Le regain de vie du Parti québécois: la classe dirigeante intensifie son chauvinisme anti-immigrants

Une section ultra-nationaliste de l’élite québécoise a lancé une campagne pour ressusciter le Parti québécois (PQ) qui a été pendant un demi-siècle (jusqu’en 2018) l'un des deux partis de gouvernement de la classe dirigeante au Québec, mais dont les vagues répétées de coupes budgétaires et d’attaques anti-ouvrières ont profondément miné la base électorale parmi les travailleurs.

Face à la remontée de la lutte des classes, exprimée en novembre dernier au Québec par une série de débrayages des 600.000 travailleurs du secteur public, des sections de la classe dirigeante cherchent à raviver le parti politique qui a historiquement servi à étouffer les luttes militantes de la classe ouvrière québécoise avec l’aide cruciale de son allié de longue date que constitue la bureaucratie syndicale.

Lors d’un rassemblement des travailleurs du secteur public organisé par le Front commun à l’occasion d’un débrayage de trois jours en novembre dernier, les chefs syndicaux posent avec le chef du PQ Paul St-Pierre Plamondon, et la députée du parti libéral Marwa Rizqy, les représentants de deux partis ayant imposé des coupures drastiques dans le secteur public à l’aide notamment de lois spéciales anti-grèves. Deux députés de Québec Solidaire, le parti soi-disant de «gauche», sont aussi présents.

Même si le PQ a seulement quatre députés, son chef, Paul St-Pierre Plamondon, reçoit une couverture abondante et favorable dans les grands médias, en particulier dans les tabloïds de droite comme le Journal de Montréal que contrôle le magnat des médias et ancien chef du PQ, Pierre Karl Péladeau.

Cette campagne de presse vient d’en haut, mais a un certain impact. Le PQ a remporté l’élection partielle de la circonscription de Jean-Talon au début octobre et arrive maintenant en tête dans les intentions de vote selon plusieurs sondages, alors que les autres partis d’opposition font du surplace.

Le chef péquiste cherche à raviver le projet réactionnaire de l'indépendance du Québec en plaçant au centre de son discours des appels identitaires autour de la «défense du français» et la promotion du chauvinisme anti-immigrants le plus grossier. Il suit ainsi les traces de Marine Le Pen en France, l’extrémiste de droite Geert Wilders aux Pays-Bas et l’ancien président américain Donald Trump.

St-Pierre Plamondon déplore dans un récent communiqué les «perturbations sociales» associées à une «crise du logement» et une «crise au niveau des services essentiels». Mais il jette le blâme, non pas sur l’aggravation des inégalités sociales causée par le capitalisme prédateur, mais sur les «seuils astronomiques [d'immigration] du fédéral», les «modifications des règles aux aéroports pour faciliter les demandes d’asile» et «la mollesse» de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

Dans son communiqué xénophobe, le chef du PQ associe également l’immigration à la «crise du français», ce qui souligne la continuité entre sa récente intervention et l’agitation de plus en plus virulente menée par les forces nationalistes pour dépeindre une «nation québécoise» qui serait «en péril». Un acteur clé de cette agitation est le Journal de Montréal qui a lancé en mai dernier une campagne hystérique autour d’un supposé «complot» du gouvernement fédéral pour noyer la «nation québécoise» dans une masse d’immigration anglophone.

Le chef péquiste se place à la droite de la CAQ du premier ministre québécois François Legault, qui a fait de l’agitation anti-immigrants un élément central de sa politique. Quant au gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau, loin d’être «trop ouvert» à l'immigration selon les accusations démagogiques du PQ, il a fermé plus tôt cette année le chemin Roxham qui était la principale porte d'entrée des demandeurs d'asile au Canada.

Si le venin anti-immigrants de St-Pierre Plamondon et des tabloïds de Péladeau donne aujourd’hui le ton à toute la politique bourgeoise dans la province, c'est qu'il est le produit d'un long tournant à droite de toute la classe dirigeante québécoise – le faux scandale de 2006-07 autour de supposés «accommodements déraisonnables» au profit des minorités ethniques; la défunte «Charte des valeurs québécoises» du PQ; la loi 62 du parti libéral qui ciblait les femmes musulmanes; et les lois chauvines 9 et 21 de la CAQ qui visent également les immigrants et les minorités religieuses.

Ces débats toxiques font partie des efforts de la classe dirigeante pour détourner la colère sociale causée par la faillite du capitalisme contre les immigrants. Ils ont été légitimités comme étant «nécessaires» par Québec Solidaire (QS), le parti de la pseudo-gauche qui défend les intérêts de couches aisées de la classe moyenne.

Ce tournant chauvin et anti-immigrants est loin d’être unique au Québec. Se sentant menacée par une remontée des luttes ouvrières, la classe dirigeante capitaliste attise partout la xénophobie et s’appuie de plus en plus sur des éléments fascistes. C’est le cas de Pierre Poilièvre au niveau fédéral, un ardent défenseur du Convoi de la «liberté» d’extrême-droite qui exigeait la levée de toutes les mesures restantes anti-COVID. C’est le cas aussi de Trump aux États-Unis qui a cherché à renverser le résultat des élections présidentielles de 2020 en mobilisant des bandes fascistes.

La «crise du logement» et la «crise au niveau des services essentiels» évoquées par le chef du PQ ont une cause commune: l’austérité capitaliste imposée par tous les paliers de gouvernement, peu importe l’étiquette politique du parti aux commandes.

Lorsqu'il était au pouvoir au début des années 1980, le PQ fut le pionnier de l'austérité au Québec, qu’il a imposée par des lois matraques anti-ouvrières. Dans les années 1990, au nom du «déficit-zéro» et en collaboration étroite avec la bureaucratie syndicale, le PQ a imposé des coupes sociales de plusieurs milliards en santé et en éducation, fermant des hôpitaux et éliminant des dizaines de milliers d’emplois au moyen de retraites anticipées.

Ces coupes ont été intensifiées par les gouvernements du parti libéral sous Charest et Couillard. La Coalition Avenir Québec s'apprête maintenant à imposer l'austérité «post-pandémique», comme en témoignent les hausses de salaire sous l'inflation qu'elle veut imposer aux plus de 600.000 travailleurs du secteur public. Le démantèlement des services publics a été accompagné de baisses d'impôts massives pour les riches et la grande entreprise, menant à un énorme transfert des richesses des poches de la classe ouvrière vers les mieux nantis.

Dans un document présentant le budget de «l'an 1» de la souveraineté, St-Pierre Plamondon prétend qu'il veut réinvestir les milliards qui seraient rapatriés par le gouvernement du Québec dans les «services dont la population a urgemment besoin».

Mais une lecture attentive du document montre ses vraies intentions. Il y dénonce la «taille de la bureaucratie» du fédéral et ses «dépenses idéologiques frivoles», des mots codes utilisés par les sections les plus ouvertement de droite de la classe dirigeante depuis des décennies pour justifier de nouvelles coupes sociales.

En politique étrangère, le PQ a toujours maintenu qu'un Québec indépendant ferait partie des coalitions militaires impérialistes comme NORAD et l'OTAN. Il a régulièrement appuyé les interventions néo-coloniales d'Ottawa à l’extérieur en reprenant son discours mensonger sur les «droits de l'homme», que ce soit en Afghanistan, en Ukraine ou dans l’offensive diplomatique et militaire du Canada contre la Chine en alliance avec Washington. Son parti frère sur la scène fédérale, tout comme le restant de l’establishment canadien, est complice dans le massacre perpétré par l’État israélien contre le peuple palestinien de Gaza.

Le regain de vie du PQ – après avoir frôlé l’extinction politique aux dernières élections provinciales à cause de son lourd bilan de droite qui l’a discrédité aux yeux des travailleurs – est dû avant tout à la bureaucratie syndicale qui a continuellement étouffé la lutte des classes et subordonné la classe ouvrière au PQ.

Lors de la grève étudiante de 2012, par exemple, les syndicats pro-capitalistes sont intervenus précisément au moment où cette grève gagnait de l’ampleur et risquait de déclencher un mouvement de toute la classe ouvrière contre l’austérité capitaliste pour la canaliser derrière la campagne électorale du PQ.

Un rôle crucial dans le regain de vie du PQ a aussi été joué par l’organisation de pseudo-gauche Québec Solidaire (QS). Sa raison d’être est de ressusciter le programme réactionnaire et discrédité de l’indépendance du Québec, c’est-à-dire la formation d’une république capitaliste du Québec. Son orientation n’est pas vers la classe ouvrière, mais vers la bureaucratie syndicale et les milieux souverainistes bourgeois – et en particulier vers le PQ, à qui QS a plusieurs fois offert des pactes électoraux sur la base frauduleuse que le nationalisme québécois est progressiste en soi.

En réalité, le nationalisme québécois possède un caractère intrinsèquement réactionnaire. Il est devenu aujourd’hui l’incubateur d’idéologies et forces d’extrême-droite alors que la classe dirigeante se prépare à «sauver» le capitalisme en faillite au moyen de la violence contre-révolutionnaire.

Maintenant que les travailleurs entrent à nouveau dans des luttes de masse, il est crucial qu'ils tracent un bilan définitif du caractère droitier, chauvin et pro-impérialiste du Parti québécois. La campagne pour redonner un souffle politique à ce parti vise à diviser la classe ouvrière québécoise sur des lignes ethno-linguistiques et à l’isoler de ses frères et sœurs de classe dans le restant du Canada, aux États-Unis et outremer.

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