Le lundi 3 juin, le gouvernement ukrainien a interdit le World Socialist Web Site dans tout le pays, ordonnant à tous les fournisseurs d'accès à Internet de bloquer indéfiniment l'accès au WSWS.
C’est le Service spécial de communication de l'État ukrainien (SSSCIP), qui fait partie de l'appareil de renseignement militaire du pays, qui a émis cet ordre. Il ordonne aux «fournisseurs de réseaux et/ou de services de communication électronique de mettre en œuvre une restriction d'accès (blocage de l'accès) sur leurs propres serveurs DNS récursifs au nom de domaine (ainsi qu'à ses sous-domaines) wsws.org».
L'ordre n'a pas de date limite et durera « jusqu'à la fin ou l'abolition de la loi martiale en Ukraine ». Le SSSCIP affirme que l'interdiction est justifiée en vertu de la déclaration de loi martiale du président Vladimir Zelensky du 24 février 2022, qui a suspendu les droits démocratiques dans tout le pays.
L'ordonnance interdisant l'accès au World Socialist Web Site révèle que toutes les affirmations selon lesquelles la guerre menée par les États-Unis en Ukraine est menée au nom de la «démocratie» sont des mensonges. Hier, le président américain Joe Biden s'est exprimé lors d'une commémoration du jour J en Normandie et a présenté la guerre comme «une lutte entre la dictature et la liberté». En réalité, l'Ukraine est une dictature dont le gouvernement dépend politiquement de fascistes qui idolâtrent l'Holocauste. Le gouvernement persécute brutalement les opposants à sa guerre et réprime de manière flagrante la liberté d'expression.
La décision d'interdire le WSWS est une réponse à l'effusion de soutien en Ukraine et à l'étranger pour Bogdan Syrotiuk, un internationaliste socialiste de 25 ans qui a été arrêté par le régime de Zelensky le 25 avril sur la base d'accusations forgées de toutes pièces de «haute trahison», pour avoir écrit des articles pour le WSWS, que les procureurs du SBU (l'agence de renseignement intérieure ukrainienne) prétendent faussement être de la «propagande russe». Syrotiuk et l'organisation à laquelle il appartient, la Jeune Garde des bolcheviks-léninistes (initiales anglaises YGBL), sont trotskystes et adversaires invétérés, tant de la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie, que du gouvernement capitaliste de Vladimir Poutine.
Il existe des preuves indiéniables que la décision du gouvernement ukrainien d'interdire le WSWS a été prise en consultation avec l'administration Biden.
Le Service spécial des communications de l'État ukrainien – l'institution à l'origine de l'ordre d'interdiction du WSWS – est un partenaire de longue date du gouvernement des États-Unis. En juillet 2022, l'agence américaine pour la cybersécurité et la sécurité des infrastructures (CISA, une composante du ministère de la Sécurité intérieure) a signé un accord avec le SSSCIP «pour renforcer la collaboration sur les priorités communes en matière de cybersécurité», qui «développe les relations existantes entre la CISA et le gouvernement ukrainien». Jen Easterly, directrice de la CISA, a déclaré que l'accord «nous a permis de nous concentrer sur la manière de partager efficacement les informations, les meilleures pratiques, de nous exercer et de nous entraîner ensemble, et de trouver des moyens de traquer les activités des adversaires».
Dans les documents décrivant les fausses accusations contre Syrotiuk, le gouvernement ukrainien fait référence à une «enquête» sur le WSWS menée par le Centre de lutte contre la désinformation (CCD), une branche du Conseil de sécurité et de défense de l'Ukraine. Selon les documents de l’accusation, le CCD a mené une «analyse des publications publiées sur la ressource WSWS.org ... selon laquelle fut établie l'essence des dommages causés par [Syrotiuk] à la sécurité de l'information de l'Ukraine».
Il n'y a pas la moindre preuve pour étayer l'affirmation que Syrotiuk ou le WSWS sont des partisans du gouvernement russe. Au contraire, les documents d’accusation reposent entièrement sur des articles de Syrotiuk et du WSWS dénonçant la guerre entre les États-Unis et l'OTAN, mettant en évidence le rôle des fascistes au sein du gouvernement ukrainien, mettant en garde contre le danger d'une escalade nucléaire et appelant à l'unité de la classe ouvrière russe et ukrainienne contre les deux gouvernements. Parmi les «preuves» citées par les autorités ukrainiennes qui démontreraient la culpabilité de Syrotiuk, il y a de la littérature trouvée dans son appartement, rédigée par Vladimir I. Lénine, Léon Trotsky et le président du comité de rédaction international du WSWS, David North.
Le Centre de lutte contre la désinformation a également les liens les plus étroits avec l'impérialisme américain et britannique. Selon un article d'octobre 2022 de Global Risk Insights:
Le Centre ukrainien de lutte contre la désinformation ... est né d'initiatives menées ... par le Bureau des initiatives de transition (OTI) du département d'État. L'Initiative de renforcement de la confiance en Ukraine II de l'OTI s'est associée à une large coalition comprenant l'organisation sœur [du Centre d'engagement mondial du département d'État américain], l'USAGM [US Agency for Global Media], ainsi que le Foreign Commonwealth and Development Office du Royaume-Uni. Cet effort a permis à l'Ukraine de ‘mettre en place’ ses départements de lutte contre la désinformation près d'un an avant l'invasion russe.
Le commandement central du Pentagone a notamment publié un rapport plus tôt cette année faisant référence aux efforts à venir de l'Agence américaine pour les médias mondiaux afin de mener des «études de marché et des enquêtes nationales» et déterminer le pouvoir de la «désinformation» en Ukraine et dans le monde. Selon le Pentagone, « les méthodes de recherche des projets comprennent des groupes de discussion, des panels de surveillance des médias et des enquêtes nationales » pour « examiner l'impact » des sentiments anti-guerre en Ukraine, qu'ils qualifient de produit de la « désinformation ».
Cette recherche a été menée de «mars à mai 2024», la période qui comprend l'arrestation de Syrotiuk et qui a immédiatement conduit à la décision d'interdire le WSWS. Cette période a vu une augmentation substantielle de l'opposition à la guerre contre la Russie en Ukraine, dont les autorités craignent qu’elle coïncide avec une augmentation du lectorat du WSWS et une prise de conscience et opposition croissantes aux poursuites contre Syrotiuk.
Dans une déclaration publiée le 30 avril après l'arrestation de Syrotiuk, le président du comité de rédaction international du WSWS, David North, a expliqué:
L'arrestation de Bogdan est le dernier exemple en date de la répression brutale par le régime Zelensky des mouvements de gauche, dont l'opposition à la guerre trouve un écho croissant dans la classe ouvrière ukrainienne.
Les efforts du gouvernement ukrainien pour dépeindre Syrotiuk et le WSWS comme pro-Poutine «sont politiquement absurdes», écrit North.
En solidarité politique avec le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), la YGBL s'oppose aux régimes capitalistes oligarchiques d’Ukraine et de Russie. Dans de nombreux articles publiés sur le World Socialist Web Site et dans des discours prononcés lors de réunions du CIQI, Bogdan a condamné sans équivoque la guerre et appelé à l'unité de la classe ouvrière ukrainienne et russe contre les régimes chauvins réactionnaires de Kiev et de Moscou. Ses camarades en Russie s'opposent sans équivoque au régime capitaliste restauré de Poutine et à sa glorification délirante du nationalisme néo-tsariste russe.
La campagne pour la libération de Syrotiuk a attiré une grande attention internationale et le Comité international a créé un comité de défense pour coordonner la campagne mondiale exigeant sa libération. Une vidéo publiée sur Twitter/X par North a été visionnée plus de 150 000 fois, et des milliers de personnes du monde entier ont signé la pétition exigeant la libération de Syrotiuk. Des artistes, des groupes politiques, des journalistes et des personnalités publiques du monde entier ont appelé le gouvernement ukrainien à libérer Syrotiuk et à abandonner toutes les charges retenues contre lui.
Le WSWS exhorte tous les lecteurs à signer et à faire circuler la pétition exigeant la libération de Syrotiuk (au https://www.wsws.org/fr/special/pages/freebogdan.html), à contacter le WSWS et à s'engager activement dans la campagne pour s'opposer à l'assaut croissant contre la liberté d'expression, et à publier des déclarations condamnant les poursuites et la décision d'interdire le WSWS.
(Article publié en anglais le 7 juin 2024)