Le capital financier suce la substance même des pays pauvres

Le Fonds monétaire international (FMI) a publié une série de blogs montrant les effets paralysants du remboursement de la dette sur un large éventail de pays à faible revenu et en développement. Effets qui se sont considérablement aggravés ces quatre dernières années, notamment en raison de l'impact de la crise du COVID.

Réunion annuelle du Fonds monétaire international à Washington, 2022. [AP Photo/Patrick Semansky]

Dans un article publié au début du mois, le FMI note que les pays à faible revenu ont été les plus durement touchés par les « cicatrices économiques de la pandémie, les conflits dans le monde et la hausse brutale des taux d'intérêt mondiaux ».

Mais il y a un autre aspect à la pauvreté, à la faim et à la misère qui en résultent. Le capital financier en tire profit en pompant l'argent comme un gigantesque aspirateur.

Selon le FMI, «le pays médian à faible revenu dépense plus de deux fois davantage pour le service de la dette des créanciers étrangers en pourcentage des recettes qu'il y a 10 ans – environ 14 pour cent à la fin de 2023 contre 6 pour cent 10 ans plus tôt».

Dans certains pays, la proportion est bien plus élevée, allant jusqu'à 25 pour cent. Au début de cette année, la Banque mondiale a indiqué que le service total de la dette des pays à faible revenu et de certains pays à revenu intermédiaire était estimé à 185 milliards de dollars, si l'on tient compte des remboursements de la dette intérieure.

« Ce chiffre est plus élevé, en moyenne, que leurs dépenses publiques combinées pour la santé, l'éducation et les infrastructures », a-t-elle déclaré.

En décembre dernier, la Banque mondiale a publié un rapport montrant l'impact dévastateur sur les pays en développement des hausses de taux d'intérêt, portées à leur plus haut niveau en quatre décennies. En 2022, ils ont dépensé un montant record de 443,5 milliards de dollars pour assurer le service de leur dette. Elle constatait qu'environ 60 pour cent de tous les pays à faible revenu étaient en situation de surendettement à haut risque ou proches de celui-ci.

Durant les trois dernières années, il y a eu 18 défauts de paiement de la dette souveraine dans les pays en développement, soit plus que le nombre enregistré au cours des deux décennies précédentes.

Dans un rapport publié en octobre dernier, l'agence d'aide internationale Oxfam a indiqué qu'environ 57 pour cent des pays les plus pauvres du monde, où vivent 2,4 milliards de personnes, devraient réduire leurs dépenses publiques de 229 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Les pays à revenu faible et intermédiaire seraient contraints de payer 500 millions de dollars par jour pour faire face aux paiements de la dette et des intérêts d'ici 2029, «les pays les plus pauvres dépensant désormais quatre fois plus pour rembourser leurs dettes aux riches créanciers que pour les soins de santé».

Dans leurs rapports sur la crise de la dette, le FMI et la Banque mondiale pointent du doigt les initiatives visant soi-disant à l'atténuer et appellent à leur intensification. Dans son dernier blog, le FMI a déclaré que le moment était venu d'aider les pays confrontés à des problèmes de liquidité.

De tels appels ont été lancés dans le passé, mais le FMI n'a jamais expliqué pourquoi la crise s'aggravait et pourquoi ses diverses initiatives étaient si limitées.

En fait, comme l'a souligné Oxfam, au lieu d'apporter une solution à la crise, le FMI et la Banque mondiale œuvrent à l'exacerber.

Dans un commentaire sur le rapport publié à la veille d'une réunion des deux organisations l'année dernière à Marrakech, au Maroc, le directeur exécutif international par intérim d’Oxfam, Amitabh Behar, a déclaré: «La Banque mondiale et le FMI retournent en Afrique pour la première fois depuis des décennies avec le même vieux message d'échec: réduisez vos dépenses, licenciez les fonctionnaires, et payez vos dettes malgré les énormes coûts humains ».

L'analyse d'Oxfam a révélé que 27 programmes de prêts négociés avec des pays à faible revenu, censés fournir un plancher pour les paiements de la dette, étaient en fait un écran de fumée pour plus d'austérité. En effet, «pour chaque dollar que le FMI a encouragé les gouvernements à dépenser pour les services publics, il leur a demandé d'en réduire six fois plus par des mesures d'austérité».

«Le FMI force les pays les plus pauvres à un régime de famine et de coupes budgétaires, ce qui accroît les inégalités et la souffrance», a déclaré Behar.

Mais tout en condamnant les institutions mondiales – elles sont plus un vampire financier qu'une agence d'aide – il a révélé le point de vue réformiste en faillite d'Oxfam en les appelant à «montrer qu'ils peuvent véritablement changer pour inverser la tendance à l'inégalité croissante et entre les pays».

Ce bromure est offert non pas à cause d'un manque de connaissances – tous les rapports d'Oxfam et d'autres organisations similaires le montrent clairement – mais à cause de leur point de vue de classe fondé sur la défense, en dernière analyse, des rapports de propriété capitalistes.

Oxfam a également fourni des données importantes sur la crise des réfugiés qui est exploitée par Donald Trump pour construire son mouvement fasciste, affirmant que les réfugiés «empoisonnent» le sang de l'Amérique.

L’agence a noté que les dix premiers pays d'où proviennent les demandeurs d'asile arrivant à New York paient le montant stupéfiant de 82 milliards de dollars par an au titre de la dette publique et des paiements d'intérêts à des créanciers étrangers. Nombre d'entre eux sont des banques américaines, des fonds spéculatifs et d'autres institutions financières dont Trump, avec les démocrates, est un représentant politique.

Toute notion que la crise de la dette et de la faim ne pourrait être résolue à cause du fait qu'«il n'y a pas d'argent» est rien moins qu'un gros mensonge.

Dans une analyse publiée à la veille de la réunion du G7 des grandes puissances en juin, Oxfam a déclaré que seulement 3 pour cent des dépenses militaires du G7 aideraient à résoudre l'aggravation de la crise alimentaire et de la dette mondiale.

L'éradication de la faim dans le monde nécessiterait 31,7 milliards de dollars par an, plus 4 milliards de dollars supplémentaires par an. De telles dépenses ne représenteraient que 2,9 pour cent du budget militaire total des puissances du G7.

Max Lawson, responsable de la politique d'Oxfam en matière d'inégalités, a déclaré: «Les gouvernements ont les poches pleines pour financer les guerres aujourd'hui, mais lorsqu'il s'agit de mettre fin à la famine, ils sont soudain à court d'argent. »

Appeler les grandes puissances à détourner une partie de leurs dépenses de guerre vers les besoins sociaux et humanitaires est aussi futile qu'appeler les institutions du capitalisme mondial, telles que le FMI et la Banque mondiale, à changer de cap.

C'est parce que ces tendances ont leur racines profondes dans la crise objective du système capitaliste alors qu'il se précipite vers son effondrement. Ce fait objectif de la vie politique et économique doit être reconnu et il faut agir en conséquence.

Ce sont les mêmes puissances financières qui sucent le sang des peuples des pays les plus pauvres que celles qui mènent les attaques contre la classe ouvrière dans les pays avancés – l'offensive sans fin contre les conditions sociales et l'exigence que la classe ouvrière paie pour les dépenses militaires.

La crise du capitalisme ne peut être résolue par les pouvoirs en place mais seulement par l'unification de la classe ouvrière – dans les pays avancés comme dans les pays pauvres – dans une lutte unie pour le socialisme international.

(Article paru en anglais le 28 août 2024)

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