Perspective

Banditisme social: l’oligarque Elon Musk reçoit un versement record de 45 milliards de dollars

Jeudi, Tesla a annoncé que ses actionnaires avaient réapprouvé une rémunération sans précédent pour son PDG Elon Musk, actuellement évaluée à plus de 45 milliards de dollars. Comme l’a fait remarquer le juge du Delaware qui avait précédemment bloqué ce versement pour «enrichissement injuste du milliardaire», cette somme est «la plus grande opportunité de rémunération potentielle jamais observée sur les marchés publics, et ce de plusieurs ordres de grandeur».

Elon Musk, au centre, assiste au 10e Forum mondial de l’eau à Nusa Dua, Bali, Indonésie, le lundi 20 mai 2024. [AP Photo/Firdia Lisnawati]

Ce paiement est une forme de vol social qui équivaut à ce que chaque foyer américain soit contraint d’envoyer à l’homme le plus riche du monde un chèque de 350 dollars à un moment où la plupart d’entre eux ont à peine de quoi payer leurs factures. Les «barons bandits» aristocrates du Moyen Âge eux, détroussaient un par un les voyageurs sur les grands chemins. Mais grâce au fonctionnement du «marché libre» capitaliste, Musk et ses collègues oligarques escroquent et arnaquent l’ensemble de l’humanité.

La somme versée à Musk dépasse le coût estimé du logement des sans-abris (20 milliards de dollars) et de l’élimination de la faim (25 milliards de dollars) aux États-Unis. Il équivaut à ce que gagnent en un an, avant impôts, 1,2 million de travailleurs percevant le revenu médian américain (37500 dollars ou 35000 euros).

Selon la dernière liste Forbes des 10 personnes les plus riches, Elon Musk est déjà l’individu le plus riche de la planète, avec une valeur nette de 208,4 milliards de dollars. Avec d’autres membres de ce groupe, dont Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Meta/Facebook) et Bernard Arnault (LVMH), la fortune de Musk est supérieure au produit intérieur brut (PIB) de trois quarts des pays du monde (156 sur 212).

La décision des actionnaires de Tesla d’attribuer ce pactole à Musk s’inscrit dans un contexte d’accélération de la croissance des inégalités sociales, de financiarisation de l’économie, de guerre impérialiste et d’effondrement des gouvernements démocratiques.

Selon des chiffres publiés samedi par le Financial Times, les tendances en matière de rémunération des dirigeants de grandes entreprises augmentent au rythme le plus rapide depuis les 14 dernières années au moins, portant la séparation entre les ultra-riches et le reste de la population à des niveaux record.

L’article du FT indique: «Jusqu’à présent en 2024, la rémunération médiane des chefs d’entreprise des sociétés du S&P 500 a augmenté de 12 pour cent, selon ISS Corporate, qui fait partie du conseiller par procuration Institutional Shareholder Services. En comparaison, la croissance des salaires aux États-Unis a augmenté de 4,1 pour cent en glissement annuel, selon les chiffres officiels».

Le FT cite William George, ex-président du comité de rémunération du conseil d’administration d’Exxon et ex-directeur général de Medtronic, qui a déclaré que la rémunération des dirigeants «est devenue incontrôlable» et que l’enveloppe salariale de Musk envoyait le message qu’il «n’y avait ici aucune limite […]. Vous pouvez gagner autant que vous voulez».

S’inquiétant de la montée de la colère sociale et de l’opposition, George a ajouté: «Cela va encore diviser notre pays entre les nantis et les démunis. C’est une grave préoccupation pour moi, car je pense qu’il y aura une perte de confiance [dans les entreprises]».

La richesse contrôlée par Musk et d’autres oligarques est directement liée à la crise sociale extrême à laquelle sont confrontés des millions de travailleurs et de jeunes aux États-Unis et dans le monde.

Officiellement, les États-Unis comptent 582.500 sans-abri, mais ce chiffre est largement sous-estimé. Alors que des dizaines de milliards sont distribués à Musk, les travailleurs et leurs familles doivent faire face à la flambée des prix, cumuler plusieurs emplois pour s’en sortir, tandis que le gouvernement sabre les fonds alloués aux programmes sociaux, à l’éducation, aux soins de santé et aux infrastructures.

Les démocrates et les républicains – à tous les échelons de gouvernement – affirment qu’il n’y a pas d’argent pour les programmes sociaux de base alors que les riches paient peu ou pas d’impôts et que d’innombrables milliards sont versés pour la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine et pour le génocide du gouvernement israélien contre les Palestiniens de Gaza.

La richesse accumulée par les élites milliardaires est liée à l’essor sur des décennies du marché boursier, un mécanisme qui permet de transférer les richesses de la société dans les mains de l’oligarchie financière et industrielle. Les 45 milliards de dollars versés à Musk prennent la forme d’options d’achat d’actions Tesla, une «récompense» pour l’augmentation rapide depuis 2018 de la valeur des actions de l’entreprise, passée de 50 milliards à 558 milliards de dollars aujourd’hui.

La hausse de la valeur des actions est le résultat de la spéculation effrénée à Wall Street, alimentée par une politique d’impression d’argent pour les riches de la part de la Réserve fédérale. Le transfert d’actifs de la banque centrale vers les ultra-riches a atteint un point culminant dans la réaction des démocrates et des républicains à la pandémie de coronavirus, où entre février et juin 2020 trois mille milliards de dollars ont été remis à l’oligarchie financière.

Après l’adoption de la loi CARES en mars 2020, la classe dirigeante a lancé une campagne pour forcer les travailleurs à retourner au travail, ce qui a entraîné la surmortalité de plus de 1,5 million de personnes aux États-Unis et de plus de 27 millions dans le monde. Musk a été l’un des principaux partisans de l’infection de masse par le COVID-19, défiant même la loi de l’État de Californie et rouvrant les usines Tesla, une politique criminelle acceptée par les démocrates de cet État.

Dans sa déclaration publiée au début de l’année, le World Socialist Web Site expliquait: «L’accumulation de richesses personnelles – bien qu’immensément significative en soi – est secondaire et liée à l’immense concentration de pouvoir économique dans un petit nombre de méga-conglomérats détenus par les élites dirigeantes capitalistes».

Elle notait en particulier l’influence massive d’une poignée d’entreprises technologiques, qui «exercent un pouvoir énorme sur l’internet et les réseaux sociaux», citant la propriété de Twitter/X par Musk. Le multimilliardaire a utilisé le contrôle de cette entreprise pour promouvoir des théories conspirationnistes d’extrême droite et des organisations et individus politiques fascistes tels que Donald Trump, le candidat présomptif du Parti républicain à l’élection présidentielle de 2024.

La déclaration explique la relation entre l’extrême concentration du pouvoir économique et la croissance de l’autoritarisme et de la dictature dans le monde entier. «Ce sont les forces qui drainent l’oxygène de la démocratie dans le monde entier. L’idée que les droits démocratiques fondamentaux peuvent être préservés sans s’attaquer aux forces et aux intérêts économiques sous-jacents à l’œuvre n’est qu’un vœu pieux».

Réagissant à l’annonce de Tesla, le candidat du SEP (Socialist Equality Party – Parti de l’égalité socialiste) à la présidence des États-Unis, Joseph Kishore, a publié une déclaration dont voici un extrait:

La nécessité d’exproprier les expropriateurs, d’abolir le capitalisme et de le remplacer par le socialisme, aux États-Unis et dans le monde entier, n’a fait que devenir plus pressante au cours des quatre dernières années. Les oligarques, gorgés de richesses, ont normalisé la mort de masse dans la pandémie, normalisé le génocide à Gaza et conduisent l’humanité vers l’abîme de la guerre nucléaire.

Il n’y a pas un seul problème social auquel sont confrontées les masses de travailleurs à travers le monde qui puisse être résolu en dehors d’une restructuration fondamentale de la vie sociale et économique. Les richesses obscènes accumulées par les entreprises et l’oligarchie financière doivent être saisies et réorientées pour répondre aux besoins sociaux urgents. Les gigantesques entreprises et institutions financières doivent être placées sous contrôle démocratique, fonctionner sur la base des besoins sociaux et non du profit privé.

La réalisation de ce programme – seule réponse rationnelle à la croissance extrême des inégalités sociales – n’est possible que par la lutte des classes, en opposition à l’ensemble de la classe dirigeante et à son appareil d’État, à travers le développement d’un mouvement de la classe ouvrière ayant pour objectif la conquête du pouvoir et la réorganisation socialiste de la vie économique, aux États-Unis et dans le monde.

(Article paru en anglais le 17 juin 2024)

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