Des milliers de soldats israéliens appuyés par des chars, de l’artillerie, des avions et des navires de guerre ont encerclé la ville de Gaza, la partie la plus densément peuplée de la bande de Gaza, préparant une tuerie à une échelle plus grande encore que ce qui s’est déjà produit.
Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé lundi que le nombre de morts confirmés dépassait désormais les 10.000 pour les 30 premiers jours d’une guerre qui est en réalité un massacre unilatéral de la population, dans une enclave où vivent 2,3 millions de personnes sur une superficie équivalente à celle de Détroit ou Philadelphie.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont déclaré lundi qu’elles avaient coupé la moitié nord de Gaza de la moitié sud, ce qui signifie qu’il n’y a plus aucune possibilité pour les habitants restants de Gaza-ville – estimés à 500.000 – d’échapper aux conditions infernales infligées par les bombardements et les massacres. Selon les observateurs militaires et les journalistes, une invasion terrestre à grande échelle de la ville de Gaza, bloc par bloc et maison par maison, pourrait se développer en quelques heures. Elle comprendra probablement la destruction de tout bâtiment supposé abriter des combattants du Hamas ou de toute structure sous laquelle se trouverait, selon les FDI, un tunnel du Hamas. Vu que la presse impérialiste parle de «centaines de kilomètres» de tunnels de ce type et que les FDI affirment que le Hamas a construit des quartiers généraux et d’autres installations militaires sous des hôpitaux, des écoles et d’autres infrastructures civiles essentielles, il est prévisible qu’une invasion terrestre entraînera la destruction totale de la ville de Gaza, avec un nombre incalculable de victimes parmi une population impuissante et prise au piège.
Les conditions de vie des Palestiniens de Gaza, tant au nord qu’au sud, associent la famine de masse à la menace d’une mort imminente sous les bombes, les roquettes, les missiles et les obus d’artillerie lâchés par l’armée israélienne. Le directeur de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine) pour Gaza, Thomas White, a déclaré vendredi que les habitants de Gaza vivaient en moyenne avec deux pains pita par jour, fabriqués à partir de la farine stockée par l’agence des Nations unies. La bande de Gaza était une «scène de mort et de destruction», a-t-il ajouté, tandis que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, déclarait que l’enclave était devenue un «cimetière pour enfants».
L’UNRWA gère 89 boulangeries dans la bande de Gaza, qui fournissent du pain aux trois quarts de la population, soit environ 1,7 million de personnes, mais nombre d’entre elles ont été fermées en raison des dommages infligés par les bombardements ou de l’épuisement des réserves de carburant nécessaires pour faire fonctionner les fours. Israël ne permet pas aux camions de carburant de passer par le poste frontière de Rafah, qui relie l’Égypte au sud de la bande de Gaza.
Lors d’une conférence de presse donnée par des responsables de l’aide des Nations unies, White a déclaré que l’approvisionnement en eau à Gaza était désespérément compromis, en partie à cause de l’arrêt de l’approvisionnement en eau en provenance d’Israël, et en partie à cause de l’effondrement du traitement des eaux usées dû au manque de carburant, ce qui entraîne la contamination de ce qui reste d’eau. Une situation qui met en grave péril la santé de la population, en particulier des enfants, dû à la menace de choléra et d’autres maladies liées à la consommation d’eau non traitée.
Martin Griffiths, chef des opérations humanitaires de l’ONU, a déclaré que 72 membres du personnel de l’UNRWA avaient été tués depuis le 7 octobre. «Je pense qu’il s’agit du nombre le plus élevé de membres du personnel de l’ONU perdus dans un conflit», a-t-il déclaré. Ce chiffre est passé depuis à 88, selon les rapports de presse de lundi.
Il a ajouté que le nombre officiel de morts communiqué par le ministère de la Santé de Gaza était sans aucun doute très sous-estimé. Le chiffre réel ne sera connu qu’une fois les décombres déblayés après la fin des combats. La moitié des bâtiments de Gaza ont été détruits ou endommagés.
L’indignation des travailleurs dans le monde face au génocide de Gaza s’est exprimée lundi par le refus de 1.200 dockers de Barcelone de charger des navires transportant du matériel de guerre à destination d’Israël. Les membres du syndicat des dockers OEPB ont appelé à un cessez-le-feu. Selon le journal espagnol El Diario, «les travailleurs se sont engagés à ne pas charger, décharger ou faciliter les tâches de tout bateau contenant des armes». Les travailleurs ont déclaré que les conditions de vie à Gaza violaient la Déclaration universelle des droits de l’homme et ont critiqué la décision du gouvernement espagnol d’exporter 300 millions d’euros d’armes vers Israël cette année, qui s’ajoutent aux 700 millions d’euros expédiés au cours des dernières années.
Les dockers de Barcelone avaient déjà interrompu des livraisons d’armes à Gaza lors d’attaques israéliennes antérieures en 2014 et aux forces des États-Unis et de l’OTAN lors du bombardement de la Libye en 2011.
L’opposition dans le monde aux conditions infernales qui règnent à Gaza s’est même exprimée à un point de presse, par ailleurs routinier, lundi, au département d’État américain. Il y eut une brève intersection avec la réalité quand un journaliste a demandé au porte-parole adjoint principal Vedant Patel si lui et d’autres responsables étaient préoccupés par l’éventualité d’accusations de crimes de guerre à leur encontre dû à leur rôle dans la défense des massacres israéliens à Gaza. L’échange vaut la peine d’être noté.
Le point de presse a pris un caractère antagoniste lorsque plusieurs journalistes de pays musulmans et arabes ont posé à Patel des questions sur le soutien apporté par les États-Unis à la guerre d’extermination menée par Israël à Gaza, notamment l’interruption de l’approvisionnement en nourriture, en eau et en électricité et le bombardement aveugle d’hôpitaux, d’écoles et de quartiers résidentiels. Patel a répondu à toutes ces questions par des phrases toutes faites sur le maintien du «droit d’Israël à se défendre», mais lorsqu’on lui a demandé comment le fait de tuer des enfants à Gaza pouvait être considéré comme de la «légitime défense», il n’a pas répondu. Au lieu de quoi il a fait référence plusieurs fois au Hamas ayant passé la frontière de Gaza pour attaquer Israël le 7 octobre.
Le porte-parole du département d’État a affirmé que des civils étaient tués parce que le Hamas les utilisait comme «boucliers humains» et avait délibérément «co-localisé» des installations militaires dans l’infrastructure civile de Gaza. Une réponse d’autant plus fallacieuse que le Hamas est un parti politique dirigeant le gouvernement de Gaza ainsi que les hôpitaux, les écoles et autres services sociaux.
Un journaliste a cité la démission de Craig Mokhiber du bureau du Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui a évoqué le génocide israélien, et a demandé si le gouvernement américain avait «soudoyé» l’Autorité palestinienne ou fait autrement pression sur elle pour qu’elle ne porte pas plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice. Patel a répondu sans sourciller que les États-Unis continueraient à évoquer avec Israël «la nécessité de faire la distinction entre les terroristes du Hamas et les civils palestiniens».
Lorsque Patel a déclaré que le Département d’État disposait d’un «processus rigoureux» pour déterminer quand il y avait génocide et qu’il ne l’avait pas fait dans le cas de Gaza, le journaliste a cité une lettre de l’organisation Centre pour les droits constitutionnels adressée aux membres du Congrès et aux sénateurs. Elle avertissait qu’ils pourraient être poursuivis pour crimes de guerre et «complicité de génocide» s’ils votaient en faveur de la demande du gouvernement Biden d’un crédit supplémentaire de 14 milliards de dollars pour la poursuite de la guerre d’Israël contre Gaza.
Il a demandé directement à Patel: «Les responsables du département d’État sont-ils exposés à des risques similaires?» Lorsque Patel a répété que le département d’État n’avait pas constaté de génocide à Gaza, le journaliste a demandé en colère si «un hôpital après l’autre, une boulangerie après l’autre » avaient été détruits par les frappes aériennes israéliennes.
Patel s’est alors tourné vers d’autres journalistes et d’autres sujets, et quelques minutes plus tard, la conférence de presse a été interrompue.
(Article paru en anglais le 7 novembre 2023)