulences financières apparaissent également, dans un contexte de spéculations sur l'ampleur de la baisse des taux d'intérêt de la Fed. Vendredi, Wall Street a clôturé en baisse après avoir connu sa pire semaine depuis plus d'un an, avant de repartir à la hausse cette semaine. Mais ces fluctuations sont le signe d'une dégradation des perspectives économiques. Les valeurs technologiques, qui ont tiré le marché vers le haut, ont été les plus touchées, l'indice NASDAQ, fortement axé sur la technologie, ayant chuté de 5,8 pour cent la semaine dernière.

Le fabricant de puces d'intelligence artificielle Nvidia, qui a mené la frénésie technologique, a perdu 14 pour cent de sa valeur boursière. Cette baisse de 406 milliards de dollars de sa valeur boursière constitue la plus forte baisse hebdomadaire jamais enregistrée par une seule entreprise, selon Dow Jones Market Data.

Le FT a rapporté que la semaine dernière, les entreprises américaines ont émis un montant record de dette alors qu'elles cherchaient à renforcer leurs avoirs en liquidités pour faire face aux turbulences économiques et financières.

Un responsable de Bank of America a déclaré au journal que la raison de l'émission élevée de dette était un « effort pour réduire les risques économiques potentiels, notamment les prochains rapports de données économiques, la décision de la Fed sur les taux d'intérêt, les élections et le risque géopolitique actuel ».

(Article paru en anglais le 11 septembre 2024)

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