Le gouvernement Zelensky prépare davantage de coupes sociales avant de nouvelles négociations sur la dette

Le gouvernement d'extrême droite du président Volodymyr Zelensky, en proie à la crise, se prépare à renégocier sa dette de 20 milliards de dollars avec les détenteurs d'euro-obligations. La pause de ses paiements, suite au déclenchement de la guerre par procuration de l'OTAN contre la Russie en février 2022, devrait prendre fin le 1er août.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’exprimant lors d'une réunion avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken à Kiev, en Ukraine, le mardi 14 mai 2024. [AP Photo/Ukrainian Presidential Press Office]

Comme l'a rapporté le Kyiv Post, des négociations initiales ont déjà eu lieu du 3 au 14 juin entre le gouvernement ukrainien et ses créanciers, mais elles n'ont pas abouti. Les détenteurs d'obligations auraient été mécontents d'une réduction allant jusqu'à 60 pour cent de l'accord initial. Dans l’éventualité que les négociations échouent, après le 1er août, l’Ukraine sera contrainte de payer 3,75 milliards de dollars d’ici fin 2024.

Les différents grands détenteurs d'obligations utilisent lors des négociations le nom de Comité des créanciers ad hoc. Ce comité est composé d'Amundi, BlackRock et Amia Capital, selon Bloomberg. PJT Partners Ltd. et Weil, Gotshal & Manges LLP participent en tant que conseillers financiers et juridiques du groupe. Ces fonds spéculatifs géants ainsi que des banques comme JP Morgan Chase sont profondément impliqués dans ce qu’on appelle l’effort de «reconstruction» en Ukraine, dont l’objectif fondamental est de subordonner l’économie et la classe ouvrière du pays directement aux intérêts prédateurs du capital financier.

Si les négociations n’aboutissent pas en faveur de l'Ukraine, ce pays pauvre de 32 millions d'habitants augmentera considérablement ses risques de faire défaut sur sa dette extérieure. Cela menacera tant le pays d’une poursuite de la guerre provoquée par les impérialistes avec la Russie que le gouvernement Zelensky même, dont la cote de popularité est déjà en chute libre suite à une loi de mobilisation très impopulaire adoptée plus tôt cette année. Comme l’a noté le groupe de réflexion Wilson Center, même si le défaut de paiement n’est pas certain, «il est évident que plus la guerre se prolonge, plus l’Ukraine se rapprochera du défaut de paiement. En 2025 déjà, la dette nationale devrait dépasser 100 pour cent du PIB de l'Ukraine.»

En raison de précédents accords de prêt avec le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement Zelensky n'est pas en mesure d'offrir des conditions plus favorables à ses créanciers, «sinon les objectifs tenables de la dette du FMI risquent de ne pas être atteints», selon le Kyiv Post. En conséquence, le gouvernement s’est retrouvé acculé lors des négociations puisqu’il doit payer des intérêts sur ses euro-obligations pendant trois ans d’un seul coup.

La semaine dernière, l'Ukraine a reçu 2,2 milliards de dollars supplémentaires du FMI dans le cadre de sa participation au programme de Mécanisme élargi de crédit (MEDC), qui dure 48 mois et prêtera au pays environ 16 milliards de dollars. L’Ukraine est désormais le deuxième débiteur du FMI après l’Égypte.

Ces accords impliquent des privatisations massives, de nouvelles réductions de dépenses sociales déjà minimes et diverses «réformes» anti-corruption exigées par l’impérialisme occidental. Malgré leur titre, ces efforts «anti-corruption» sont essentiellement un moyen d’inciter les élites occidentales à dicter les décisions sociales et économiques des gouvernements endettés.

La gravité de la crise de la dette ébranle le gouvernement Zelensky soutenu par l’OTAN et déjà en crise, et menace de saper l’effort de guerre. Depuis un an, le régime de Zelensky est confronté à une grave pénurie de main-d’œuvre et de munitions sur le front alors qu’il continue de perdre des territoires au profit de la Russie.

Plus tôt cette semaine, l'Ukrainska Pravda a rapporté que Zelensky remplacerait bientôt le Premier ministre Denis Shmigal, qui avait joué un rôle de premier plan dans les négociations avec le FMI et avait assuré le respect par l'Ukraine de ses divers accords.

Shmigal, le Premier ministre le plus ancien de l'Ukraine post-soviétique, a été nommé pour la première fois en 2020 suite à la démission d'Oleksiy Honcharuk, qui fit l'actualité internationale en octobre 2019 lorsqu'il assista à un concert de rock néo-nazi à Kiev (article en anglais).

Si une grande partie de l'article attribuait le licenciement potentiel de Shmigal à de simples conflits de personnalité et de pouvoir entre lui et Zelensky, il citait également un sentiment de grande nervosité au sein du régime Zelensky face aux implications d'un certain nombre d'accords de «réforme» avec le FMI et les États-Unis.

Selon l'Ukrainska Pravda, c'est «le gouvernement de Shmigal qui a signé des mémorandums d'engagement avec le FMI et d'autres structures internationales. Et ce qui est mauvais, c'est que le gouvernement était le destinataire du soi-disant 'plan de réforme' que la Maison Blanche a envoyé aux donateurs et au gouvernement ukrainien.»

Il ajoute qu'en sacrifiant Shmigal, le gouvernement Zelensky espère que ses créanciers étrangers seront plus ouverts à de nouvelles négociations.

Shmigal va probablement être remplacé par la première vice-Première ministre Yulia Sviridenko, qui serait proche de l'épouse de Zelensky. Sviridenko est également considérée comme «fidèle à 100 %» par le puissant assistant de Zelensky, Andriy Yermak. Des informations suggèrent que Yermak a déjà joué un rôle majeur dans le limogeage en février de l'ex-commandant en chef ukrainien, Valery Zaluzhny.

Les luttes intestines au sein du régime Zelensky sont fondamentalement un symptôme de la guerre par procuration de l'OTAN en cours en Ukraine, qui a coûté la vie à des centaines de milliers de soldats ukrainiens et créé plus de 6 millions de réfugiés, tout en dévastant une économie déjà classée parmi les plus pauvres d'Europe avant la guerre.

L'étendue de l’appauvrissement de la société ukrainienne a été soulignée la semaine dernière par la présidente de la Commission de la politique sociale et des droits des anciens combattants du parlement ukrainien, Galyna Tretiakova.

Dans une rare admission officielle du désastre social ukrainien, Tretiakova a déclaré: « Nous avons un ratio catastrophique de personnes considérées comme pauvres. En fait, la guerre nous a repoussé 16 ans en arrière pour ce qui est de surmonter le problème de la pauvreté.» Un rapport de la Banque mondiale publié en juin indique que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté en Ukraine a augmenté d'environ 1,8 million depuis 2020 et qu’il atteint 29 pour cent, soit près d'un tiers de la population totale.

Au total, 9 millions d'Ukrainiens vivaient dans la pauvreté l'année dernière. La population globale du pays elle, a chuté précipitamment, passant de 40 à 32 millions d’habitants. Ces chiffres ne prennent pas en compte les immenses pertes en vies humaines parmi les soldats ukrainiens, qui sont aujourd’hui estimées à plus d’un demi-million.

Le rapport de la Banque mondiale montre également que l’augmentation de la pauvreté est due à la montée en flèche du chômage. Un cinquième des adultes avaient perdu leur emploi suite au déclenchement de la guerre à grande échelle en février 2022. Un Ukrainien interrogé sur quatre n’avait pas assez d’argent pour acheter de la nourriture à un moment donné en juin 2023.

Au milieu de ce désastre social, le gouvernement Zelensky, cherchant à la fois à financer l’effort de guerre et à apaiser ses créanciers internationaux, prépare de nouvelles coupes dans les dépenses sociales. La ministre ukrainienne de la Politique sociale, Oksana Zholnovych, a déclaré la semaine dernière: «Nous avons assumé un nombre excessif d'obligations sociales, de prestations sociales, qui ne peuvent pas toujours être soutenues par des ressources financières. Et ce déséquilibre entraîne une multitude de jugements qui ne peuvent être respectés quant à la capacité de l'économie à couvrir de telles dépenses.»

L'Ukraine dépense déjà plus pour son armée que pour ses dépenses sociales, mais, selon Zholnovych, le gouvernement devait désormais «réviser davantage la philosophie des budgets sociaux» et les «optimiser».

Bien qu’on ne sache pas encore exactement comment le régime Zelensky envisage de réduire encore plus les dépenses sociales, Zholnovych a déclaré à UNN qu’un projet de loi avait déjà été préparé pour réviser les dépenses sociales alors que l’Ukraine poursuit ses «réformes» nécessaires pour remplir ses obligations envers le FMI et les pays impérialistes occidentaux.

(Article paru en anglais le 13 juillet 2024)

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