Le 24 mai, 3 500 travailleurs de l'aciérie ArcelorMittal de Lazaro Cárdenas au Mexique, un port du Pacifique situé dans l'État du Michoacán, ont cessé le travail et ont déclaré être en grève le 4 juin. Ils ont fixé des drapeaux rouges et noirs sur l'entrée principale de l'usine et en ont bloqué l'accès. Ils ont également bloqué le complexe minier de Las Truchas, situé à 27 kilomètres de l’usine.
ArcelorMittal, fondée par le magnat indien Lakshi Mittal, autrefois classé par Forbes comme le sixième homme le plus riche du monde et membre du conseil d'administration de Goldman Sachs, est la deuxième plus grande société sidérurgique au monde. Classée 197e dans la liste Fortune Global 500 2022 des plus grandes entreprises mondiales, elle est évaluée à environ 94 milliards de dollars et a enregistré un bénéfice ajusté de 4,9 milliards de dollars l'an dernier.
La grève a été déclarée par la section 271 du Syndicat national des mineurs (Syndicat national des mineurs, de la métallurgie, de l'acier et assimilés – initiales espagnoles SNTMMSSRM), communément appelé «Los Mineros».
La grève a été lancée en raison du sous-paiement flagrant des versements de participation aux bénéfices dus aux travailleurs en vertu de la loi mexicaine. Il s’agit d’un problème récurrent qui avait conduit en 2022 à une grève de courte durée. Les travailleurs réclament également le versement d’une prime légalement obligatoire.
L'usine compte 8 000 emplois directs et jusqu'à 50 000 emplois indirects et produit 30 pour cent de l'acier destiné au marché mexicain. Elle approvisionne des industries clés telles que la construction, l’automobile et la fabrication d’appareils électroménagers. L’arrêt de la production affecte à son tour la chaîne d’approvisionnement américaine.
ArcelorMittal affirme que les blocus illégaux ont causé d'importantes pertes de production, de l'ordre de 500 000 tonnes d'acier, et des dommages à son haut fourneau principal.
ArcerlorMittal a obtenu des décisions de trois tribunaux du travail déclarant la grève illégale, ainsi qu'une ordonnance accordant une injonction le 18 juin. Mais les travailleurs ont poursuivi leur grève. Une audience sur sa légalité est désormais fixée au 8 août devant une Cour constitutionnelle.
Des décisions de justice ont également bloqué l'arrestation de neuf travailleurs poursuivis par l'entreprise pour avoir déclenché le conflit.
Le trust a menacé de licencier massivement les grévistes et de faire annuler purement et simplement la convention collective.
Mais malgré ses fanfaronnades, l'entreprise a proposé lundi 8 juillet, donnant par là une idée de la force collective des grévistes, ces mesures pour résoudre la grève :
Payer les bénéfices dus aux travailleurs tels que déterminés par un organisme indépendant pour l'année 2021 et soumettre la question des années 2022 et 2023 à un commissaire aux comptes choisi par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale pour les années 2023 et 2024 ;
Verser un paiement net de 40 000 pesos (2 056 euros) à chaque travailleur, qui serait distribué pour moitié en bons et pour moitié en espèces, et qui serait également accordé aux membres des sections 272 et 336 du syndicat ;
Couvrir 75 pour cent des salaires des jours non travaillés par les grévistes, rétroactifs jusqu'au 24 mai ; et
Ne pas entreprendre d'exercer des pressions sur les travailleurs ou d'exercer des représailles découlant du conflit du travail actuel.
Les travailleurs de la section 271 ont voté mardi 9 juillet au soir pour rejeter la proposition de l'entreprise. Reste à savoir si celle-ci fera désormais des concessions supplémentaires.
Le syndicat national s'était opposé à la grève de la section locale 271 dès le 24 mai, et il a demandé la semaine dernière l'acceptation de la proposition de l'entreprise, dont il était sans aucun doute co-auteur.
Le syndicat national est dirigé par le tristement célèbre Napoléon Gómez Urrutia, qui a fui le Mexique pendant 10 ans suite à des accusations de détournement de 55 millions de dollars du syndicat.
Gómez Urrutia a une longue histoire de collusion avec le gouvernement mexicain pour supprimer les avantages sociaux, les retraites et les salaires des travailleurs mexicains des mines et de la sidérurgie.
Le Syndicat des mineurs est associé depuis des années au Centre de solidarité de l'AFL-CIO, instrument de longue date pour étendre le contrôle de l'impérialisme américain sur les syndicats et les luttes ouvrières à l’étranger. Gomez est également président de longue date de la Confédération internationale des travailleurs (initiales espagnoles CIT – Confederación de Trabajadores), qui a des liens avec les principaux syndicats aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, comme l'AFL-CIO et le syndicat de la sidérurgie USW (United Steel Workers).
Los Mineros soutinrent en 2017 la campagne présidentielle du président Andrés Manuel López Obrador, connu sous le nom d'AMLO. Gomez Urrutia se présenta et devint sénateur au Congrès pour le parti Morena d'AMLO en 2018. Il fut également président de la Commission du travail et de la protection sociale et secrétaire de la Commission de l'économie.
Selon certaines informations, Gomez Urrutia aurait cherché avec insistance à rencontrer la présidente récemment élue du Mexique (du parti Morena) Claudia Sheinbaum, ces dernières semaines, probablement pour solliciter son influence afin de mettre fin à la grève, mais cela a jusqu'à présent été repoussé. Il y a des spéculations dans la presse mexicaine que cela pourrait être dû en partie au fait que le nouveau chef de file des députés de Morena, Ricardo Monreal, a d'autres contacts importants dans la bureaucratie syndicale qui s'opposent à Gomez Urrutia.
En 2019, AMLO rencontra personnellement le propriétaire du trust sidérurgique, Lakshmi Mittal, pour le remercier d'avoir promis d'investir 1 milliard de dollars supplémentaires à Lázaro Cárdenas et lui garantir «la sécurité de vos investissements».
La grève des mineurs se trouve à un carrefour dangereux, confrontés à la menace d'une décision favorable au trust et de représailles qui leur coûteront leurs moyens de subsistance. Il suffit de rappeler, parmi d’innombrables autres exemples, les milliers de licenciements survenus après la vague de grèves sauvages de Matamoros en 2019, après que les entreprises se soient engagées à ne pas faire de représailles.
Les grévistes d'ArcelorMittal doivent éviter que leur lutte soit subordonnée aux calculs vénaux d'une quelconque faction de la bureaucratie syndicale, dont les privilèges et les carrières sont en fin de compte liés à l'obtention de faveurs des trusts, du gouvernement et de l'impérialisme. Aucune confiance ne peut être accordée à ces larbins de la grande entreprise.
Des comités de grève doivent être formés immédiatement sous le contrôle démocratique des travailleurs de la base mêmes. Ces comités doivent superviser toutes les négociations et les votes des accords, et poser des revendications pour obtenir ce dont les travailleurs ont réellement besoin – et pas pour ce que l’entreprise prétend pouvoir «se permettre».
Les sidérurgistes sont confrontés à un immense trust multinational, soutenu par des groupes financiers et des gouvernements plus puissants encore. Leurs comités de base doivent, par-dessus tout, faire appel aux métallurgistes, aux mineurs, aux travailleurs de l’automobile et à leurs frères de classe d’autres secteurs en Amérique du Nord et à l’international, pour qu’ils soutiennent leur lutte, et chercher activement à les mobiliser.
(Article paru en anglais le 17 juillet 2024)