Harris consolide son contrôle sur l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle

L’establishment du Parti démocrate agit rapidement pour garantir la nomination de la vice-présidente Kamala Harris bien avant l’ouverture de la Convention nationale démocrate (DNC en anglais) à Chicago le 19 août.

La commission des règles du DNC a voté mercredi en faveur d’un scrutin d’investiture virtuel de tous les délégués de la convention au cours de la première semaine d’août, afin de respecter les exigences en matière de scrutin dans l’Ohio. Les gouverneurs des États et d’autres dirigeants du parti ont déjà annoncé qu’une majorité de délégués à la convention voteraient pour Harris, sur la base d’un sondage en ligne réalisé auprès des délégations des États.

Le président Joe Biden s’entretient avec la vice-présidente Kamala Harris après avoir pris la parole à la réunion d’hiver du Comité national démocrate, vendredi 3 février 2023 à Philadelphie. [AP Photo/Patrick Semansky]

Harris doit choisir un colistier pour la vice-présidence avant que le vote virtuel n’ait lieu. Une demi-douzaine de gouverneurs démocrates, de sénateurs et de responsables du gouvernement Biden sont actuellement examinés par la campagne de Harris, un processus qui prend généralement des mois, mais qui a été télescopé sur une période de 10 jours.

Depuis que le président Joe Biden a annoncé qu’il se retirait de la campagne électorale, les fonds de campagne ont afflué dans les coffres du Parti démocrate. Les médias ont fait une publicité flatteuse saluant la jeunesse et l’enthousiasme que l’ex-sénatrice et procureure générale de Californie de 59 ans apportait à la campagne. Les sondages montreraient que la course entre Harris et Trump est effectivement à égalité, en particulier dans les six ou sept États «champs de bataille» étroitement disputés.

Mardi, le chef de la majorité au Sénat Charles Schumer et le chef de la minorité à la Chambre Hakeem Jeffries, qui s’étaient brièvement abstenus de soutenir Harris, sont apparus ensemble au Capitole pour déclarer leur soutien. Seule une poignée de démocrates de premier plan, dont l’ancien président Barack Obama, n’ont pas encore officiellement soutenu la prétendante à la candidature.

Harris a fait sa première apparition publique de candidate démocrate présomptive à la présidentielle mardi à Milwaukee, où fut tenue la semaine dernière la convention nationale fasciste du Parti républicain. Elle a fait une série de promesses démagogiques pour des choses que le gouvernement Biden-Harris a été incapable de réaliser, comme de garantir que «chaque personne dispose d’un système de santé abordable, d’un système de garde d’enfants abordable et d’un congé familial rémunéré» et que «chaque personne âgée puisse prendre sa retraite dans la dignité».

En réalité, le gouvernement Biden-Harris a subordonné toutes les dépenses sociales aux exigences de sa politique étrangère agressive et militariste. Il a soutenu sans réserve la guerre contre la Russie en Ukraine, accordé des dizaines de milliards à Israël pour perpétrer un génocide à Gaza et préparer une guerre contre l’Iran, et accumulé contre la Chine forces et armements militaires dans la région inde-pacifique.

Harris s’est pleinement engagée à poursuivre toutes ces politiques et bénéficie pour ce faire du soutien de la majeure partie de l’appareil militaire et de renseignement. Celui-ci se méfie du tandem Trump-Vance. Il considère Trump comme trop erratique et impulsif, et Vance comme prêt à faire et à dire n’importe quoi pour rester dans les bonnes grâces de Trump.

Cela fut visible dans la lettre ouverte signée par 350 anciens ambassadeurs, officiers militaires, cadres de la CIA et autres responsables de la sécurité nationale, pour la plupart des démocrates des gouvernements Clinton, Obama et Biden, mais aussi de nombreux républicains de premier plan et des fonctionnaires de carrière non affiliés à l’un ou l’autre parti capitaliste.

Cette lettre déclare:

Lorsqu’il s’agit de gérer la sécurité nationale de l’Amérique, la vice-présidente Harris n’a besoin d’aucune formation sur le tas. En fait, si elle était élue présidente, elle entrerait dans ce bureau avec une expérience plus significative en matière de sécurité nationale que les quatre présidents qui ont précédé le président Biden [c’est-à-dire Clinton, Bush, Obama et Trump]. Dans le contexte actuel de sécurité mondiale, nous avons besoin d’un leader fort et éprouvé.

Le bilan diplomatique de la vice-présidente Harris est remarquable. Elle a rencontré le président chinois Xi et des dizaines de dirigeants de la région indo-pacifique dans le cadre de nos efforts visant à renforcer les alliances et les partenariats, à développer notre économie et à surpasser la Chine. Au cours de ses quatre voyages dans la région indo-pacifique et en représentant les États-Unis à de nombreux sommets mondiaux, la vice-présidente a renforcé les alliances et les partenariats dans la région indo-pacifique, et en particulier en Asie du Sud-Est, en reconnaissance de l’importance de cette région pour la sécurité et la prospérité des États-Unis. Elle a rencontré six fois le président ukrainien Zelenskyy, notamment cinq jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, afin de l’avertir de l’imminence de l’invasion et d’aider l’Ukraine à s’y préparer. Elle s’est rendue sur le flanc oriental de l’OTAN et a contribué à garantir l’unité de l’OTAN face à la guerre de la Russie contre l’Ukraine.

Parmi les signataires de cette lettre de soutien à Harris on trouve les responsables de la sécurité nationale les plus étroitement impliqués dans la préparation et l’instigation de la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine comme Victoria Nuland, ex-sous-secrétaire d’État aux affaires politiques et organisatrice en chef du coup d’État du Maidan en 2014, qui a renversé le gouvernement pro-russe élu à Kiev. Figurent encore les deux secrétaires d’État d’Obama, Hillary Clinton et John Kerry, l’ex-directeur du renseignement national James Clapper, l’ex-directeur de la CIA Michael Hayden, l’ex-directeur de la CIA et chef du Pentagone Leon Panetta, les anciens conseillers à la sécurité nationale Thomas Donilon et Susan Rice, et l’ex-ambassadeur des États-Unis en Russie Michael McFaul, ainsi que l’ancien conseiller général de la CIA Jeremy Bash, ex-mari de la présentatrice de CNN Dana Bash.

Parmi les républicains ou les personnes nommées par les républicains à des postes de haut niveau au département d'État et au Pentagone il y a Robert Blackwill, Robert Work, Richard Haass et Chuck Hagel.

Montrant quelles sont les priorités de la campagne démocrate, le sénateur de l’Arizona, Mark Kelly, l’un des principaux candidats pressentis pour être le colistier de Harris, s’est emporté publiquement mercredi contre le candidat républicain à la vice-présidence J. D. Vance, l’accusant d’«abandonner» l’Ukraine au profit de la Russie.

«Il est assez clair pour moi que vous avez JD Vance qui veut totalement abandonner l’Ukraine, et vous avez Donald Trump qui a été dans le passé plutôt pro-Russie et a penché vers Vladimir Poutine d’une manière que je ne m’attendrais jamais à voir le président faire», a-t-il déclaré à Politico. «Une fois encore, nous avons un choix important à faire et je serais très inquiet de ce que ces types feraient pour abandonner un allié en faveur d’un adversaire. Ce serait un monde beaucoup plus dangereux».

Ancien astronaute et pilote de la marine, Kelly a plaidé en faveur de la formation des pilotes ukrainiens sur les avions de chasse F-16 construits par les États-Unis, à la base aérienne de Davis-Monthan, en Arizona. Kelly aurait visité le salon aéronautique international de Farnborough en Angleterre cette semaine, où il a mené des discussions sur l’assistance militaire américaine à l’Ukraine.

Le vaste flot de fonds de campagne pour Harris et les démocrates provient de deux sources. Quelque 126 millions de dollars ont été recueillis sous forme de dons à petits montants de travailleurs et de membres de la classe moyenne dupés par l’affirmation qu’Harris représenterait une alternative plus progressiste et plus vigoureuse à la campagne fasciste de Trump et de Vance.

Mais plus d’argent encore provient des soutiens milliardaires du Parti démocrate, qui ont joué un rôle majeur dans l’éviction de Biden en retenant les dons promis. L’un de ces oligarques financiers, Abigaïl Disney, héritière de la fortune Disney, a révélé publiquement qu’elle était revenue sur sa décision de stopper son soutien pour Biden et qu’elle allait injecter des millions dans des ‘super PAC’ [Political Action Committees – organismes de collecte de fonds pour un candidat] soutenant Harris.

(Article paru en anglais le 25 juillet 2024)

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