3000 emplois menacés par la fermeture prévue d’Audi-Bruxelles

L'annonce par la direction d'Audi qu’elle allait fermer progressivement l'usine de Bruxelles a suscité une grande inquiétude parmi les quelque 3000 salariés et dans les usines de sous-traitance concernées. Le jeudi 18 juillet, le conseil d'entreprise d'Audi s'est réuni une deuxième fois pour discuter de la marche à suivre.

L’usine Audi de Bruxelles [Photo: Karmakolle, CC0, via Wikimedia Commons]

Il y a deux semaine, la direction de l'entreprise avait informé les membres du conseil d'entreprise que la production du SUV électrique Audi Q8 e-tron serait complètement arrêtée plus tôt que prévu, dès la fin de l'année prochaine. Cette année, la production serait déjà fortement réduite dû à la baisse de la demande. Cela entraînerait une réduction drastique du nombre de salariés. «D'ici octobre, 1.400, voire 1.500 travailleurs pourraient perdre leur emploi», ont déclaré Franky De Schrijver de la FGTB sociale-démocrate (Fédération générale du travail de belgique) et Ronny Liedts de la CSC (Conféderation des syndicats chrétiens).

Au début du mois, les représentants syndicaux au conseil de surveillance d'Audi-Bruxelles avaient voté contre les plans de la direction et son président, Manfred Döss, n'avait pu s'imposer au sein de ce conseil paritaire qu'en faisant usage de son droit de vote double. Une chose qui ne se produit pratiquement jamais dans les conseils de surveillance allemands, car l’IG Metall y intervient en tant que co-manager, conseille les directions d'entreprise et participe à l'élaboration des programmes de fermeture bien avant toute annonce.

Les syndicats belges ne sont pas différents d'IG Metall, mais ils sont soumis à forte pression de la part des travailleurs. La combativité des travailleurs d'Audi-Bruxelles est très grande. Beaucoup d'ouvriers sont issus de l'immigration et savent qu'ils ont peu de chances de trouver un emploi comparable. Selon une étude de la fondation syndicale allemande Hans-Böckler-Stiftung, la Belgique est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de jours de grève par travailleur.

Afin d'éviter des actions spontanées, l'annonce de la fermeture a été faite pendant une période d'arrêt de la production. Les chaînes de production étaient à l'arrêt jusqu'à la fête nationale belge du 21 juillet. On avait décrété des congés forcés pour le personnel. Immédiatement après commençaient les vacances d'entreprise déjà prévues . Malgré cela, 50 ouvriers et ouvrières ont participé à un piquet de grève devant les portes fermées de l'usine dès l'annonce de la fermeture.

Le conseil d'entreprise a fait savoir que la «première phase de ce que l'on appelle la loi Renault» allait maintenant être lancée. Il s'agit là d'une étroite collaboration entre la direction, le conseil d'entreprise, les syndicats et le gouvernement dans le but de trouver une «solution socialement acceptable». Le nom de «loi Renault» vient de ce que lors de la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde (Brabant flamand) en 1997, une loi avait été introduite pour éviter que le personnel ne soit pris au dépourvu par des décisions de la direction et mis devant le fait accompli.

La loi prescrit qu'une entreprise établie en Belgique qui souhaite supprimer des emplois en raison de restructurations ou de fermetures d'usines doit informer le conseil d'entreprise et le personnel avant d'annoncer les mesures prévues. Un «conseil de l’entreprise» est alors mis en place avec les syndicats, qui prend également contact avec les représentants du gouvernement et cherche à concilier les intérêts.

Mais comme dans la cogestion et le partenariat social allemands, cette collaboration entre direction, syndicat et gouvernement ne se fait pas dans l'intérêt des travailleurs, mais sert à élaborer les décisions de l'entreprise avec l'aide du gouvernement de manière à ce que les suppressions d'emplois puissent être imposées malgré la résistance des travailleurs. Le Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCa)

C'est ce qu'indique clairement un rapport sur le premier tour des discussions gouvernementales qui a eu lieu mardi 16 juillet. Dans le magazine Flandersinfo, on peut lire: «Les syndicats de l'usine Audi de Forest (Bruxelles) ont rencontré mardi le Premier ministre sortant Alexander De Croo (Open VLD) et le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) à la résidence du Premier ministre».

Le gouvernement n'assure toutefois plus que les affaires courantes. Parallèlement aux élections européennes du 9 juin ont eu lieu en Belgique des élections législatives nationales, ainsi que régionales en Wallonie, en Flandres, dans la Belgique de l'Est et la Région Bruxelles-Capitale. Lors de cette «super journée électorale», les partis de droite ont enregistré une nette progression et la formation du gouvernement est toujours en cours.

Les responsables syndicaux ont néanmoins salué les discussions avec le gouvernement. Il y avait «dans la politique aussi» l'intérêt de sauver «autant d'emplois que possible» chez Audi-Bruxelles, a déclaré un porte-parole du Syndicat des employés, techniciens et cadres (SETCa)

Malgré l'annonce d'actions de protestation, les représentants syndicaux ont clairement indiqué lors des discussions avec le gouvernement qu'ils étaient prêts à mettre en œuvre les suppressions d'emplois. Ils ont proposé de licencier les travailleurs âgés par le biais du système SWT. Cela signifie que l'allocation chômage des travailleurs touchés est complétée par une prime d'entreprise. Ils ont également demandé que le gouvernement s'engage à créer des emplois de remplacement.

Les travailleurs d'Audi à Bruxelles ne doivent en aucun cas compter sur les syndicats, mais se préparer à une lutte de principe contre la fermeture de l'usine et pour la défense de tous les emplois. Pour cela, une étroite collaboration est nécessaire avec les travailleurs de Volkswagen à Wolfsburg et de tous les autres sites de la maison-mère.

La décision de fermer Audi-Bruxelles a été prise au siège du groupe à Wolfsburg et fait partie d'une profonde restructuration liée à une suppression massive d'emplois sur de nombreux sites. Le trust de Wolfsburg ne comprend pas seulement Audi, mais encore Porsche, Skoda, Seat, CUPRA, Ducati et d'autres marques. Aucun constructeur automobile au monde n'emploie autant de travailleurs que le groupe VW. Il exploite 120 sites de production dans 19 pays d'Europe et 10 pays d'Amérique, d'Asie et d'Afrique, employant 662.000 personnes.

Avec un chiffre d'affaires annuel de plus de 250 milliards d'euros, VW fait partie des plus grands groupes automobiles mondiaux. Seul Toyota a vendu plus de voitures ces dernières années. Malgré la crise du Covid-19, les problèmes de chaînes d'approvisionnement et le manque de puces, le groupe a réalisé de nombreux milliards de bénéfices au cours des trois dernières années.

Mais le passage des véhicules à moteur de combustion aux voitures électriques (VE) a exacerbé la concurrence impitoyable entre grands groupes automobiles pour les coûts de main-d'œuvre les plus bas, les meilleurs débouchés et des chaînes d'approvisionnement sûres. Elle se fait sur le dos des travailleurs de tous les pays et de tous les sites, qui doivent travailler plus pour gagner moins, tandis que des centaines de milliers d’entre eux perdent leur emploi.

Dans cette transition, la concurrence, Tesla et constructeurs chinois de VE en tête, devance largement Volkswagen. L'époque où il était leader du marché en Chine est depuis longtemps révolue. Le producteur chinois BYD, qui fabrique déjà exclusivement des véhicules électriques, augmente systématiquement ses parts de marché et d'autres constructeurs chinois comme Nio, Geely ou Great Wall vendent bien plus de VE que Volkswagen.

Les ventes de l'Audi Q8 e-tron, seul modèle construit à Bruxelles et dont le prix de 80.000 euros est plus de deux fois supérieur à celui des modèles chinois comparables, ont fortement chuté.

A cela s'ajoute le fait que les groupes et les investisseurs profitent du passage du moteur à combustion aux voitures électriques pour réduire les coûts de production et augmenter les profits. Selon un rapport de l'Association des constructeurs automobiles européens, un demi-million d'ouvriers de l'automobile perdront leur emploi rien qu'en Europe d'ici 2040 – dont 121.000 en Allemagne, 74.000 en Italie, 72.000 en Espagne et 56.000 en Roumanie. L'institut de recherche économique Ifo prévoit même la perte de 215.000 emplois en Allemagne d'ici 2030, ce qui représenterait 40 pour cent des travailleurs automobiles du pays.

C'est pourquoi la lutte contre la fermeture de l'usine de Bruxelles doit être le début d’une mobilisation de tous les travailleurs de l'automobile en Europe et au niveau international.

C'est précisément ce que craint la direction de VW à Wolfsburg. Lorsque les projets de fermeture ont été connus, le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) a titré: «Peur de la révolte belge». On peut lire dans l'article: «Tonneaux d'huile en feu, vitrines brisées: ce sont ces images qui rappellent à plus d'un cadre de Volkswagen les souvenirs de la révolte des ‘gilets jaunes’ en France, si les choses devaient aller à l'extrême à Bruxelles. Une fermeture de l'usine automobile dans la capitale belge pourrait déclencher de véhémentes manifestations».

Le World Socialist Web Site ne rend pas seulement compte de la lutte des travailleurs d'Audi à Bruxelles, mais soutient et organise la coopération à l’échelle européenne et internationale. Nous nous battons pour lier la défense de principe de tous les emplois à la lutte contre la casse sociale et le danger grandissant de la guerre.

Cela demande une perspective claire, qui comporte essentiellement trois points :

Premièrement, la défense des emplois ne doit pas être laissée aux mains des syndicats et de leurs conseils d'entreprise. Ce sont des larbins payés des multinationales. Il faut mettre en place chez Audi à Bruxelles, comme dans les autres usines, un comité d'action indépendant qui s'oppose à la capitulation des syndicats, appelle les travailleurs de tous les sites VW à la solidarité et prépare une lutte commune. L'Alliance internationale ouvrière des comités de base IWA-RFC (en anglais International Workers Alliance of Rank-and-File Committees) coordonne ce travail en Europe et dans le monde.

Deuxièmement, la défense des emplois comme la lutte contre la guerre exigent une stratégie socialiste. Les besoins de la population travailleuse et de l'ensemble de la société ont la priorité sur les intérêts et les profits des trusts et des banques. Leur dictature doit être brisée et elles doivent devenir des biens publics.

Troisièmement, à la politique nationaliste des syndicats qui dressent un site contre un autre et soutiennent la politique de guerre des gouvernements, il faut opposer l'unité internationale de la classe ouvrière, indépendamment de la nationalité, de l'origine ou de la couleur de la peau.

Nous appelons les travailleurs à se joindre à cette perspective. Prenez contact avec nous. Envoyez un message Whatsapp au numéro de portable +491633378340 ou inscrivez-vous via le formulaire ci-dessous [Visible en bas de l’article anglais: https://www.wsws.org/en/articles/2024/07/22/0f34-j22.html]

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