Dimanche, il restait 100 jours avant l’élection présidentielle américaine. Les deux partis capitalistes sont en crise et en désarroi, et réagissent tous deux en se concentrant à nouveau sur leurs priorités centrales et les plus réactionnaires. Dans le cas des Démocrates, cela signifie la guerre impérialiste, en particulier en Ukraine. Dans le cas des Républicains, cela signifie redoubler les menaces fascistes d’une dictature Trump.
La vice-présidente Kamala Harris a obtenu le soutien de tout l’establishment du Parti démocrate depuis que le président Biden a annoncé, le 21 juillet, qu’il se retirait de la campagne électorale. Annonce intervenue moins d’un mois avant la Convention nationale démocrate, qui s’ouvrira le 19 août à Chicago.
Le dernier démocrate de premier plan à avoir apporté son soutien est le sénateur Bernie Sanders, qui s’est exprimé samedi lors d’un rassemblement à Portland, dans le Maine. Sa déclaration est intervenue 24 heures après que l’ex-président Barack Obama et son épouse Michelle aient déclaré leur soutien à Harris lors d’un appel téléphonique mis en scène pour les réseaux sociaux.
La campagne présidentielle de Harris, qui vient d’être lancée, s’est avérée un succès financier immédiat, engrangeant plus de 200 millions de dollars de contributions de campagne, dont une grande partie provient de grands donateurs. Ceux-ci avaient retenu leurs contributions le mois précédent après la performance désastreuse de Biden lors d’un débat présidentiel avec Trump, le 27 juin.
Les démocrates du Sénat et de la Chambre ont revendiqué des gains massifs dans la collecte de fonds suite à la glorification médiatique de Harris et à l’«enthousiasme» fabriqué parmi les militants du Parti démocrate pour le remplacement d’un Biden âgé de 81 ans, dont la candidature était largement considérée sans espoir depuis ce débat funeste et sénile.
Le Comité sénatorial de campagne démocrate récoltait un million de dollars par jour, s’est vanté son président, le sénateur du Michigan Gary Peters. Le Comité de campagne démocrate du Congrès a connu sa meilleure journée de l’année dans les 24 heures qui a suivi le retrait de Joe Biden, récoltant près d’un million de dollars.
Harris a fait une série de déplacements électoraux durant le week-end, cherchant surtout à tirer parti de la glorification médiatique de son identité raciale et de genre. Si elle était élue, elle serait la première femme afro-américaine et la première personne d’origine asiatique à entrer à la Maison-Blanche. Elle a ensuite confié plusieurs jours la campagne publique à des collaborateurs, tandis qu’elle et ses principaux conseillers se réunissaient à huis clos pour discuter des choix possibles pour la vice-présidence.
On a pu voir lundi quelles étaient les vraies priorités du gouvernement Biden-Harris quand le Pentagone a annoncé un nouveau paquet d’aide létale à l’Ukraine, d’un total de 1,7 milliard de dollars, principalement des missiles et des munitions pour des systèmes d’armes déjà fournis. Cela inclut des munitions supplémentaires pour le Système de missiles d'artillerie à haute mobilité (initiales anglaises HIMARS), une arme de moyenne portée que l’Ukraine utilise pour viser des cibles à l’intérieur de la Russie.
Quelque 1,5 milliard de dollars proviendront de l’Initiative d’assistance à la sécurité de l’Ukraine, qui fournit des fonds à l’Ukraine pour acheter les armes produites par les fabricants américains. Les 200 millions de dollars restants proviendront directement des stocks du Pentagone dans le cadre de l’Autorité présidentielle de retrait, notamment «des intercepteurs de défense aérienne, des munitions pour les systèmes de roquettes et l’artillerie, et des armes antichars».
Harris est une fervente partisane de la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine et a attaqué maintes fois Trump et son colistier, le sénateur J. D. Vance de l’Ohio, pour leurs suggestions que la guerre coûtait trop cher et pourrait être réglée relativement vite par une diplomatie personnelle entre Trump et le président russe Vladimir Poutine. Les Républicains ne s’opposent pas à la guerre impérialiste, en Ukraine ou ailleurs, mais préféreraient se concentrer plus directement sur le renforcement militaire américain et les provocations contre l’Iran et la Chine.
Alors que les démocrates continuent d’alimenter un conflit qui pourrait déclencher une Troisième Guerre mondiale nucléaire, le candidat républicain Donald Trump a lancé une nouvelle menace d’instaurer une dictature, à un meeting de campagne vendredi dernier, devant un groupe fondamentaliste chrétien. Il s’exprimait au Sommet des croyants organisé par le groupe d’ultra-droite Turning Point Action à West Palm Beach, en Floride, près du domaine de Trump à Mar a-Lago.
«Chrétiens, sortez et votez, juste cette fois-ci», a déclaré Trump. «Vous n’aurez plus à le faire. Quatre ans de plus, vous savez quoi, tout sera réglé, tout ira bien, vous n’aurez plus à voter, mes beaux chrétiens».
Il a ensuite répété cette suggestion pas très subtile que 2024 pourrait être la dernière élection américaine: «Je vous aime, vous les chrétiens. Je suis chrétien. Je vous aime, sortez, vous devez sortir et voter. Dans quatre ans, vous n'aurez plus à voter, nous aurons tellement bien arrangé les choses que vous n'aurez plus à voter».
De telles menaces doivent être prises au pied de la lettre et au sérieux. Elles émanent d’un candidat qui s’est engagé à être «dictateur dès le premier jour» et qui a été l’instigateur de l’assaut fasciste lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021 dans le but de renverser le résultat des dernières élections. Ni Trump ni Vance n’ont dit qu’il respecteraient le résultat du vote de 2024 à moins qu’il ne réponde à leurs normes d’«équité» – en d’autres termes, à moins qu’ils ne gagnent.
La semaine dernière, un sénateur républicain qui chauffait la foule lors d’un meeting pour J.D. Vance dans l’Ohio, a ouvertement menacé de recourir à la violence, déclarant: «Si nous perdons cette fois-ci, il faudra une guerre civile pour sauver le pays».
Le Parti démocrate a répondu au langage de plus en plus fasciste de la campagne Trump-Vance par un communiqué de presse prétendant défendre la «liberté» et la «démocratie». Un communiqué de la campagne de Harris notait: «Notre démocratie est assaillie par le criminel Donald Trump: après la dernière élection que Trump a perdue, il a envoyé une horde pour renverser les résultats. Cette campagne, il a promis la violence s’il perd, la fin de nos élections s’il gagne, et la fin de la Constitution...»
Le président Biden s’est rendu à Austin (Texas) pour y prononcer un discours à l’occasion du 60e anniversaire de l’adoption de la loi sur les droits civiques de 1964, discours reporté après qu’il eut contracté le COVID-19 pour la troisième fois. Durant cette visite, il a fait un nouveau geste creux contre la menace d’un régime autoritaire. Il a proposé un amendement constitutionnel visant à annuler la récente décision de la Cour suprême d’accorder aux présidents une immunité absolue pour les crimes commis pendant leur mandat, ainsi qu’une législation visant à limiter la durée des mandats et à établir des règles éthiques pour les juges de la Cour suprême.
Il n’y a aucune chance que le système politique américain contrôlé par la grande entreprise approuve l’une ou l’autre de ces mesures, auxquelles Biden lui-même s’était opposé jusqu’à la décision de la Cour suprême dans l’affaire Trump v. United States, le 1er juillet.
Nonobstant tous les avertissements lancés à présent par Harris et Biden à propos d’un Trump dangereux pour la démocratie – à des fins électorales seulement – c’est le Parti démocrate qui a rendu possible qu’il échappe à un procès, à une condamnation et à la prison pour sa tentative de renverser la Constitution. Et qui lui a permis d’émerger comme candidat républicain à la présidence dans une élection où la candidate démocrate, Harris, prétend être un «outsider ».
Toute la politique du gouvernement Biden était basée sur la relance et le renforcement du Parti républicain après la débâcle des derniers jours de la présidence de Trump. Il voulait obtenir un soutien bipartite pour la plus importante des priorités démocrates: une politique étrangère impérialiste agressive qui a déclenché l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par la Russie, qui facilite le génocide israélien à Gaza et ouvre la voie à une guerre encore plus terrible contre la Chine.
Si les grands médias sont obsédés par les résultats de sondages d’opinion montrant un rétrécissement de l’avance, jamais importante, de Trump dans la course à la présidence – il est à égalité avec Harris ou la talonne dans des États fortement contestés comme le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie – les contours politiques fondamentaux de l’élection n’ont pas changé.
La campagne de 2024 reste une compétition entre les porte-étendards politiques de deux partis droitiers, anti-ouvriers, qui défendent tous deux l’impérialisme américain à l’extérieur et la domination brutale du capital financier à l’intérieur.
Trump est un fasciste qui déclare ouvertement son hostilité à la démocratie, menace de rafler des millions d’immigrés et dénonce sans cesse le socialisme et le communisme. Harris est une belliciste impérialiste qui donne l’accolade à Netanyahou, condamne comme «non américains» les manifestants contre le génocide et s'engage à poursuivre la politique étrangère de Biden.
(Article paru en anglais le 31 juillet 2024)