Grande-Bretagne : le programme d'austérité pro-patronat du Parti travailliste annonce une escalade de la lutte des classes

La classe ouvrière est confrontée à la plus grande attaque contre son niveau de vie de l’histoire d’après-guerre, quel que soit le gouvernement qui entrera en fonction après les élections législatives britanniques du 4 juillet.

La polarisation sociale est telle que le Labour (Parti travailliste), qui devrait remporter les élections après 14 ans de règne conservateur, a prétendu qu'il n'y aurait plus d'austérité s'il arrivait au pouvoir.

Lorsque Shelagh Fogarty de LBC Radio lui a demandé lundi s'il était capable de dire : «Je vous le dis clairement: pas de coupes dans les services publics», Starmer a répondu: «Je sais à quoi cela ressemble, je connais l'impact, l'impact dévastateur que cela avait, a eu et continue d’avoir. Alors nous n’allons pas de nouveau recourir à l'austérité.»

Sir Keir Starmer, chef du Labour (à gauche), Rachel Reeves, ministre des Finances fantôme (à droite) et Jonathan Reynolds, secrétaire d'État fantôme aux Affaires et au Commerce, avant de rencontrer des dirigeants de grandes entreprises mondiales à Londres, le 27 novembre 2023 [Photo by Keir Starmer Flickr / CC BY-NC-ND 2.0]

Il a ajouté: «Nous devrons prendre des décisions difficiles.» Ce furent les seuls mots vrais prononcés par Starmer. Et ils signifient des coupes sévères dans les services publics.

Starmer et sa ministre des Finances fantôme Rachel Reeves ont insisté ces quatre dernières années pour dire que le Labour serait le gouvernement le plus pro-patronat de l'histoire, ce qui veut dire qu'il se consacrera à attaquer la classe ouvrière et à sabrer les dépenses publiques.

En 2022, Reeves a déclaré qu’un futur gouvernement travailliste n’emprunterait que pour investir, et non pour financer une extension des services publics. Intervenant lors d'un événement du groupe de réflexion Resolution Foundation, elle a déclaré: «J'ai défini les règles budgétaires qui lieront le prochain gouvernement travailliste. Des règles que je respecterai avec une discipline de fer. » Les travaillistes allaient donner la priorité à la réduction de la dette nationale en tant que part de l’économie. La dette nationale s’élevait alors à 2 445,2 milliards de livres, soit 100,2 pour cent du PIB. Elle est toujours presque aussi haute .

Starmer a promis qu’un gouvernement travailliste n’ouvrirait pas le robinet des dépenses (décembre 2023) ni ne recourrait au «gros chéquier du gouvernement» (janvier 2024).

Les travaillistes font maintenant campagne en promettant, comme les conservateurs, de ne pas augmenter les impôts des plus riches. Cela s’accompagne de promesses des deux partis d’augmenter les dépenses militaires – des 2,3 pour cent du PIB actuels à 2,5 pour cent – ce qui représente un coût supplémentaire de plusieurs dizaines de milliards de livres. Sans hausses d’impôts pour le financer, on prépare pour financer une guerre sur plusieurs fronts une gigantesque attaque contre les emplois, les salaires et les conditions de vie de la classe ouvrière.

Après 15 années d'austérité qui ont plongé 14,4 millions de personnes (près d'un quart de la population) dans la pauvreté, certains travailleurs ont peut-être l’espoir que la situation ne pourra être pire avec un gouvernement dirigé par Starmer.

Mais elle pourra être pire; et vu l’engagement du Labour à ne pas augmenter les impôts ne serait-ce que d’un seul centime tout en inondant l’armée d’argent, les choses deviendront bien pire.

Ce qui se prépare est décrit dans des études publiées le mois dernier, notamment par le groupe de réflexion Institute for Government (IfG). Le rapport sur 'L’état précaire de l’État' note que «la plupart des services publics fonctionnent moins bien qu’avant les élections de 2019 – et de façon bien pire qu’en 2010».

Parmi ses conclusions, celle-ci: «Les performances hospitalières sont sans doute les pires de l'histoire du NHS [Service national de Santé]: les délais d'attente ont été les plus longs jamais enregistrés et les objectifs en matière de soins électifs, des urgences et de traitement du cancer n'ont pas été atteints depuis 2016 ; et 1,5 millions de personnes ont attendu plus de 12 heures dans les urgences en 2023/2024, soit plus du triple du nombre de 2019.»

«Les gens ont du mal à accéder à la médecine générale, même si les rendez-vous sont plus nombreux que jamais. Le nombre de patients par médecin généraliste a augmenté de 18 pour cent depuis 2015», indique le rapport.

Les municipalités britanniques ont été frappés par des coupes de financement vertigineuses depuis 2008, perdant 40 pour cent des finances leur venant du gouvernement central. L’IfG note: «Bien que cela ait été partiellement compensé par la hausse des taxes municipales et les récentes (mineures) augmentations des subventions, le pouvoir d’achat des autorités locales est encore d’environ 10 pour cent inférieur en 2024/2025 à ce qu’il était au début de la dernière décennie.

En effet, les municipalités étaient « confrontées à une demande toujours croissante liée à la croissance démographique globale, à un plus grand nombre de personnes âgées de plus de 65 ans et à des niveaux de pauvreté croissants», résultat délibéré de mesures d'austérité draconiennes.

Pour «équilibrer leurs comptes», il avait fallu «réduire les dépenses consacrées à des services plus préventifs ou universels. Par exemple, les autorités locales ont réduit les dépenses consacrées aux services à la jeunesse et aux centres pour enfants de plus des trois quarts (77,9%) en termes réels entre 2009/2010 et 2022/2023.

L’IfG relève un résultat terrible de cette attaque contre la classe ouvrière: «Il est frappant de voir qu’en 2022/2023, il y avait 730 000 enfants de plus vivant dans la pauvreté qu’en 2010/2011.»

Les coupes budgétaires, aggravées par les magouilles financières, comme la spéculation immobilière généralisée menée par les municipalités de tous bords politiques, ont entraîné la faillite d'un nombre croissant de municipalités, y compris celle de Birmingham dirigée par les travaillistes, la plus importante du pays.

L'IFG écrit: «Ces six dernières années, les autorités locales ont déposé six fois plus de notifications en vertu de l'article 114 (‘faillite’) qu'au cours des trois décennies précédentes, ce qui a obligé à des coupes dans des services-clés. Les habitants de ces localités sont confrontés à des factures de taxes municipales croissantes et à des services fortement réduits: bibliothèques, collecte des déchets et services sociaux pour adultes et enfants ».

Commentant le fait que ni les conservateurs ni les travaillistes ne proposent quoi que ce soit pour faire face à une crise sociale qui s'aggrave fortement, l' IfG déclare: «Les budgets de dépenses actuels sont invraisemblables. Ils supposent de nouvelles coupes dans un système de justice pénale à genoux, des changements minimes dans les écoles ou le gouvernement local, et seulement de légères augmentations dans un service de santé ayant souffert d'une décennie de financement insuffisant.»

L'étude fait suite au rapport publié ce mois-ci par la Resolution Foundation, qui avertissait qu'en l'absence d'augmentation substantielle des impôts par le nouveau gouvernement, la seule alternative était de tailler davantage dans les dépenses publiques.

Les budgets du NHS et de l’éducation sont apparemment «sanctuarisés» par rapport aux coupes budgétaires, mais la réalité est qu’ils sont toujours plafonnés à un niveau qui signifie qu’ils sont incapables de fournir les services requis face à la demande. De plus, le NHS doit réaliser des économies annuelles d’efficacité et de productivité (actuellement 6 pour cent).

Le Guardian écrit qu’une telle sanctuarisation entraînerait sous le prochain gouvernement « des réductions de dépenses par personne, ajustées à l’inflation, dans les services non protégés – tels que la justice, le ministère de l’Intérieur et les municipalités – de 13 pour cent entre 2024-2025 et 2028-2029». Des réductions de cette ampleur – équivalentes à 19 milliards de livres sterling – reviendraient à répéter près des trois quarts des coupes réalisées durant la législature 2010-2015 ».

Le gouvernement au pouvoir à l’époque était la coalition Conservateurs /libéraux-démocrates qui imposa ce que le Premier ministre conservateur David Cameron appelait une «ère d’austérité». Starmer est juste plus grand menteur que Cameron lorsqu’il nie que son gouvernement sera, lui aussi, un gouvernement d’austérité.

Starmer a fait d’un budget de Sécurité nationale qui allait rendre l'armée « apte à combattre» (article en anglais) sa «priorité numéro un». Il a été mis en garde par le Financial Times dans un éditorial du 22 mai, le jour où Sunak a annoncé les élections, insistant sur le fait que les conservateurs et les travaillistes devaient dire la vérité et «expliquer comment ils entendent résoudre les pressions sur le NHS et les services sociaux, les écoles et les universités, la police et les tribunaux, les gouvernements locaux, ainsi que sur la défense – surtout compte tenu des réductions de dépenses qu’impliquent les projections budgétaires actuelles. Le FMI [Fonds monétaire international] a averti cette semaine que les dépenses seraient inévitablement plus élevées, avec un déficit de près de 30 milliards de livres sterling dans les finances publiques à l’horizon.»

Le Socialist Equality Party ( SEP – Parti de l'égalité socialiste) présente Thomas Scripps, secrétaire national adjoint du SEP et journaliste du WSWS, comme candidat à l’élection contre Starmer dans la circonscription de Holborn et St Pancras à Londres. Il encouragera vivement les travailleurs et les jeunes à préparer une lutte politique contre un gouvernement travailliste d'austérité et de guerre et à lutter pour une alternative socialiste.

(Article paru en anglais le 12 juin 2024)

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