Benny Gantz démissionne du cabinet de guerre de Netanyahou et appelle à une meilleure stratégie pour le génocide et la guerre

La semaine dernière, les anciens chefs militaires Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux des soi-disant leaders de l’opposition de centre droit, ont annoncé qu’ils quittaient le cabinet de guerre du premier ministre Benjamin Netanyahou.

Lors d’une conférence de presse, Gantz a accusé Netanyahou de «nous empêcher de progresser vers une véritable victoire» en faisant obstruction à des décisions importantes, notamment en refusant de présenter un plan viable pour Gaza après la guerre, dans son propre intérêt politique. Par conséquent, «nous quittons le gouvernement d’urgence aujourd’hui le cœur lourd mais de tout cœur».

Il a exprimé son soutien aux propositions du gouvernement Biden pour un cessez-le-feu et un échange de prisonniers, a appelé à des élections israéliennes anticipées et a appelé d’autres politiciens, y compris le ministre de la Défense Yoav Gallant qu’il a qualifié de «leader courageux et déterminé», à quitter le gouvernement.

Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, annonce sa démission à Ramat Gan, Israël, le 9 juin 2024. [AP Photo/Ohad Zwigenberg]

Eisenkot a déclaré qu’il démissionnait parce que le gouvernement avait «complètement échoué» dans tous ses objectifs.

Dans un geste vide de sens, leur Parti de l’unité nationale a présenté un projet de loi qui vise à dissoudre la Knesset, qui compte 120 sièges, afin de déclencher de nouvelles élections, tout en sachant qu’il n’avait aucune chance de remporter le vote, et de mettre en place une enquête indépendante sur les circonstances qui ont conduit à l’attaque du Hamas le 7 octobre et sur d’autres aspects de la guerre.

Leur démission, un jour après une échéance qu’ils s’étaient imposée et qu’ils ont reportée en raison de l’annonce du sauvetage de quatre otages après une attaque massive dans le camp de réfugiés de Nuseirat qui a tué au moins 274 Palestiniens et en a blessé plus de 600 a été un véritable pétard mouillé. Pas un seul manifestant n’est descendu dans la rue dimanche soir pour soutenir Gantz et Eisenkot, ou pour demander la démission de Netanyahou et de nouvelles élections. Même si une telle manifestation avait été organisée, elle n’aurait pas appelé à la fin du génocide à Gaza, que ces deux criminels de guerre soutiennent.

Netanyahou a accueilli leur démission par un haussement d’épaules, se contentant de dire: «Ne quittez pas le gouvernement d’urgence; ne renoncez pas à l’unité», sachant que leur départ ne fera pas s’effondrer son gouvernement d’ultranationalistes et de sionistes religieux. Leurs objectifs sont d’annexer la Cisjordanie, de nettoyer ethniquement Israël, de rétablir les colonies à Gaza et d’imposer un régime autoritaire ainsi qu’un rôle plus important pour les forces religieuses.

Désaccords tactiques de Gantz et Eisenkot avec Netanyahou

Les deux hommes n’ont pas de désaccords de principe avec Netanyahou. Ils ont démontré leur loyauté envers son gouvernement et l’État sioniste tout au long de la guerre, en défendant chacun des crimes sanglants commis par les Forces de défense israéliennes (FDI). Clairement, ils ont pris leur décision de démissionner en concertation avec Washington, alors que le «soutien indéfectible» de Joe «le génocidaire» à Israël se heurte à l’opposition massive des travailleurs et des jeunes dans les États démocrates clés.

Gantz et Eisenkot souhaitent faire une pause dans la guerre pour obtenir la libération des otages survivants – au moins 43 des 120 otages seraient morts – afin de renforcer le soutien interne à la guerre et d’espérer un arrêt temporaire des escarmouches quasi quotidiennes avec le Hezbollah libanais dans le nord du pays. Cela permettrait à l’Arabie saoudite, à l’Égypte et à d’autres États d’adhérer à une forme de maintien de l’ordre après la guerre dans les ruines de Gaza, que Washington cherche à organiser.

Le mois dernier, Gantz a présenté un plan en six points pour Gaza et a menacé de démissionner si le gouvernement ne l’acceptait pas. Ce plan prévoyait un système temporaire d’administration civile «américano-européen-arabo-palestinien», Israël conservant le contrôle global de la sécurité; la normalisation des relations avec l’Arabie saoudite, qui impliquerait nécessairement l’acceptation d’un illusoire État palestinien aux côtés d’Israël; et la fin de l’exemption du service militaire pour les juifs ultraorthodoxes.

Pendant des mois, l’année dernière, Gantz a été l’un des leaders autoproclamés du mouvement de protestation qui a duré neuf mois contre les efforts déployés par Netanyahou pour instaurer un régime dictatorial. L’un des facteurs à l’origine des manifestations de masse a été l’aggravation des inégalités sociales au sein d’une des sociétés les plus inégales du groupe des pays avancés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), suscitant la crainte d’une guerre civile. Plus de 10.000 réservistes de l’armée ont annoncé qu’ils refuseraient de servir et de risquer leur vie pour un gouvernement non démocratique si le coup d’État judiciaire de Netanyahou était mis en œuvre.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, au centre, pose aux côtés du ministre israélien des Affaires et du Patrimoine de Jérusalem Meir Porush, à droite, et d'autres membres du cabinet à Jérusalem, le mercredi 5 juin 2024. [AP Photo/Gil Cohen-Magen]

Le mouvement d’opposition massif a fait mentir les affirmations selon lesquelles critiquer Israël équivaudrait à de l’antisémitisme. Israël et les puissances impérialistes qui soutiennent le régime sioniste en tant que gardien de leurs intérêts dans cette région riche en ressources ont utilisé de telles affirmations pour faire taire la gauche et discréditer les opposants à la répression israélienne des Palestiniens et au régime d’apartheid. Mais Gantz, Eisenkot et d’autres dirigeants de l’opposition, tels que l’ancien premier ministre et leader de Yesh Atid, Yair Lapid, ont réussi à prendre la tête d’un mouvement qui n’a jamais contesté politiquement le sionisme ni lié la lutte contre Netanyahou à l’opposition à l’oppression des Palestiniens. Ils ont fait en sorte que la manifestation se caractérise par l’agitation de drapeaux israéliens et l’engagement à défendre la fausse démocratie de l’État sur la scène mondiale.

Les dirigeants de l’opposition n’ont rien fait pour s’opposer à l’escalade des provocations de Netanyahou contre les Palestiniens qui visaient à susciter une réaction qui pourrait servir de prétexte à une guerre totale. Dès l’instant où Netanyahou a profité de l’incursion palestinienne du 7 octobre en Israël, clairement autorisées par les services de sécurité, pour lancer sa guerre génocidaire contre Gaza, Gantz et Eisenkot ont mis un terme à toute opposition et se sont empressés de rejoindre son cabinet de guerre.

Gantz a déclaré: «Nous sommes des frères, nous avons tous un destin commun. Ce ne sont pas des jours pour les disputes politiques, il n’y a pas de gagnants ni de perdants aujourd’hui. Aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul objectif commun: gagner la guerre, ensemble.»

Si Lapid a refusé de rejoindre le cabinet de guerre de Netanyahou, aucun des dirigeants de l’opposition – d’anciens chefs militaires et du renseignement et politiciens qui avaient tous servi sous Netanyahou – ne s’est opposé à la décision de Gantz et d’Eisenkot. Ils se sont tous rangés derrière les bellicistes. Leur «opposition» s’est limitée à accuser Netanyahou d’être responsable des prétendus échecs politiques, militaires et de renseignement qui ont permis l’attaque du 7 octobre.

Ce cabinet de guerre meurtrier, agissant au nom de l’unité nationale, a autorisé le bombardement massif de civils palestiniens ainsi qu’une tentative délibérée d’affamer la population de Gaza pour l’assujettir. L’armée israélienne a tué plus de 38.000 Palestiniens, pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, en a blessé 85.000 autres et a déplacé de force les trois quarts des 2,3 millions d’habitants de Gaza de leurs maisons, dont la plupart ont été détruites. Les Palestiniens n’ont aucun endroit sûr où aller.

Comme l’a rapporté une commission des Nations unies en début de semaine, le gouvernement israélien et son armée ont commis des «crimes contre l’humanité» systématiques, dont l’«extermination». La commission a conclu que l’armée et le gouvernement israéliens «ont commis les crimes de guerre suivants: la famine comme méthode de guerre; le meurtre ou l’homicide volontaire; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils et des biens de caractère civil; le transfert forcé; la violence sexuelle; l’atteinte à la dignité de la personne; et [la violence sexuelle et sexiste] assimilable à la torture ou à un traitement inhumain et cruel».

Le bilan sanglant de Gantz et Eisenkot

Le bilan de Gantz et d’Eisenkot, que les médias bourgeois continuent de décrire comme une main tendue à Netanyahou qui lui manquera cruellement, est celui de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Tous deux étaient des criminels de guerre bien avant le 7 octobre.

Comme de nombreux dirigeants israéliens, ils ont passé la majeure partie de leur vie professionnelle dans l’armée. Ils ont atteint dans les deux cas le poste le plus élevé avec l’approbation de Netanyahou, avant de se lancer en politique.

Gantz avait été nommé chef d’état-major de l’armée israélienne en 2011, de préférence à Yoav Gallant, l’actuel ministre de la Défense, dont la nomination était attendue. Il a dirigé les FDI pendant les assauts meurtriers contre Gaza en 2012, qui ont tué 177 Palestiniens, tandis que l’assaut de 50 jours en 2014 a coûté la vie à près de 2.200 Palestiniens, en grande majorité des civils, et a détruit une grande partie de l’infrastructure de l’enclave. Il s’est vanté de ramener Gaza à «l’âge de pierre» et de pulvériser des quartiers entiers, ce qu’il a répété dans des spots publicitaires pendant sa campagne électorale de 2019. Il a été ministre de la Défense et vice-premier ministre sous Netanyahou, lorsqu’il a présidé la guerre israélienne de 11 jours contre Gaza en mai 2021, qui a tué plus de 250 Palestiniens, dont au moins 66 enfants et 41 femmes.

Le chef d'état-major général, le lieutenant-général Benny Gantz, visite des bases de Tsahal dans le cadre de l’opération «Brother's Keeper». [Photo by Israel Defense Forces / Flickr / CC BY 2.0]

Quant à Eisenkot, il a succédé à Gantz en tant que chef d’état-major des FDI en 2015, jusqu’en 2019. Il est l’auteur de la tristement célèbre doctrine Dahiya, nommée d’après la banlieue de Beyrouth qu’Israël a pulvérisée lors de sa guerre de 2006 contre le Liban. Cette doctrine décrit «ce qui arrivera» à tout ennemi qui ose attaquer Israël: une attaque de représailles aveugle et disproportionnée.

Il a déclaré en 2008: «Ce qui s’est passé dans le quartier de Dahiya à Beyrouth en 2006 se produira dans tous les villages d’où Israël essuie des tirs», ajoutant: «Nous appliquerons une force disproportionnée contre [le village] et y causerons des dommages et des destructions considérables. De notre point de vue, il ne s’agit pas de villages civils, mais de bases militaires.»

C’est cette doctrine qui guide aujourd’hui l’assaut sur Gaza, le massacre de civils innocents et la destruction d’écoles, d’hôpitaux et d’autres services et infrastructures publics.

La direction du mouvement d’opposition par Gantz et Eisenkot

Le rôle méprisable joué par Gantz et Eisenkot pour soutenir le régime de Netanyahou dans sa guerre contre Gaza n’a pas surpris le World Socialist Web Site. Comme l’a expliqué le WSWS, ces dirigeants de l’opposition, soutenus par l’industrie israélienne qui a payé la production de masse et la distribution du drapeau israélien pour les manifestations, ne se sont jamais préoccupés des droits démocratiques des citoyens israéliens. Ils ont insisté sur la loyauté à l’égard de l’État sioniste et ont empêché tout contact avec les citoyens palestiniens d’Israël, sans parler des Palestiniens des territoires occupés qui sont soumis à un régime militaire arbitraire, et ont interdit les drapeaux palestiniens lors de leurs manifestations. Ils n’ont pas tenté de faire tomber le gouvernement, malgré les sondages qui montrent l’opposition écrasante au gouvernement Netanyahou.

Leur préoccupation n’est pas la «démocratie», mais le fait que Netanyahou «déstabilise Israël et risque de le discréditer politiquement, dans des conditions où Israël est une poudrière sociale et politique et où l’ensemble du Moyen-Orient est déstabilisé par l’aggravation de la crise économique mondiale, la pandémie, le changement climatique et les plans menés par les États-Unis pour intensifier la guerre contre la Russie en Ukraine et ses alliés régionaux, l’Iran et la Syrie, dans lesquels Tel-Aviv jour le rôle de principal chien d’attaque».

Des Israéliens opposés au plan de refonte judiciaire du premier ministre Benjamin Netanyahou dressent des feux de joie et bloquent une autoroute lors d’une manifestation quelques instants après que le dirigeant israélien a limogé son ministre de la Défense, à Tel-Aviv, Israël, dimanche 26 mars 2023. [AP Photo/Ohad Zwigenberg]

Malgré tout le soutien de l’opposition au système judiciaire contre Netanyahou, à aucun moment les hauts responsables de l’application de la loi en Israël, y compris les juges de la Haute Cour, le procureur général et le procureur de l’État, n’ont pris de mesures contre les hauts responsables politiques et les fonctionnaires pour leurs déclarations d’intention génocidaire. Ils n’ont pas non plus enquêté sur les crimes de guerre commis par les FDI ni demandé l’arrêt de la guerre à la suite de la décision de la Cour internationale de justice selon laquelle il existait des motifs plausibles de croire qu’Israël commettait un génocide à Gaza et qu’Israël devait activement assurer la protection de la vie et des besoins fondamentaux des civils dans le cadre de toute opération à Rafah.

La terrible expérience des huit derniers mois a confirmé qu’il est impossible d’avoir une démocratie dans un État fondé sur les droits d’un peuple aux dépens d’un autre et sur l’expulsion forcée et la répression brutale des Palestiniens. Le résultat final du projet sioniste a été la croissance de forces fascistes en Israël qui ont ouvert la voie à la guerre et au génocide.

La guerre d’Israël contre Gaza, soutenue par les États-Unis et les puissances impérialistes, est le deuxième front d’une guerre plus large pour l’hégémonie contre l’Iran, la Russie et la Chine, pour laquelle les travailleurs et la jeunesse israéliens paieront de leur vie. C’est impossible de mettre fin à la guerre sans rejeter le projet sioniste et sans prendre position contre le nationalisme et le capitalisme dont il dépend.

Cela signifie adopter une stratégie socialiste basée sur l’unification révolutionnaire des travailleurs juifs et arabes dans une lutte commune – à commencer par les travailleurs d’Israël qui se battent pour la défense des Palestiniens et pas seulement des otages – contre la bourgeoisie israélienne et l’impérialisme et ses autres marionnettes régionales, en se faisant les champions d’un État binational et socialiste.

Une telle lutte ne peut être menée qu'à l'échelle internationale. Des partis trotskistes doivent être créés dans toute la région afin d'unir les masses laborieuses sous la bannière des États socialistes unis du Moyen-Orient, dans le cadre de la révolution socialiste mondiale. Cette lutte doit être consciemment liée aux luttes montantes des travailleurs dans les pays capitalistes avancés, dont beaucoup comptent d'importantes populations de travailleurs arabes du Moyen-Orient.

(Article paru en anglais le 17 juin 2024)

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