Perspective

Le gouvernement Biden intensifie la guerre économique contre la Chine

Le gouvernement Biden a augmenté les droits de douane sur les véhicules électriques chinois importés de 25  à 100 pour cent et les a augmentés sur une série d’autres produits dans le cadre d’une guerre économique qui s’intensifie contre Pékin.

En annonçant ces mesures dans la roseraie, Joe Biden a tenté de les présenter comme favorables aux travailleurs. Mais le fait qu’il ait été présenté par Jessie Gray, le dirigeant d’une grande entreprise d’aluminium, l’un des principaux bénéficiaires, en dit long sur le contenu de son programme tarifaire.

Port de Los Angeles, 26 janvier 2024

Les droits de douane ont pour effet d’imposer une taxe aux consommateurs afin d’accroître les bénéfices des entreprises. Lorsque Trump a introduit des mesures tarifaires, Biden les a condamnées en les qualifiant de régressives. Aujourd’hui, non seulement il accepte les tarifs douaniers de Trump, mais il les étend et les intensifie dans le cadre d’une offensive militaire et économique mondiale qui vise la Chine, la Russie et l’Iran.

Biden a condamné les exportations chinoises pour toute une série de produits, estimant qu’elles dépassaient ce que le monde pouvait absorber à des «prix injustement bas». Rien ne pourrait révéler plus clairement l’irrationalité totale du système capitaliste que le fait que la production de biens moins chers en plus grande quantité – augmentant ainsi la richesse matérielle et faisant progresser les mesures de lutte contre le changement climatique –, constitue un danger.

L’augmentation des droits de douane sur les VE a fait la une des journaux, mais d’autres mesures, imposées en vertu de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974 couvrant la «sécurité nationale» et qui visent des marchandises d’une valeur d’environ 18 milliards de dollars, s’étendent à d’autres secteurs clés de l’économie.

Le taux sur un certain nombre de produits en acier et en aluminium passera de 7,5 à 25 pour cent. Le taux sur les semi-conducteurs passera de 25 à 50 pour cent. Le taux sur les batteries lithium-ion utilisées dans la production de véhicules électriques et dans d’autres domaines passera également à 25 pour cent, de même que le taux sur le graphite et d’autres minéraux critiques. Le taux tarifaire sur les cellules solaires passera de 25 à 50 pour cent.

Au-delà des domaines de la haute technologie et des technologies vertes, un nouveau droit de douane de 25 pour cent sera introduit sur les grues de navire à quai. Les droits de douane sur les aiguilles et les seringues passeront de 0 à 50 pour cent, de même que l’augmentation des droits de douane sur les masques faciaux et les gants médicaux et chirurgicaux en caoutchouc, qui passeront de 7,5 à 25 pour cent.

Les préoccupations en matière de «sécurité nationale» – essentiellement la préparation à la guerre – ont été soulignées dans le communiqué de la Maison-Blanche annonçant les mesures visant la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques.

Malgré les progrès réalisés par les États-Unis en matière de délocalisation, la Chine «possède actuellement plus de 80 pour cent de certains segments de la chaîne d’approvisionnement en batteries pour véhicules électriques» et «la concentration des capacités d’extraction et de raffinage de minerais essentiels en Chine rend nos chaînes d’approvisionnement vulnérables et met en péril notre sécurité nationale et nos objectifs en matière d’énergie propre».

La référence à l’«énergie propre» est une véritable escroquerie. Les nouvelles mesures tarifaires, dont l’objectif consiste à faire monter les prix, auront pour effet de rendre la transition vers les énergies vertes plus coûteuses et donc de la ralentir.

Le mantra qui a accompagné chaque annonce de droits de douane était qu'ils étaient une réponse aux «pratiques commerciales déloyales» de la Chine et à l'inondation des marchés mondiaux par des exportations à bas prix, résultat des transferts de technologie et d’interventions sur le marché, une référence aux subventions de l'État.

La véritable raison est ailleurs et a été soulignée dans la déclaration de la Maison-Blanche, qui a déclaré que les investissements financés par l’Inflation Reduction Act et le CHIPS and Science Act créaient de nouveaux emplois dans l’industrie manufacturière et les énergies propres et «aidaient les communautés qui ont été laissées pour compte à revenir sur le devant de la scène».

Le gouvernement Biden ne se préoccupe pas des «communautés», mais des entreprises américaines qui ont pris du retard sur leurs rivales en matière de développement technologique et de méthodes de production plus efficaces, ainsi que des conséquences de cela sur leurs capacités à faire la guerre.

Comme la note le Financial Times dans son reportage, les hausses tarifaires sont «soigneusement ciblées sur des secteurs stratégiques» et visent à «faire gagner du temps aux entreprises américaines pour qu’elles rattrapent leurs rivales chinoises».

L’une des principales raisons de leur retard est que l’accumulation des profits est de plus en plus axée sur la financiarisation parasitaire, souvent par le biais de rachats massifs d’actions, plutôt que sur le développement des forces productives.

Le résultat est que la suprématie économique des États-Unis a été sévèrement érodée, ce à quoi l’État impérialiste répond dans le domaine où il jouit d’une suprématie continue: l’utilisation de moyens militaires.

C’est la raison pour laquelle l’accent est mis sur les «secteurs stratégiques», en particulier la technologie informatique, qui est vitale pour le fonctionnement et l’amélioration de la machine de guerre impérialiste.

La guerre économique contre la Chine, combinée à des provocations politiques et militaires centrées sur Taïwan et la mer de Chine méridionale, est menée en prétendant que les mesures tarifaires sont nécessaires pour protéger les intérêts des travailleurs américains.

La bureaucratie syndicale joue un rôle essentiel dans la promotion de cette fiction, et il est significatif qu’un certain nombre de responsables syndicaux fussent présents lorsque Biden a fait son annonce dans la roseraie.

Se félicitant des tarifs douaniers, le président international du syndicat des Métallurgistes unis, David McCall, a déclaré: «Les mauvaises politiques commerciales chinoises ont eu un impact négatif considérable sur nos membres.»

Le syndicat United Auto Workers, qui a donné son appui à Biden pour la présidence des États-Unis, a déclaré que l’augmentation des droits de douane garantirait que «la transition vers les véhicules électriques soit une transition juste».

En réalité, les mesures prises par les constructeurs automobiles américains s’accompagnent de suppressions d’emplois et d’une intensification de l’exploitation, et ce n’est pas fini.

Et il y a un programme plus large à l’œuvre, comme la bureaucratie syndicale le sait bien : le renforcement des capacités militaires de l’impérialisme américain. Le président de l’UAW, Shawn Fain, invoque à plusieurs reprises l’expression «Arsenal de la démocratie» pour caractériser les syndicats, rappelant le rôle qu’ils ont joué dans les années 1930 en appliquant l’engagement de ne pas faire grève et en soutenant l’emprisonnement des socialistes.

L’invocation de cette histoire réactionnaire montre clairement qu’ils sont plus que prêts à répéter ce rôle dans la guerre qui se développe contre la Chine.

Les mesures tarifaires de Biden auront de vastes ramifications internationales.

En Europe, où les VE et d’autres produits de haute technologie chinois sont exclus des marchés américains, le rapport que prépare actuellement la Commission européenne sur les exportations chinoises de VE et d’autres produits, au nom de la protection de la «sécurité nationale», et qui doit être publié dans quelques semaines, va presque à coup sûr intensifier les mesures de guerre économique.

En réponse aux mesures prises par Biden, le ministère chinois du Commerce a déclaré: «La Chine prendra des mesures résolues pour sauvegarder ses propres droits et intérêts. Les États-Unis devraient immédiatement corriger leurs actions erronées et annuler les mesures tarifaires supplémentaires prises à l’encontre de la Chine.»

Mais Beijing sait bien que de telles supplications tomberont dans l’oreille d’un sourd, car l’objectif de l’impérialisme américain est de paralyser la Chine, qu’il considère comme le principal obstacle à sa campagne de domination mondiale.

Du côté chinois, le développement des «nouvelles forces productives» est une question existentielle pour la stabilité du régime. La logique de ce conflit conduit donc non seulement à une intensification de la guerre économique, mais aussi, à terme, à un conflit militaire.

Le gouvernement Biden joue avec le feu. Dans une interview accordée à Bloomberg, la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a déclaré: «Avec un peu de chance, la réaction sera négligeable, mais l’inverse est toujours possible.»

En réponse à l’intensification des conflits économiques, qui ressemblent de plus en plus à ceux des années 1930, mais à un niveau encore plus élevé, des conflits qui avaient contribué à préparer le terrain pour la Seconde Guerre mondiale, la classe ouvrière doit lutter pour ses intérêts indépendants.

Cela nécessite une lutte politique pour un programme socialiste international contre les partis capitalistes et leurs auxiliaires, les bureaucraties syndicales, car c’est le seul moyen d’empêcher la plongée dans une nouvelle guerre mondiale, de laquelle le monde se rapproche par les mesures de guerre économique annoncées par le gouvernement Biden.

(Article paru en anglais le 15 mai 2024)

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