Les démocrates et les grands médias glorifient la candidature de droite de Kamala Harris

L’establishment politique du Parti démocrate et ses bailleurs de fonds de la grande entreprise et de Wall Street se sont ralliés à la candidature présidentielle de la vice-présidente Kamala Harris, un jour après l’annonce par le président Joe Biden qu’il mettait fin à sa campagne de réélection.

Le président Joe Biden s’entretient avec la vice-présidente Kamala Harris après avoir pris la parole à la réunion d’hiver du Comité national démocrate, le vendredi 3 février 2023, à Philadelphie. [AP Photo/Patrick Semansky]

Pratiquement tous les élus démocrates de premier plan ont soutenu Harris dimanche ou lundi, y compris tous les sénateurs et gouverneurs ayant été mentionnés dans les grands médias comme rivaux potentiels. Parmi eux, Gretchen Whitmer (Michigan), Gavin Newsom (Californie), Josh Shapiro (Pennsylvanie) et Andy Beshear (Kentucky), ainsi que des sénateurs Chris Murphy, Rafael Warnock et Elizabeth Warren.

Whitmer a annoncé qu’elle serait coprésidente de la campagne électorale de Harris, rôle qu’elle avait déjà joué dans la campagne de réélection de Biden.

Selon un décompte effectué par le New York Times, les 23 gouverneurs démocrates ont tous soutenu Harris, de même que 41 des 51 sénateurs et 184 des 212 députés de la Chambre. Seul un sénateur a publiquement refusé de la soutenir, Joe Manchin, de Virginie-Occidentale, qui était le membre le plus à droite du caucus démocrate jusqu’à ce qu’il parte siéger comme indépendant au début de l’année.

La présidente émérite de la Chambre, Nancy Pelosi, qui a joué un rôle clé dans la campagne de pression pour forcer Biden à se retirer de la course, a attendu une journée avant de publier une déclaration soutenant Harris, mais elle l’a finalement fait lundi après-midi. Les deux principaux démocrates du Congrès, Charles Schumer, chef de la majorité au Sénat, et Hakeem Jeffries, chef de la minorité à la Chambre, sont restés publiquement neutres, apparemment pour faire croire que Harris n’était pas «couronnée» dans le cadre d’un processus à huis clos dicté par la direction du parti, bien que ce soit manifestement le cas.

Conformément à la politique identitaire promue par les démocrates, le «Congressional Black Caucus», le «Congressional Hispanic Caucus» et divers autres groupes, au Congrès ou en dehors, basés sur la race, le genre et l’orientation sexuelle, ont tous cautionné la campagne électorale de Harris. Des hosannas sont chantés pour la future «première femme présidente», comme pour Hillary Clinton avant sa défaite face à Donald Trump en 2016 ; le tout renforcé par des applaudissements pour la première femme noire et la première Américaine d’origine asiatique à recevoir l’investiture présidentielle d'un des deux principaux partis capitalistes.

Après que Biden lui-même eut soutenu Harris, ce qu’il a annoncé dans une déclaration distincte sur Twitter/X, 15 minutes après avoir posté sa lettre de retrait, les ressources de sa campagne de réélection ont été entièrement transférées à Harris. Des responsables de la campagne ont dit à tout le personnel qu’il travaillait désormais pour Harris.

L’organisation de la campagne a été officiellement rebaptisée «Harris for President» et elle a un accès total aux 96 millions de dollars de fonds de campagne détenus sur ses comptes bancaires. Somme qui a rapidement doublé, plus de 100 millions de dollars de dons ayant été versés à la campagne de Harris dans les premières 24 heures, la majeure partie des dons en ligne de faible montants sur le portail internet officiel des démocrates.

Selon un article de Politico titré « La bombe de l’argent des grands donateurs de Harris », les donateurs milliardaires et multimillionnaires ont également manifesté leur approbation. Un seul super PAC [Political Action Committee – organisme de collecte de fonds pour un candidat] pro-Biden, Future Forward, a rapporté de nouveaux engagements financiers à hauteur de 150 millions de dollars depuis le retrait de Biden de la course dimanche après-midi. La décision de plusieurs grands donateurs de retenir les 90 millions de dollars promis pour sa campagne de réélection a joué un rôle majeur dans le retrait de Biden.

Les délégués à la convention sont également mobilisés pour entériner la nomination de Harris. Les délégations des trois premiers États interrogées dimanche soir — la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et le Tennessee — ont voté à une écrasante majorité en faveur de Harris. Les délégations du New Jersey et du Connecticut devaient se réunir lundi, et il ne fait guère de doute que Harris recevra des votes quasi unanimes lors de ces caucus et d’autres.

Pour contester l’investiture de Harris, un candidat doit obtenir le soutien de 300 délégués à la convention, dont pas plus de 50 par État. Personne n’a encore annoncé un tel défi, et le sénateur Manchin, qui aurait envisagé de le faire, a déclaré lundi qu’il ne serait pas candidat.

Les dirigeants démocrates et leurs alliés des médias patronaux espèrent relancer leurs perspectives électorales en perte de vitesse en présentant Harris comme candidate plus jeune et plus attrayante que le décrépit Biden. Mais il n’y a pas eu le moindre changement dans le programme droitier des démocrates, qui soutient la guerre totale avec la Russie en Ukraine, le génocide israélien à Gaza et les attaques contre le niveau de vie et les droits démocratiques de la classe ouvrière dans le pays.

Il n’y a pas non plus de discussion sur les antécédents politiques de droite de Harris, qui incluent près de deux décennies en tant que procureure en Californie. Elle était si bien identifiée comme procureure de ‘loi et d’ordre’ que Donald Trump lui a envoyé des contributions de campagne lors de deux campagnes électorales.

Le World Socialist Web Site a fait plusieurs analyses détaillées du bilan de Harris au cours de la campagne électorale 2019-2020. Elle avait alors brigué l’investiture pour la présidence, puis abandonné avant qu’aucun vote n’ait effectivement eu lieu aux primaires, et a ensuite été nommée par Biden comme colistière.

Un commetaire soulignait le dilemme politique qui s’est avéré fatal à la campagne présidentielle de Harris:

Harris, comme le reste des candidats démocrates, tente de se poser en alternative progressiste à Trump, tout en cherchant, dans son cas, à couper la poire en deux entre Biden, le favori «modéré», et ses deux principaux challengers de l’aile «gauche» du parti, Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Harris a essayé de jouer sur les deux tableaux, associant l’argument de l’«éligibilité» de Biden à la suggestion qu’en tant qu’ancienne procureure, elle défierait Trump de manière agressive.

Nous avons noté que les dirigeants du Parti démocrate cherchaient à utiliser ses antécédents en matière de loi et d’ordre et à la positionner comme une future candidate à un poste national:

Les dirigeants démocrates du Sénat ont promu Harris dès le début, lui confiant des commissions très importantes comme le budget, la sécurité intérieure et la justice, où elle a été fortement médiatisée pour son rôle dans l’interrogatoire du candidat à la Cour suprême, aujourd’hui juge, Brett Kavanaugh.

Le plus révélateur a été sa nomination à la Commission du renseignement en 2017 – la seule démocrate nouvellement élue à se voir confier un poste aussi crucial, et une indication que, en ce qui concerne l’establishment du Parti démocrate et l’appareil militaire et de renseignement, Harris est une «personne de confiance».

Harris a des liens personnels avec les sommets de l’appareil militaire et de renseignement. Sa sœur Maya, qui a été conseillère politique principale de la campagne présidentielle de Clinton en 2016 et a présidé la campagne présidentielle avortée de Kamala en 2020, est mariée à Tony West, avocat général d’Uber et ancien procureur général associé des États-Unis dans le gouvernement Obama.

Maya Harris a également édité des versions préliminaires du livre de 2010 de Michelle Alexander, professeur de droit à l’université de Stanford, intitulé The New Jim Crow. Cet ouvrage, qui a figuré pendant longtemps sur la liste des best-sellers du New York Times, affirme qu’il existe aux États-Unis un nouveau système de castes raciales, largement mis en œuvre par les actions des Blancs pauvres et qui l’emportait de loin sur toute considération de classe en tant que division sociale importante.

Le WSWS l’a commenté ainsi:

Toutefois, malgré les efforts déployés pour ancrer la race et le genre dans la politique américaine, l’échec de la candidature de Harris à l’élection présidentielle met en évidence l’incapacité de la politique identitaire à s’implanter de manière significative dans la classe ouvrière. Pour la grande majorité de la population, les invocations constantes de l’identité de Harris n’ont guère convaincu qu’elle était une candidate progressiste. Elle fut bien plutôt reconnue comme une démocrate pro-entreprise, le fonds de commerce du Parti démocrate dans son ensemble.

L’Amérique des entreprises a certainement reconnu sa réelle loyauté de classe. Après que Biden l’eut choisie comme colistière, le Wall Street Journal a écrit que les financiers avaient poussé un «soupir de soulagement». La publication American Banker notait, elle, que le flux le plus régulier de financement de sa campagne venait des professionnels du secteur financier et de leurs cabinets d’avocats les plus fiables. Juste avant d’arrêter sa campagne, Harris s’enorgueillissait d’avoir parmi ses soutiens le plus grand nombre de milliardaires, dont Gordon Getty, fortune de l’industrie pétrolière.

À l’époque, en août 2020, le secrétaire national du SEP (Socialist Equality Party – Parti de l’égalité socialiste) Joseph Kishore, écrivait:

Au milieu de cette monumentale crise politique, économique et sociale, et sur fond de tant de souffrances, la population américaine se verra offrir le 'choix' entre le fasciste Trump, l'escroc de New York, et une candidature démocrate ayant à sa tête un représentant de la grande entreprise du Delaware et une ex-procureure de Californie. Cela en dit long sur l'état dégradé de la politique américaine.

Maintenant que le représentant de la grande entreprise s’est retiré et que l’ex-procureure est montée en grade, la population américaine se verra à nouveau offrir ce «choix», dans des conditions où les deux partis capitalistes sont radicalement allés à droite.

Le Parti républicain est un instrument ouvertement fasciste pour la reconduction d’un président qui promet d’agir comme un dictateur dès le premier jour. Le Parti démocrate se concentre entièrement sur l’escalade de la guerre avec la Russie en Ukraine, le prolongement du génocide israélien à Gaza et la préparation d’une guerre encore plus grande contre la Chine.

La question centrale reste la construction d’un mouvement politique de masse de la classe ouvrière, basé sur un programme socialiste, et indépendant des deux grands partis du capitalisme américain, Démocrates et Républicains, auxquels il s’oppose.

(Article paru en anglais le 23 juillet 2024)

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