Willie Mays, grand joueur de baseball et icône culturelle, décède à 93 ans

Dans la nuit de mardi à mercredi, le grand joueur de baseball Willie Howard Mays III est décédé à l'âge de 93 ans dans un établissement de soins en Californie du Nord.

Willie Mays, des Giants de San Francisco, pose pour une photo lors d'un entraînement de printemps en 1972. [AP Photo/File]

Mays fait incontestablement partie des plus grands athlètes mondiaux du XXe siècle. Compétiteur acharné et personnalité dynamique, Mays est devenu une icône culturelle, frappant 660 circuits en 22 saisons en ligue majeure, accumulant 3293 coups sûrs, ayant fait marquer ses coéquipiers 1909 fois et ayant marqué lui-même 2068 points, le tout classé parmi les meilleurs de tous les temps. Il a obtenu une moyenne de .301 au cours de sa carrière, a volé 339 bases, a remporté le titre de «recrue de l’année» lors de ses débuts en 1951, quatre ans seulement après l'intégration de la ligue, et a été sélectionné 24 fois pour le match des étoiles. (À une époque, il y avait deux matchs des étoiles par saison.)

Willie Mays était l'un des meilleurs frappeurs de tous les temps, mais ce qui le distinguait, c'était sa vitesse et ses remarquables capacités défensives, qui sont époustouflantes même pour les non-initiés au baseball. Il a reçu 12 Gants d'or pour son style de défense acrobatique, spectaculaire et nonchalant dans le champ central, qui a conquis le cœur des fans, même ceux des équipes adverses. Il a remporté deux fois le titre de Joueur le plus utile et était le membre vivant le plus âgé du Temple de la renommée au moment de sa mort. Il a joué 21 saisons pour les Giants de New York et de San Francisco (l'équipe a déménagé à l'ouest en 1958) et une saison et demie pour les Mets de New York à la fin de sa carrière. Il a également joué un an en professionnel pour les Black Barons de Birmingham dans la Negro League, à l'âge de 17 ans, en 1948.

Pendant des décennies, les amateurs de baseball se sont demandé si Mays était le meilleur joueur de l'histoire du jeu. Ces débats ont été plus ou moins résolus par l'application de la technologie moderne, qui permet aux statisticiens de mieux mesurer l'impact des aptitudes défensives et du jeu de base sur les chances de victoire de leur équipe. Parmi tous les joueurs de l'époque qui a suivi l'intégration raciale des ligues majeures et qui n'ont pas été impliqués dans le scandale des stéroïdes de la fin des années 1990 et du début des années 2000, les statistiques actualisées montrent que Mays a permis à son équipe de gagner environ 10 matchs de plus au cours de sa carrière que le deuxième meilleur joueur, Hank Aaron des Braves de Milwaukee et d’Atlanta, et 45 fois plus que le joueur de champ central des Yankees de New York, Mickey Mantle. [1]

Il est difficile d'expliquer au public international l'importance culturelle de Mays. À une époque où il était rare que des Afro-Américains apparaissent à la télévision, il était un invité régulier des émissions de fin de soirée et fut le premier Afro-Américain à apparaître, en tant que lui-même, dans des émissions telles que Bewitched, Mr Belvedere et The Donna Reed Show. Frank Sinatra lui a dit : « Si je jouais au baseball comme toi, je serais le plus heureux des hommes. » Cary Grant, fan des Dodgers, son grand rival, plaisantait : « Je ne supporte pas Willie Mays. » Son manager de longue date, Leo Durocher, a déclaré que « s'il savait cuisiner, je l'épouserais » et a suggéré que ses joueurs de champ gauche et droit feraient mieux de construire des cabanes et de s'y reposer pendant que Mays couvrait l'ensemble du champ extérieur. Des chansons populaires ont été composées sur son slogan – « Say Hey ! » - avec lequel il saluait souvent les gens, et il était connu sous le nom de « Say Hey Kid ».

Le baseball a des racines sociales et historiques profondes. C'est le premier sport américain à avoir connu une véritable audience de masse, facilitée en grande partie par l'avènement de la radio, puis de la télévision. Des versions du baseball se sont d'abord développées avec des variantes locales dans le nord-est des États-Unis, mais le jeu a été « nationalisé » au XIXe siècle par les soldats de l'Union pendant la guerre de Sécession, qui l'ont enseigné aux Confédérés pendant les trêves et dans les prisons, et l'ont répandu dans le Sud. Ce jeu pastoral, qui se pratique sur un grand terrain, est devenu extrêmement populaire dans les quartiers exigus des villes américaines en pleine expansion (notamment New York, Boston, Chicago, Baltimore, etc.) Le baseball était particulièrement populaire parmi les immigrants et est devenu un moyen d'assimilation culturelle pour des millions de personnes arrivant au pays au tournant du XXe siècle et plus tard.

Les origines sociales de Willie Mays

Willie Mays – son nom de naissance est « Willie » et non William – est né le 6 mai 1931, au plus profond de la Grande Dépression, dans une famille ouvrière de Westfield, en Alabama. Son grand-père, Walter Mays, avait été métayer à Tuscaloosa et avait la réputation d'être un excellent lanceur « de campagne » dans les ligues rurales qui prédominaient alors dans le centre de l'Alabama. Le fils de Walter Mays, William Mays, ouvrier métallurgiste puis porteur Pullman sur la ligne Birmingham-Detroit, était lui-même un excellent joueur de baseball, un joueur de champ et un frappeur de première balle qui avait acquis le surnom de « Cat » (le chat) pour sa vitesse et son agilité en défense.

Westfield était une ville d'entreprise composée de maisons de type « shotgun » qui était « dirigée par la Tennessee Coal, Iron and Railroad Company », selon Mays et l'écrivain de baseball John Shea dans l'autobiographie de Mays de 2020, 24, nommée d'après le numéro qu'il portait sur son maillot. À Westfield, « la compagnie possédait des maisons et des magasins », explique l'autobiographie, et les conditions étaient médiocres.

Lorsque Mays était enfant, son père et lui ont déménagé à côté de Fairfield, qui était et reste un centre national de production d'acier. Sa mère, Annie Satterwhite, était une athlète locale bien connue, mais elle a quitté la famille lorsque Mays était encore un enfant. Satterwhite vivait à proximité et est restée présente dans la vie de Mays, mais elle est morte en donnant naissance à son onzième enfant, alors que Mays avait une vingtaine d'années.

Comme beaucoup de régions industrielles, les nombreuses usines de Birmingham avaient souvent des équipes de baseball – une noire et une blanche – qui s'affrontaient dans des ligues semi-professionnelles ségréguées. Bien que les équipes aient été créées par les entreprises pour promouvoir la « fierté d'entreprise » et étouffer la contestation, il ne fait aucun doute que les « ligues industrielles » étaient immensément populaires parmi les travailleurs noirs et blancs. Des foules de 8000 à 12.000 fans revêtaient leurs habits du dimanche pour assister aux matchs entre des équipes portant des noms tels que « Fairmont Foundrymen » [les Fondeurs], « Ingalls Ship Builders » [les Constructeurs de navires], « Stephenson Brick Tilemen » [les Maçons] et « Woodard Iron Men » [les Métallurgistes], composées à la fois de joueurs rémunérés et d'ouvriers des différentes usines.

Mays a fréquenté un lycée industriel et, sans ses remarquables qualités athlétiques, il était probablement destiné à une vie dans une aciérie. Il a été formé au nettoyage, à la teinture et à la presse et a déclaré dans son autobiographie que la plupart de ses amis d'enfance finissaient l'école et « se rendaient directement là-bas pour travailler dans l'aciérie ».

Au lieu de cela, Mays a commencé à jouer au baseball pour une équipe locale de terrain vague, les Fairfield Gray Sox, avant de rejoindre l'équipe de l'usine de son père dans la ligue industrielle. Il jouait régulièrement contre des garçons qui avaient 5 ou 10 ans de plus que lui. Il dédiera plus tard son autobiographie « à mon père, Willie Howard Mays Sr, qui m'a appris la vie, et aux habitants de Fairfield, Alabama, qui m'ont aidé à m'élever ». Lorsqu'il a percé dans les ligues majeures, Mays était célèbre pour avoir joué au stickball avec les enfants des quartiers défavorisés de New York sur le chemin qui menait de Harlem au stade des Giants.

Mays avait 16 ans en 1947 lorsque Jackie Robinson, le premier joueur afro-américain autorisé à jouer dans les ligues majeures, a fait ses débuts avec les Dodgers de Brooklyn. À l'âge de 17 ans, Mays jouait pour les Black Barons de Birmingham, une franchise de la Negro Leagues qui jouait au Rickwood Field, l'un des plus anciens stades des États-Unis, plus ancien que tous les stades de la ligue majeure. En 1950, Mays a été engagé par les Giants de New York et, après de brefs passages dans leurs ligues mineures affiliées, les Giants de Trenton et les Millers de Minneapolis, il a disputé son premier match en ligue majeure le 25 mai 1951 contre les Phillies de Philadelphie. Après un début laborieux (il a fait 0-12 et s'est effondré en larmes dans le club-house), Mays s'est enflammé et a mené les Giants qui ont miraculeusement rattrapé les Dodgers, leur grand rival, pour remporter le titre de champion de Pennsylvanie.

« L’Attrapé »

Mays a manqué une partie de la saison 1952 et toute la saison 1953 pour être enrôlé dans l'armée américaine pendant la guerre de Corée, et sans cette interruption, ses totaux de carrière auraient sans doute été encore plus élevés. Les Giants ont de nouveau participé aux séries mondiales en 1954, la première année où Mays est revenu de l'armée.

Lors du premier match de la série de sept, l'une des premières séries mondiales télévisées pour une grande partie de la population, Mays réalisa ce qui est généralement considéré comme le jeu le plus important et le plus spectaculaire de l'histoire du baseball professionnel, communément appelé « The Catch » [l’Attrapé].

La clôture du champ central du stade des Giants, le Polo Grounds, se trouvait à environ 480 pieds du marbre, soit environ 80 pieds de plus que dans les autres stades de baseball. Cela donne à Mays un immense terrain à couvrir. En fin de match, alors que des coureurs sont sur la première et la deuxième base, Vic Wertz, l'attaquant des Indians de Cleveland, frappe une balle qui parcourt entre 420 et 460 pieds (la longueur exacte a fait l'objet d'un sérieux débat scientifique). Mays courut en arrière, parvenant tant bien que mal à l'endroit où la balle allait tomber, et l'attrapa par-dessus son épaule presque sans regarder en arrière. Le plus impressionnant est peut-être qu'il a immédiatement tourné sur lui-même et renvoyé la balle à la deuxième base pour empêcher les coureurs d’aller plus loin. Les Giants remportèrent le match et les séries, malgré qu’ils étaient vus comme ceux qui allaient perdre.

La carrière de Mays comporte trop de moments exceptionnels pour qu'on puisse les énumérer. En 1961, il frappe quatre circuits en un match contre les Braves de Milwaukee. En 1963, il a frappé un circuit décisif pour briser l'égalité 0-0 dans la 16e manche contre le lanceur vétéran des Braves de Milwaukee Warren Spahn pour mettre fin à ce qui est considéré comme le meilleur duel de lanceurs de l'histoire du baseball, Spahn et le droitier des Giants Juan Marichal ayant tous deux lancé le match en entier. (Marichal et Spahn sont tous deux devenus des membres du Temple de la renommée.) Pendant une grande partie de sa carrière, les managers ont donné à Mays la possibilité de rédiger les compositions d'équipe des Giants et de prendre des décisions pendant les matchs. En 1981, à l'âge de 50 ans, lors d'un match d’exhibition « des légendes », Mays sprinta à travers le champ central pour faire une attrapée avant de tomber sur la piste d'avertissement.

L'intégration et les critiques de Robinson

Mays n'était pas un homme qui s’exprimait politiquement. Parmi les premiers joueurs afro-américains à suivre Jackie Robinson dans le baseball majeur, il parle des railleries raciales qu'il a subies au début de sa carrière, expliquant que lorsqu'il jouait en ligue mineure, on lui demandait souvent de rester dans un quartier différent de celui de ses coéquipiers blancs. Lors d'une occasion particulièrement dangereuse, Mays a déclaré que trois coéquipiers blancs avaient traversé la ville et dormi sur le sol de sa chambre pour le protéger des intrus.

Lorsque les Giants de New York ont déménagé à l'ouest, à San Francisco, après la saison 1957, Mays s'est vu refuser une maison dans un quartier aisé de la ville par un propriétaire, qui a déclaré avoir subi des pressions de la part de ses voisins. Mays a d'abord été traité avec dérision par les fans de San Francisco, qui considéraient qu'il « remplaçait » au centre du terrain le héros local Joe DiMaggio, qui était originaire de la région de San Francisco et avait joué pour la ligue mineure des Seals de San Francisco avant que le baseball majeur ne s’étende à l'ouest.

DiMaggio, né Giuseppe Paulo DiMaggio, était le fils d'immigrants siciliens considérés comme des « étrangers ennemis » par le gouvernement américain pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été l'un des premiers Italiens à percer dans les ligues majeures, ce qui a fait de lui un héros particulier au sein de l'importante population d'immigrants italiens de San Francisco. DiMaggio a joué pour les Yankees de New York, a été sélectionné 13 fois au match des étoiles, a gagné 9 fois les World Series et a été l'époux de Marilyn Monroe.

Mays ne s'est pas souvent exprimé sur des questions raciales ou politiques et a été publiquement critiqué par Jackie Robinson, qui a écrit dans son livre Baseball Has Done It (1964) que Mays ne souhaitait pas « remuer les choses » et qu'« il n'y a pas d'échappatoire, pas même pour Willie [...] d'être un Noir ». Dans son autobiographie de 2020, Mays a répondu : « Jackie a fait beaucoup de choses pour la race. J'ai fait ce que j'ai fait. Je ne sortais pas toujours pour parler en public. Parfois, je le faisais en coulisses. [...] Je ne disais pas à tout le monde ce que je faisais. »

La retraite de Mays

En 1972, à la fin de sa carrière et à une époque où les joueurs étaient bien moins payés qu'aujourd'hui, Mays a publiquement soutenu les joueurs dans une grève contre les propriétaires d'équipe bien qu'une grève l'aurait probablement empêché de rejouer un match de ligue majeure. « Je sais qu'il est difficile d'être éloigné du jeu, de notre salaire et de notre vie normale », a-t-il déclaré. « J'aime ce jeu. Cela a été toute ma vie. Mais nous avons pris la décision [...] de nous tenir et jusqu'à ce que nous soyons satisfaits, nous devons nous tenir. [...] [Si] j'ai joué mon dernier match, ce sera douloureux. Mais si nous ne nous tenons pas, tout ce pour quoi nous avons travaillé sera perdu. »

La grève est évitée et Mays prend sa retraite en 1973 après avoir participé une dernière fois aux World Series en tant que membre des Mets de New York, avec lesquels il joue pendant deux saisons à 41 et 42 ans. Lors de l'une de ses dernières présences au bâton, il frappe un simple gagnant dans la 12e manche contre Rollie Fingers, releveur des A's d'Oakland (et futur Temple de la renommée), bien que les Mets perdent la série. Mays a été entraîneur professionnel pendant 10 ans, puis a pris sa retraite, devenant un habitué du stade des Giants de San Francisco, situé au 24 Willie Mays Plaza. Le 20 juin, par coïncidence, les Giants et les Cardinals de St-Louis jouaient un match officiel de la ligue majeure au Rickwood Field rénové de Birmingham, où Mays, alors âgé de 17 ans, avait joué pour les Black Barons de la Negro League il y a environ 70 ans.

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[1] Plus précisément, la statistique sur laquelle elle se fonde évalue les joueurs en fonction de leur valeur par rapport à la moyenne des joueurs de remplacement. Au cours de sa carrière, Mays a obtenu 156,2 victoires au-dessus du remplacement. Aaron, également originaire de l'Alabama, en valait 143,1. Mantle, fils d'une famille de mineurs de Commerce, en Oklahoma, en valait 110,2, bien que sa carrière ait été marquée par des blessures et l'abus d'alcool. Lors d'un banquet organisé plus tard dans leur vie, Mantle dit en larmes à Mays que ce dernier était le meilleur joueur. Mays, compétiteur jusqu'au bout, n'a pas contesté la conclusion de Mantle.

(Article paru en anglais le 20 juin 2024)

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