Emmanuel Macron a annoncé hier le remplacement du premier ministre Elisabeth Borne par l'ancien ministre de l'Education, Gabriel Attal. À 34 ans, Attal est devenu le plus jeune premier ministre depuis la fondation de l'actuelle Ve République française en 1958. Il doit désormais chercher à constituer un cabinet ministériel pour approbation par Macron.
Lundi, Borne a démissionné, indiquant qu'elle avait été poussée vers la sortie par l’Elysée. Elle a observé la «volonté» d'Emmanuel Macron de «nommer un nouveau premier ministre» et défendu les «réformes essentielles» de son mandat. C’était surtout la réforme des retraites massivement impopulaire et de grèves de masse brutalement réprimées par les forces de l’ordre et trahies par les bureaucraties syndicales corrompues.
Borne a écrit : «Alors qu'il me faut présenter la démission de mon gouvernement, je voulais vous dire combien j'ai été passionnée par cette mission, guidée par le souci constant, que nous partageons, d'aboutir à des résultats rapides et tangibles pour nos concitoyens».
L’annonce définitive de la nomination d’Attal par Macron n’est intervenue que mardi après-midi, sur fond de conflits amers au sein du gouvernement. Le ministre des Finances Bruno Le Maire, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le directeur de cabinet de l’Elysée Alexis Kohler et l’ex-remier ministre de Macron Edouard Philippe ont tous critiqué à Attal. «Bruno (Le Maire) et Gérald (Darmanin) ont hurlé», a dit un ministre anonyme à BFM-TV, tandis qu'un conseiller de Le Maire a dit qu'il «n'a pas envie de bosser pour un gamin de 34 ans».
Mardi matin, alors qu’il avait été cité comme Premier ministre potentiel, Attal a donc tenu une réunion avec les bureaucrates syndicaux de l'éducation qu'il avait précédemment annulée.
Après que Macron a finalement nommé Attal, cependant, l’Elysée a cyniquement prétendu que la présence d’un nouveau premier ministre permettrait une refonte opportune du programme de Macron. Macron, a déclaré au Monde l'un de ses conseillers, insère «un point-virgule, donnant le temps de souffler dans sa décennie de pouvoir, changeant de ton comme on le ferait dans une partition musicale ou dans un poème».
En réalité, en nommant Attal, Macron entend approfondir et accélérer le virage toujours plus ouvertement fascisant qu’il mène depuis sa réélection en 2022.
Borne est détestée pour avoir imposé la réforme des retraites sans vote parlementaire, en utilisant la disposition antidémocratique de l’article 49-3 de la Constitution. Depuis que le Macron a perdu sa majorité parlementaire en 2022, Borne a eu recours au 49-3 pas moins de 23 fois. Et depuis l’imposition de la réforme des retraites par Macron au printemps dernier, les grands médias ont spéculé toujours plus ouvertement que Macron pourrait remanier son gouvernement afin de se séparer de Borne.
Mais Borne a duré jusqu'à la crise provoquée au sein du parti de Macron par l'adoption en décembre de sa loi anti-immigration fascisante. Cette loi empêche les immigrés de bénéficier de prestations sociales, selon le principe de «préférence nationale» du Rassemblement national (RN) néo-fasciste de Marine Le Pen. Cette loi, qui a démasqué les prétentions de Macron à lutter contre le néo-fascisme, a conduit plusieurs membres de son parti à démissionner, dont l'ex-chef de cabinet de Borne, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.
Borne a aussi émis une note quelque peu discordante sur la loi sur l'immigration, affirmant être «humaniste» et rappelant son vécu de fille d'immigrés pour dire qu'elle veillerait à ce que la loi anti-immigration «respecte nos valeurs».
Le bilan de Borne est profondément réactionnaire, mais celui d'Attal et son soutien à la loi immigration semblent plus compatibles avec le virage ouvertement fascisant de Macron.
Attal, le produit d'une éducation d'élite à l'École alsacienne et à Sciences Po, n'avait que 26 ans lorsqu'il a suivi Macron, quittant le PS et rejoignant En Marche (rebaptisé Renaissance) en 2016. Après avoir été porte-parole du gouvernement, il a travaillé sur le projet de Macron d'imposer un service militaire national universel, puis, en tant que ministre du Budget, sur le programme d'austérité qui a conduit à la réforme des retraites l'année dernière. Il a finalement été nommé ministre de l'Education en juillet.
En tant que ministre de l'Education, Attal a imposé des mesures antidémocratiques telles que l'interdiction de l'abaya dans les écoles, des projets de ségrégation des classes en fonction des résultats scolaires à partir du collège et de réintroduction de l'uniforme.
Dans un discours bref et superficiel prononcé mardi, Attal a présenté un programme d'attaques contre la classe ouvrière. Il s'est engagé à «transformer notre économie», à «simplifier drastiquement la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs» et à mener une «action résolue envers notre jeunesse ».
Les responsables du RN, pour leur part, ont décrit Attal comme quelqu'un qui adopterait leur programme d'extrême droite au sein du gouvernement Macron. «Il est très malin. Il reste toujours calme, garde le sourire, parle comme nous sans jamais nous insulter et vient sur nos terres de manière beaucoup plus subtile que d’autres, ce qui rend le combat plus compliqué», a dit Jean-Philippe Tanguy, député RN pour la Somme, qui a ajouté: «On va le laisser montrer ses cartes et on donnera le coup de griffe quand il faudra.»
En effet, la nomination d'Attal par Macron est le produit de son virage vers l'extrême droite, surtout après la lutte pour les retraites en 2023. A présent, de larges couches de travailleurs et de jeunes en France savent que Macron gouverne par la violence policière contre le peuple. Ceci va de pair avec une augmentation massive des dépenses militaires, alors que Macron soutient la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine et le génocide mené par le régime israélien à Gaza.
Face à ces tensions de classe explosives, le gouvernement tente de détourner ces tensions selon des lignes raciales et ethniques avec des appels fascisants à la haine des immigrés. Il prévoit également d'adopter en grande partie l'agenda du RN alors qu'il se présente contre le RN aux élections européennes de cette année. Attal est bien placé pour mettre en œuvre ce programme réactionnaire au service des politiques de guerre impérialiste à l'extérieur et de guerre de classe à l'intérieur.
S'appuyant sur la répression policière et sur le soutien de bureaucrates syndicaux corrompus pour étrangler les luttes ouvrières, Macron dépend des pouvoirs exorbitants de la présidence exécutive française et d’un cercle de plus en plus étroit de serviteurs qui lui sont loyaux. Cela a créé les conditions d’une promotion rapide de jeunes réactionnaires pistonnés comme Attal.
La nomination d'Attal confirme une fois de plus les perspectives du Parti de l'égalité socialiste lors de la lutte pour les retraites. Les travailleurs et les jeunes ne peuvent rien négocier avec Macron, qui dirige un gouvernement fermement engagé sur la voie de la guerre impérialiste mondiale et de la dictature fascisante. La voie à suivre est la construction d'un mouvement politique des travailleurs et des jeunes, rejetant le nationalisme de l’élite dirigeante française et visant à faire chuter Macron et à transférer le pouvoir aux travailleurs.