Que signifie la proposition de Lucie Castets par le NFP en tant que première ministre?

Mardi soir le Nouveau Front Populaire (NFP) est arrivé à un «consensus» pour promouvoir l’énarque et conseillère économique à la mairie PS de Paris, Lucie Castets comme potentielle première ministre. En nommant Castets, les dirigeants du NFP dont Jean-Luc Mélenchon et François Hollande proposent une personne compatible avec Macron pour répudier le programme électoral adopté, du moins en paroles par le NFP.

Cette nomination donne raison au Parti de l’égalité socialiste (PES), qui avertit les travailleurs du piège que leur tend le NFP. Sous prétexte de lutter contre une victoire potentielle du RN aux législatives, cette alliance entre Mélenchon et Hollande capte les voix des travailleurs espérant la mise en œuvre d’un programme de gauche pour ensuite leur proposer une économiste bourgeoise.

La proposition de Castets comme première ministre fait suite à 16 jours de lutte fractionnelles au sein du NFP. Le PCF puis LFI ont proposé dans un premier temps la présidente stalinienne du conseil régional de La Réunion, Huguette Bello au poste de Premier ministre. Le PS a avancé à la place la professeure et ex-pabliste Laurence Tubiana, avec le soutien du PCF et des Verts. Appelant ouvertement à abandonner les promesses électorales dans le programme du NFP, la candidature de Tubiana a été rejetée par LFI, faisant capoter les négociations.

In extremis, quelques heures avant l’intervention télévisée de Macron, le PS, parti dont Macron lui-même est issu s’est mis d’accord avec LFI pour proposer Lucie Castets, une fonctionnaire inconnue du ministère des Finances formée à la même École nationale d'administration (ENA) que Macron.

Dans un communiqué, le NFP déclare que Lucie Castets est une «haut fonctionnaire ayant travaillé à la répression de la fraude fiscale et de la criminalité financière». Il la présente en tant que femme engagée dans les «luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics», mais aussi «dans le combat d’idées contre la retraite à 64 ans». Dans un entretien accordé à l’AFP diffusé quelques minutes après l’annonce de l’accord du NFP sur son nom, Castets affirme qu’elle souhaite porter «l’abrogation de la réforme des retraites».

Mélenchon s’est félicité sur X/Twitter de la promotion de Castets par le NFP et a appelé Macron à la nommer à Matignon: «La proposition de Lucie Castets pour le mandat de Premier ministre est une confirmation de la capacité du Nouveau Front Populaire de se porter à la hauteur des circonstances dans le respect des engagements pris auprès des femmes et des hommes qui l'ont placé en tête des votes. Le Président de la République ne doit plus tergiverser. Il doit la nommer et respecter les règles de la démocratie. Le pays est impatient de voir sa décision s'appliquer!».

Au cours d’un entretien convenu avec FranceInter le 24 juillet, Castets a déclaré qu’elle refuserait toute coalition avec le camp présidentiel en raison de leurs «désaccords profonds». Pour expliquer la nature de ces désaccords, elle a dit vouloir «convaincre texte après texte, loi après loi» et «changer de méthode» pour mettre un terme à l’exercice du pouvoir «très jupitérien».

Une heure plus tard, dans un entretien sur France Télévisions, Macron a souhaité s’assurer d’une répudiation des promesses sociales du NFP et ouverture de la coalition. « La question n'est pas un nom mais quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement puisse passer des réformes et un budget», a-t-il balayé, considérant que le NFP n'avait pas de «majorité quelle qu'elle soit».

Quelque soit le résultat des négociations entre LFI, le PS et Macron, cette nomination trahit les espoirs des travailleurs et des jeunes qui on voté NFP pour s’opposer à la fois à Macron et au RN d'extrême-droite. Castets est une énarque dont le parcours ne présente que des différences minimes avec Macron, le président des riches. Celui-ci négocie la promotion de Castets par le NFP tout en négociant avec les LR et, en coulisse, avec le RN.

LFI a pu critiquer la candidature de Tubiana comme n’étant «pas sérieuse» car trop ouvertement compatible avec Macron. Néanmoins LFI s’accord à présent sur Castets, dont le profil n’est pas différent de celui de Tubiana. C’est une économiste formée pour faire partie des élites dirigeantes et pour mener les politiques d’austérité du PS.

Castets a été encartée au PS et candidate sur la liste PS de Nicolas Mayer-Rossignol aux régionales de 2015 en Haute-Normandie. «Elle a quitté le PS en désaccord avec l'orientation politique du quinquennat de François Hollande», avance Paul Vannier, député et stratège de LFI. Mais si comme Macron elle a quitté le PS face à la colère explosive des travailleurs contre ce parti à la fin du quinquennat de Hollande, elle a continué à travailler étroitement avec ce parti bourgeois.

Castets a travaillé avec la maire PS Anne Hidalgo qui en a fait sa conseillère économique avant de la nommer à la «direction des Finances et des Achats» de la Ville. «Elle a la confiance de la maire pour avoir une responsabilité aussi majeure», souligne Patrick Bloche, premier adjoint d'Hidalgo.

Un gouvernement sous la direction de Castets défendrait un État policier menant des guerres impérialistes à l'étranger et une guerre de classe à l'intérieur pour financer l’escalade militaire. Dans ses déclarations Castets fait le silence sur l’appel de Macron à envoyer des troupes en Ukraine faire la guerre à la Russie et ne dit rien sur le génocide israélien à Gaza, ni sur le soutien de Macron pour le régime israélien.

Le choix d’une énarque par le NFP n’est pas un hasard, dans un contexte ou la France est dans le collimateur de l’UE pour son déficit budgétaire. Le NFP participe aux manœuvres politiques de l’aristocratie financière et de Macron en présentant une énarque, issue de école où la bourgeoisie forme ses élites dirigeantes. En effet, malgré les critiques concernant la réforme des retraites de 2023 Castets s’accommoderait aux politiques d’austérité de Macron menées contre l’opposition d’une écrasante majorité des Français, surtout parmi les travailleurs.

Les travailleurs en France doivent se rappeler de l’expérience des travailleurs en Grèce. Au gouvernement entre 2015 et 2019, Syriza a imposé une politique d’austérité sauvage, tout en défendant et finançant loyalement le rôle clé de la Grèce au sein de l’OTAN et en mettant en œuvre des mesures brutales de «forteresse Europe» contre les réfugiés au nom de l’Union européenne (UE). Elle a démobilisé et trahi les travailleurs et les jeunes qui attendaient de lui une politique plus à gauche.

Pourtant Syriza était arrivée au pouvoir lors d’un raz-de-marée en promettant de mettre fin aux mesures d’austérité exigées par l’UE et le Fonds monétaire international (FMI), mais a démontré en quelques mois qu’il s’agissait d’un parti uniquement au service de la bourgeoisie. Les travailleurs ne doivent pas s’attendre à autre chose d’une formation qui peut mettre en avant à des postes dirigeants une Castets.

La classe ouvrière entrera dans un conflit explosif avec le gouvernement qui émergera des discussions actuellement en cours entre LFI, le PS, Macron, LR et RN. Les luttes à venir se doivent se transformer en mouvement contre Macron, le néofascisme, le capitalisme et finalement les appareils politiques composant le NFP. Mais la condition préalable essentielle à une telle lutte est de développer une direction marxiste révolutionnaire parmi les travailleurs et donc à construire le PES.

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