La détresse des travailleurs thaïlandais en Israël

Alors qu’Israël se prépare à intensifier sa guerre génocidaire contre les Palestiniens, des dizaines de milliers de travailleurs étrangers exploités en Israël n’ont pas pu partir. Avant le conflit, le groupe national le plus important parmi environ 124 000 travailleurs étrangers était constitué d'environ 30 000 travailleurs agricoles thaïlandais issus du nord-est appauvri de la Thaïlande.

Des ressortissants thaïlandais quittent l'hôpital Shamir à Ramle, en Israël, le mercredi 29 novembre 2023, en route vers la Thaïlande, après avoir été libérés de la détention du Hamas. [AP Photo/Maya Levin]

Beaucoup étaient employés dans des communautés agricoles israéliennes ou dans des kibboutz proches de la bande de Gaza, où sont cultivés 75 pour cent des légumes israéliens. Lors du premier soulèvement palestinien du Hamas, le 7 octobre, dans la banlieue de Gaza, environ 240 otages ont été capturés, dont au moins 32 travailleurs thaïlandais. Au 27 novembre, 17 citoyens thaïlandais avaient été libérés tandis que 15 autres étaient toujours otages. En plus, 32 Thaïlandais ont été tués.

La responsabilité de ces morts et de ces otages incombe à Israël, qui opprime le peuple palestinien depuis 75 ans. Depuis 2007, Gaza n’est plus qu’une prison à ciel ouvert. Sous le régime fascisant de Netanyahu, Israël a mené de nombreuses provocations contre les Palestiniens et a maintenant profité du soulèvement palestinien pour lancer un génocide à Gaza.

Depuis le début de la destruction de Gaza par Israël, au moins 8 600 travailleurs thaïlandais employés en Israël sont retournés en Thaïlande. Cependant, des milliers d’autres restent en Israël.

Les employeurs israéliens, déterminés à retenir leur main-d’œuvre bon marché, auraient soit augmenté les salaires pour convaincre les travailleurs thaïlandais de rester, soit retardé les paiements pour empêcher les travailleurs de partir. L'ambassade d'Israël à Bangkok a nié que de l'argent ait été retenu, après que le Premier ministre thaïlandais Srettha Thavisin a déclaré aux journalistes qu’il n’était « pas acceptable que l’argent soit utilisé par les employeurs pour les inciter à rester ».

Le recours à l’exploitation d’une main d'œuvre étrangère bon marché est lié à la politique répressive d'Israël à l'égard des Palestiniens. Un afflux massif de travailleurs thaïlandais a suivi la première Intifada, un soulèvement palestinien de 1987 à 1993 qui a coûté la vie à près de 2 000 Palestiniens. En réponse, Israël a cherché à réduire sa dépendance à l'égard des travailleurs palestiniens en se tournant vers une main d'œuvre étrangère bon marché, en particulier des agriculteurs thaïlandais pour le secteur agricole.

Ces travailleurs sont confrontés à des conditions de forte exploitation. En 2013, suite à la pression des organisations de défense des droits du travail, le projet de coopération Thaïlande-Israël pour le placement des travailleurs (TIC) a été mis en œuvre, basé sur l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de l'ONU, remplaçant la formation et les honoraires exorbitants des agences en main-d'œuvre.

Un rapport de 2015 de Human Rights Watch, basé aux États-Unis, a interrogé dix groupes de travailleurs thaïlandais dans différentes régions d'Israël et a révélé qu'ils « recevaient des salaires nettement inférieurs au salaire minimum légal, étaient contraints de travailler de longues heures au-delà du maximum légal dans des conditions de travail dangereuses et que leur a été refusé le droit de changer d’employeur ».

Le rapport déclare que : « Un Thaïlandais travaillant dans une ferme dans le nord du pays a déclaré à Human Rights Watch qu'il se sentait 'comme de la viande morte' après une journée de travail qui commençait généralement à 4h30 du matin et se terminait à 19 heures. Son collègue a décrit comment les employeurs observent leur travail dans les champs avec des jumelles et les traitent « comme des esclaves ».

« Dans une ferme, des ouvriers thaïlandais ont montré aux enquêteurs de Human Rights Watch les logements de fortune qu'ils avaient construits à partir de cartons installés à l'intérieur des hangars agricoles. Les travailleurs de plusieurs fermes ont énuméré toute une série de maladies, notamment des maux de tête, des problèmes respiratoires et des sensations de brûlure dans les yeux, qu'ils attribuaient à la pulvérisation de pesticides sans protection adéquate ; certains travailleurs ont déclaré que des proches en Thaïlande leur envoyaient des médicaments en raison de leur incapacité à accéder aux soins médicaux.

Une étude en 2020 par Kav LaOved, une organisation non gouvernementale israélienne de défense des droits des travailleurs, a confirmé que 83 pour cent des travailleurs thaïlandais étaient payés en dessous du salaire minimum légal.

Un rapport du Département d'État américain sur la traite des personnes de 2022 a classé certains travailleurs agricoles thaïlandais comme soumis au travail forcé, soulignant « le manque de pauses ou de jours de repos, la confiscation des passeports, les mauvaises conditions de logements et les difficultés à changer d'employeur en raison des limitations des permis de travail ».

Le rapport a également attiré l'attention sur des « programmes d'études » frauduleux qui ne contiennent aucun contenu d’enseignement et ne sont qu'un prétexte pour contourner les accords de travail bilatéraux. Les milliers de dollars en « frais de scolarité » ont placé les travailleurs dans ce qui équivalait à une servitude pour dettes.

Les gouvernements thaïlandais successifs ont facilité cette exploitation grossière des travailleurs thaïlandais, car leurs fonds rapatriés à leurs proches constituent une source importante de devises. Alors que le Premier ministre Srettha Thavisin a promis de rapatrier les travailleurs thaïlandais qui souhaitent rentrer chez eux, des milliers de personnes restent en Israël par nécessité économique. Ceux qui sont rentrés se plaignent du fait que l'aide financière promise par le gouvernement ne s'est pas concrétisée.

Srettha a soigneusement évité toute critique d’Israël ou des pays impérialistes qui soutiennent sa guerre génocidaire. Le gouvernement veut maintenir l’exportation d’une main-d’œuvre bon marché vers Israël tout en évitant de contrarier les États-Unis, qui sont un allié militaire de la Thaïlande. Alors que la brutalité de la guerre israélienne a horrifié la population mondiale, le ministère thaïlandais des Affaires étrangères, à l'instar d'autres pays, a « condamné le meurtre de civils innocents […] par n'importe quel groupe et pour quelque raison que ce soit », traitant la violence des oppresseurs israéliens et celle Palestiniens opprimés sur le même pied.

Le gouvernement israélien a l’intention d’augmenter l’afflux de main-d’œuvre étrangère pour éliminer la dépendance à l’égard d’environ 100 000 travailleurs palestiniens qui détenaient un permis de travail en Israël avant le soulèvement du 7 octobre. En avril, le gouvernement a annoncé son intention de faire venir des milliers de travailleurs indiens et chinois pour travailler comme aides à domicile et dans le secteur de la construction. A mesure que Israël continue à tuer ou à chasser tous les Palestiniens de Gaza, des projets sont sans aucun doute en cours d’élaboration pour augmenter ce dispositif.

(Article paru en anglais le 30 novembre 2023)

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