Alors que Macron achèvait lundi ses réunions avec les chefs des partis parlementaires, le Nouveau Front populaire (NFP) dirigé par Jean-Luc Mélenchon intensifie ses appels à Macron pour qu'il le laisse former un gouvernement. À ce jour, Macron a refusé de laisser La France insoumise (LFI) de Mélenchon et les autres partis du NFP, qui a remporté les élections du 7 juillet, essayer de former un gouvernement.
Depuis près de deux mois, Mélenchon et les bureaucraties syndicales liées au NFP n'ont rien fait pour mobiliser les travailleurs contre le piétinement des résultats électoraux par Macron. Les résultats réactionnaires de cette politique émergent à présent. Les déclarations de Mélenchon ce week-end démontrent que lui et LFI se préparent à servir de soutiens parlementaires d'un gouvernement NFP de droite contrôlé par Macron.
Mélenchon est apparu samedi après-midi sur TF1 pour annoncer que, face au refus de Macron de nommer un gouvernement s’il contenait des ministres de LFI, LFI soutiendrait un gouvernement NFP auquel LFI ne participerait pas. Interrogé si LFI soutiendrait un gouvernement NFP dirigé par Lucie Castets, une bureaucrate du ministère des Finances de 37 ans, sans aucun ministre LFI, il a répondu:
Nous ne serons jamais du côté du problème, nous serons toujours du côté de la solution. Donc, pour répondre très franchement à votre question, j'ai à mon tour une question pour les trois partis macronistes et de la droite. Si le gouvernement de Lucie Castets, s'il ne comportait aucun ministre insoumis, est-ce que vous vous engagez à ne pas voter la censure et à lui permettre d'appliquer le programme pour lequel nous sommes arrivés en tête des élections législatives?
Il faut dire la vérité aux travailleurs. Un gouvernement NFP sans ministres LFI serait un gouvernement dirigé par le PS de l'ancien président François Hollande, avec quelques ministres staliniens et verts depuis lontgemps alliés avec le PS. Les travailleurs ont une longue et amère expérience des politiques d'austérité, de guerre et d'État policier imposées par le PS et les autres partis sociaux-démocrates d'Europe.
L'argument de Mélenchon selon lequel ce gouvernement mettrait en œuvre les programmes sociaux symboliques promis dans le programme du NFP est une fraude. Avec son programme de guerre au Mali, de réforme des retraites, sa loi travail draconienne, et son état d'urgence, le gouvernement PS de Hollande a tracé la politique menée par Macron aujourd'hui. En effet, Macron a servi dans le gouvernement Hollande en tant que ministre de l'Économie.
Mélenchon se précipite pour soutenir un gouvernement PS de droite parce qu'il est terrifié à l'idée que le piétinement manifeste du résultat des élections du 7 juillet par Macron radicalise les travailleurs, déclenchant un mouvement très à gauche de ce qu'il peut accepter.
C'est le contenu de la dernière note du blog de Mélenchon, intitulée «Dernier avertissement au capitaine du Titanic». Il n'a pas pour but d'appeler à la lutte les millions de travailleurs qui ont voté pour lui aux élections présidentielles de 2022 et pour le NFP aux élections législatives de 2024. Au contraire, il implore Macron de changer de cap avant que ses attaques contre le NFP ne discréditent les institutions de l'État capitaliste français parmi les travailleurs.
Ajoutant que l'establishment et la population contiennent «diverses générations... chacune une expérience ou une inexpérience des crises politiques et surtout des crises de régime», il a dit à ses adversaires de « bien réfléchir au message qu’ils adressent au pays». Il a averti que le refus de respecter le résultat des élections pourrait pousser des masses de travailleurs en France à tirer des conclusions politiques aux implications profondes:
Que veulent-ils dire au pays? Qu’il n’y a aucun recours légal contre un autocrate? Qu’il n’y a aucun moyen institutionnel contre un coup de force contre la démocratie? Que la démocratie parlementaire, comme la comprenne et la pratique la quasi-totalité des démocraties du monde, n’a pas cours en France? Ou bien que voter ne sert à rien? … Quel chemin désignent-ils alors? Quelles violences attisent-ils de cette façon?
Les travailleurs ont conclu que Macron gouverne contre le peuple, poursuivant un programme de guerre et d'austérité face à une opposition populaire écrasante. Selon les sondages 90 pour cent des Français rejettent l'appel de Macron à envoyer des troupes en Ukraine combattre la Russie et sa réforme des retraites l'année dernière pour financer la guerre aux dépens des travailleurs. Il y a aussi une profonde opposition au génocide israélien à Gaza, soutenue par les pays de l'OTAN.
Mélenchon intervient, cependant, non pas pour encourager les travailleurs à tirer des conclusions révolutionnaires, mais pour avertir Macron que, compte tenu de son mépris manifeste de l'opinion, le NFP pourrait ne pas être en mesure de contrôler la colère politique des travailleurs.
Pour les travailleurs, Mélenchon n'a laissé entrevoir que le fantasme que le PS et les fractions du gouvernement Macron lui-même iront la gauche et bâtiront une opposition à Macron. Il a cherché à faire croire à des illusions sur le type de gouvernement dont il a parlé sur TF1 ce week-end. Il a prétendu que le PS s'apprêtait à soutenir les appels de LFI à la destitution de Macron, qui se heurtent à l'opposition d'une large majorité de l'Assemblée:
L’avertissement lancé par LFI a déjà eu un résultat: radicaliser le PS, qui est dorénavant acquis à une motion de censure qu’il croit préférable à la procédure de destitution. C’est un bon résultat. La censure est donc assurée d’être adoptée. Autant dire d’ores et déjà que les gesticulation présidentielles ont déjà bien moins d’avenir encore ! Il est donc certain que ceux qui auraient décidé de monter à bord du Titanic pour finir l’excursion vont sans doute réviser leurs rêves de pouvoir.
Mais le PS et les ceux qui travaillent à renforcer ses liens avec Macron n'adoptent pas les promesses sociales de LFI dans le programme électoral du NFP. Ils s'efforcent de mettre en œuvre les engagements du programme NFP d'envoyer des troupes en Ukraine et de renforcer le renseignement et la gendarmerie. C'est ce qui ressort des commentaires de Raphaël Glucksmann, fils de l’ex-manifestant étudiant de Mai 1968 André Glucksmann, chef du parti Place publique (PP), et tête de liste du PS aux élections européennes en juin.
Glucksmann, qui a nié le génocide israélien en cours à Gaza, a déclaré au magazine pro-Macron Le Point la semaine dernière qu'il était un opposant déterminé aux concessions sociales, même limitées, proposées par LFI.
«Je n’ai jamais cru à l’aplanissement magique des divergences extrêmement profondes que nous avons avec LFI», a dit Glucksmann. Dénonçant la «faiblesse» de ceux du PS qui maintiennent l’alliance avec Mélenchon, il a dit: «Ma responsabilité, c’est d’abord de bâtir une force sociale-démocrate dominante intellectuellement, avec un projet crédible de transformation de la société, une force implantée dans tout le pays, qui soit en capacité de battre l’extrême droite aux prochaines élections nationales.»
Les formes démocratiques s’effondrent, alors que la classe capitaliste plonge dans la guerre et des niveaux insoutenables d'inégalité sociale. Le fait que cela se produise alors que Donald Trump poursuit le complot de coup d'État qui a conduit à la tentative de putsch fasciste du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain souligne le caractère mondial de cette crise. Les travailleurs doivent tirer les conclusions les plus hardies. Liberté, Egalité et Fraternité resteront lettre morte à moins qu’ils ne luttent pour prendre le pouvoir des mains des capitalistes et construire le socialisme.
La condition préalable d'une telle lutte est qu'elle ait un caractère international, et indépendant des institutions politiques et syndicales existantes de l'État national. Elle exige l'organisation de la classe ouvrière indépendamment des bureaucraties syndicales staliniennes et social-démocrates sur la perspective trotskyste de la révolution permanente. La force qui se bat pour cela en France n'est pas le NFP ou ses divers satellites politiques de pseudo-gauche, mais le Parti de l'égalité socialiste, la section française du Comité international de la IVe Internationale.