L'élection présidentielle américaine aura lieu dans deux mois. Plus de trois ans après que l'ancien président Donald Trump et ses complices de conspiration républicains eurent organisé une insurrection violente visant à renverser l'élection présidentielle de 2020, toutes les conditions ayant conduit au coup d'État non seulement demeurent, mais encore ont métastasé.
Jetant les bases pour un rejet du résultat des élections de 2024, Trump et les Républicains se sont lancés dans une campagne associant négationnisme électoral et agitation anti-immigrés basée sur la « théorie » néo-nazie du « grand remplacement». Ils prétendent qu'en raison d’une politique supposée d'«ouverture des frontières» de Biden et Harris, des millions d'«étrangers illégaux» et de «non-citoyens» voteront aux prochaines élections. En outre, Trump a refusé à maintes reprises de déclarer qu'il accepterait les résultats.
Le Comité national républicain et d'autres groupes alignés sur Trump ont commencé à intenter une série de procès dans des États « champs de bataille » visant à supprimer le vote.
En Caroline du Nord, le RNC (Comité national républican) et le GOP (Grand Old Party – Parti républicain) de Caroline du Nord ont déjà poursuivi en justice le Conseil électoral de l'État deux fois ces dernières semaines pour manquements présumés à retirer les « non-citoyens » des listes électorales. Les républicains demandent au Conseil électoral de retirer 225 000 personnes des listes et de les forcer à donner un vote provisoire en novembre.
En Arizona, America First Legal, le cabinet d'avocats basé à Washington D.C. et dirigé par le conseiller fasciste de Trump, Stephen Miller, a intenté un procès visant les 15 comtés de l'État pour avoir prétendument omis de débarrasser les listes électorales des non-citoyens. À l'origine, le groupe de Miller n'avait poursuivi que le comté de Maricopa, le quatrième plus grand comté des États-Unis (plus de 4,5 millions d'habitants). Dans un communiqué publié mercredi, Miller a déclaré: « Nous poursuivons maintenant 14 comtés supplémentaires en Arizona pour avoir refusé de retirer les étrangers illégaux et les non-citoyens de leurs listes électorales ».
Plusieurs autres États dirigés par les républicains, dont le Texas, le Tennessee, la Virginie et l'Alabama, se sont vantés ces dernières semaines d'avoir supprimé des milliers ou, dans le cas du Texas, 1,1 million d'électeurs des listes d'inscription depuis 2021. Si bon nombre ont pu être retirés pour des raisons légitimes, telles qu'un déménagement hors de l'État ou un décès, d'autres sont retirés bien qu'étant des électeurs légaux qui n'ont pas voté récemment ou avaient des erreurs dans leurs documents administratifs.
Les républicains présentent néanmoins presque tous les cas comme des exemples d'activités malveillantes de la part d’«étrangers illégaux », même si le nombre de ces votes réellement exprimés dans l'État peut être compté sur les doigts d'une main.
Les efforts pour supprimer le vote vont au-delà de la purge des listes électorales. Au Texas, le mois dernier, le procureur général Ken Paxton a approuvé une série de raids de type Gestapo visant les domiciles des travailleurs de la campagne électorale et des politiciens du Parti démocrate dans trois comtés. Malgré l’allégation par Paxton d’opérations illégales d'inscription d’électeurs, aucune accusation n'a été portée à l'heure d’écrire ces lignes. Cela n'a pas empêché la police de saisir les téléphones et ordinateurs portables de quatre femmes latino-américaines ciblées par le raid. Trois d'entre elles ont plus de 70 ans, l'autre est une enseignante à la retraite de 87 ans.
Le mois dernier, en Géorgie, l'un des États où Trump a lancé sa campagne la plus agressive pour renverser le vote en 2020, le Conseil électoral de l'État contrôlé par les républicains a adopté par un vote de 3 voix contre 2 des règles permettant aux responsables électoraux de mener des «enquêtes raisonnables» sur les fraudes électorales présumées et d'examiner « tous les documents liés aux élections créés pendant la conduite des élections» avant de certifier les résultats.
Depuis plus de 100 ans, la certification des résultats des élections par les responsables électoraux locaux est une «tâche ministérielle», effectuée par des fonctionnaires neutres n'ayant aucun rôle indépendant. Leur objectif est simplement d'enregistrer le total des votes.
Les nouvelles règles de Géorgie ne sont pas appliquées pour garantir l'intégrité du système électoral américain, mais pour supprimer et retarder le résultat des élections afin d'aider Trump dans ses efforts pour revenir au pouvoir. Ces règles ont été avancées par Julie Adams, directrice régionale de l'Election Integrity Network (EIN) et membre du conseil électoral du comté de Fulton. Elle a déjà refusé deux fois, avec le soutien de l'America First Policy Institute, l'organe de combat juridique de la campagne Trump, de certifier les résultats d’élections en Géorgie cette année seulement.
L'EIN est dirigée par nul autre que Cleta Mitchell, agente républicaine de longue date et «très grande amie» de Virginia «Ginni» Thomas, l'épouse du juge archi-réactionnaire de la Cour suprême Clarence Thomas. Avant et après l'élection de novembre 2020, Cleta Mitchell avait travaillé aux côtés de Ginni Thomas et de l'avocat de Trump, John Eastman, pour promouvoir une théorie juridique autoritaire disant que ce sont les assemblées législatives des États, et non les électeurs, qui choisissent les grands électeurs pour les élections présidentielles.
Après la défaite de Trump en 2020, Virginia Thomas a envoyé des courriels aux républicains dans des États «champs de bataille» comme le Wisconsin et l'Arizona, les implorant de rejeter les électeurs choisis par le vote populaire et d'installer à la place leur propre liste d'électeurs pro-Trump.
Ces efforts de Trump et des républicains pour supprimer le vote sont entrepris avec le large soutien financier de sections de l'oligarchie financière qui, face aux antagonismes de classe croissants aux États-Unis, promeuvent les efforts faits par l’ex-président pour construire un mouvement fasciste.
Le fait que Trump soit libre de tenter une nouvelle fois d’instaurer une dictature est entièrement la responsabilité du président Joe Biden, de la vice-présidente Kamala Harris et du Parti démocrate. La grande priorité du Parti démocrate est l'escalade de la guerre, notamment la guerre des États-Unis et de l'OTAN avec la Russie, le génocide à Gaza et le conflit qui se développe avec la Chine.
Pour faire avancer leur programme de guerre commun, les démocrates ont adopté ensemble avec leurs «collègues républicains» des budgets militaires massifs. Ils ont réduit avec eux les dépenses sociales, appauvrissant les travailleurs et alimentant les griefs sociaux, que Trump et l'extrême droite exploitent, surtout en faisant des immigrants des boucs émissaires et la cause de l'aggravation de la crise sociale. Cherchant à «diviser pour régner» contre la classe ouvrière en se servant du nationalisme, les républicains sont complétés par les démocrates et les syndicats pro-patronat.
Alors que les républicains de Trump complotent un deuxième coup d'État, les démocrates saluent le soutien apporté à Harris par la républicaine Liz Cheney, fille de l'ex-vice-président Dick Cheney, le principal architecte de la guerre contre l'Irak.
Harris et les démocrates font tout en leur pouvoir pour minimiser le danger d'un retour de Trump au pouvoir. Eux et les médias ont complètement ignoré les déclarations de Biden même à la Convention nationale démocrate le mois dernier selon lesquelles Trump préparait un «bain de sang» s'il perdait et serait «un dictateur dès le premier jour» s'il revenait à la Maison Blanche.
Harris et son colistier, le gouverneur du Minnesota Tim Walz, qualifient les républicains de simplement « bizarres », tout en s'engageant à travailler avec eux pour mettre en œuvre la politique anti-immigrants de Trump, renforçant ainsi Trump et l'extrême droite.
Commentant l’absence de réaction aux déclarations de Biden, le président du comité éditorial international du WSWS, David North, a déclaré dans une allocution prononcée à la deuxième commémoration internationale de l'œuvre de Léon Trotsky à Büyükada, en Turquie, le 25 août :
Le silence exprimait l’indifférence de la classe dirigeante américaine à la préservation de la démocratie. En fait, il y a un consensus croissant parmi les oligarques au pouvoir, aux États-Unis mais pas seulement là-bas, en fait dans des pays du monde entier, que leurs intérêts, nationaux et internationaux, sont incompatibles avec la démocratie. Les élites dirigeantes sont pleinement conscientes que le niveau stupéfiant d’inégalité sociale provoque une colère populaire croissante et que les attaques contre les conditions de vie requises par le militarisme impérialiste conduiront à une énorme escalade du conflit de classe. Le virage de la classe dirigeante vers le fascisme est une tentative d’anticiper et de réprimer, par la violence, la radicalisation politique de la classe ouvrière et son virage vers le socialisme.
Le danger posé par Trump et le Parti républicain est bien réel. Il n'y a cependant pas de base de soutien significative au sein de la classe dirigeante pour la préservation des formes démocratiques de gouvernement.
La défense et l'extension des droits démocratiques nécessitent la mobilisation de la classe ouvrière en opposition tant aux démocrates qu’aux républicains, les deux partis de l'oligarchie patronale et financière. La dictature est la réponse de la classe dirigeante à la menace du socialisme. La lutte pour le socialisme doit être la réponse de la classe ouvrière au tournant des élites dirigeantes vers la dictature.
(Article paru en anglais le 5 septembre 2024)