Cette conférence a été donnée par Max Boddy, secrétaire national adjoint du Socialist Equality Party (Australie), à l’université d’été internationale du SEP (É.-U.) tenue entre le 30 juillet et le 4 août 2023.
Liste des conférences précédentes :
Rapport d’ouverture du président du Comité de rédaction international du WSWS et président national du SEP, David North : Léon Trotsky et la lutte pour le socialisme à l’époque de la guerre impérialiste et de la révolution socialiste
Deuxième conférence : Les fondements historiques et politiques de la Quatrième Internationale
Troisième conférence : Les origines du révisionnisme pabliste, la scission au sein de la Quatrième Internationale et la fondation du Comité international
Quatrième conférence : La Révolution cubaine et l’opposition de la SLL à la réunification pabliste sans principes de 1963
Cinquième conférence : La « Grande Trahison » à Ceylan, la formation du Comité américain pour la Quatrième Internationale et la fondation de la Ligue des travailleurs
Sixième conférence : La poursuite de la lutte contre le pablisme, le centrisme de l’OCI et la crise naissante au sein du CIQI
Introduction
La période de 1967 à 1971 a été marquée par d’immenses bouleversements sociaux, politiques et économiques. Loin des promesses des apologistes libéraux ou des révisionnistes petits-bourgeois qui annonçaient des décennies de paix et de stabilité, où la question de la révolution socialiste n’était plus d’actualité, la fin des années 1960 a prouvé que les contradictions fondamentales du capitalisme n’avaient pas été surmontées. Rapidement, tous les instruments économiques mis en place pour maintenir le capitalisme dans la période d’expansion qui a suivi la Seconde Guerre mondiale se sont effondrés.
Pour comprendre la fin des années 1960, il est important de replacer cette période dans son contexte historique. À partir de 1914, le monde avait été assailli par plus de 30 ans de troubles sanglants et brutaux. Il y a eu les horreurs de la Première Guerre mondiale, une pandémie mondiale, la Grande Dépression, la montée du fascisme et sa liquidation physique des couches les plus avancées des travailleurs, les purges staliniennes, la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste.
L’Europe a émergé en 1945 dans le chaos et la ruine, où une grande partie des forces productives était décimée et une vaste proportion de la population avait été massacrée dans la boucherie impérialiste et ses conséquences.
Les États-Unis sont sortis de la guerre en tant que puissance impérialiste dominante et ont cherché à stabiliser l’ordre capitaliste mondial. Ils y sont parvenus parce que les partis de la social-démocratie et, surtout, le stalinisme ont donné au capitalisme la marge de manœuvre nécessaire. Ceux-ci ont travaillé en collaboration avec les gouvernements bourgeois pour réprimer et étrangler les mouvements révolutionnaires massifs des travailleurs après la barbarie de la Seconde Guerre mondiale.
La base économique de cette stabilisation était due aux dommages considérables subis par les économies européennes et asiatiques pendant la guerre, ainsi qu’aux prouesses économiques de l’industrie américaine résultant des progrès des méthodes de production.
Mais ce renouveau économique qui, en apparence, donnait l’impression d’une grande stabilité et conduisait à une amélioration des conditions sociales des travailleurs dans certains pays a mis en place les conditions mêmes de son effondrement.
La période d’après-guerre a exercé d’immenses pressions politiques sur la Quatrième Internationale. Les trotskistes britanniques, la Socialist Labour League (SLL), ont joué un rôle essentiel pour préserver la continuité du trotskisme à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Le travail réalisé au cours de cette période a jeté les bases du développement du Comité international dans le monde entier, y compris la création de nouvelles sections, face à la dégénérescence opportuniste.
En analysant le boom de l’après-guerre, la fin des années 1960 et les contradictions présentes sous les apparences, nous aborderons les questions d’économie politique, le cours du développement capitaliste et la manière dont les contradictions internes du capitalisme conduisent à l’effondrement.
Ernest Mandel – chef du Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale
Il est nécessaire, pour traiter ces questions fondamentales, de passer en revue les positions avancées par Ernest Mandel. Mandel a cherché à fournir une justification économique au rejet par le pablisme du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière. Il affirmait que le capitalisme avait atteint un nouveau stade, dans lequel les puissances impérialistes avaient résolu les contradictions internes qui avaient abouti à la barbarie du début du 20e siècle. Il a d’abord qualifié cette nouvelle période de «néocapitalisme».
Pour souligner d’emblée le point central, l’adhésion de Mandel au pablisme ne découlait pas d’une théorie économique erronée, mais l’inverse. Son analyse économique était basée sur son rejet du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière en tant que fossoyeur du capitalisme.
Mandel a longtemps été le chef du Secrétariat unifié révisionniste. Né en 1923 à Francfort, en Allemagne, il a adhéré au mouvement trotskiste en Belgique après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années, il s’est opposé avec véhémence à toute tendance suggérant que le stalinisme jouait un rôle progressiste. Cette position a changé avec l’émergence du pablisme à la fin des années 1940.
Mandel s’est adapté à la stabilisation du régime bourgeois suivant la crise d’après-guerre. Il a affirmé que les contradictions qui avaient conduit à l’effondrement du capitalisme mondial en 1914 et qui avaient poussé la classe ouvrière à mener des luttes révolutionnaires avaient été surmontées.
La principale justification de cette position était que les puissances impérialistes ne permettraient plus jamais l’émergence d’une crise catastrophique comme celle des années 1930. Il a rejeté un principe central du marxisme, à savoir que les contradictions internes du capitalisme conduisent inévitablement à son effondrement. Par conséquent, selon l’analyse de Mandel, il n’existait plus de nécessité objective pour une révolution socialiste.
Dans un article publié en 1964 pour le Socialist Register annuel, Mandel a écrit:
La nécessité d’éviter à tout prix une répétition de la dépression de 1929 est devenue une question de vie ou de mort pour le capitalisme dans les conditions de la guerre froide et de la montée des forces anticapitalistes à l’échelle mondiale. Les techniques de politiques anticycliques et de redistribution du pouvoir d’achat par chaque État sont développées à une échelle de plus en plus grande. L’État garantit désormais, directement et indirectement, le profit privé, depuis les subventions déguisées jusqu’à la «nationalisation des pertes», et cet aspect du capitalisme contemporain devient l’une de ses caractéristiques les plus notables. [1]
En d’autres termes, l’État impérialiste était désormais capable de surmonter les contradictions du capitalisme grâce à un équilibre des pouvoirs. C’était du keynésianisme avec une terminologie marxiste: grâce à l’intervention de l’État, la classe dirigeante était capable de réguler l’économie capitaliste afin d’éviter un effondrement de l’ampleur de celui des années 1930. C’était la justification économique pour le liquidationnisme pabliste.
La position de Mandel a été exposée peut-être encore plus clairement dans une brochure de 1965 intitulée A Socialist Strategy for Western Europe (Une stratégie socialiste pour l’Europe occidentale), publiée par l’Institute for Workers’ Control en Grande-Bretagne. Il s’agissait d’une organisation composée de divers ex-staliniens, de la «gauche» travailliste et de sections «de gauche» des appareils syndicaux.
Elle commence comme suit:
Le débat sur la stratégie socialiste en Europe occidentale doit partir de l’hypothèse préalable qu’il n’y aura pas, au cours de la prochaine décennie, de guerre mondiale ni de crise économique d’une gravité comparable à celle de 1929-1933. [2]
Rien ne pouvait mieux exposer la perspective fondamentale du révisionnisme de Mandel et le fait qu’il s’attaquait aux fondements mêmes du marxisme.
Quelle est la stratégie du parti révolutionnaire? Elle est basée sur la compréhension de la nature de l’époque comme étant une époque de guerres et de révolutions dans laquelle la tâche fondamentale du parti révolutionnaire est de préparer la classe ouvrière à la lutte pour le pouvoir politique.
Trotsky a abordé cette question essentielle dans L’Internationale communiste après Lénine, où il a écrit:
Les principes fondamentaux de la stratégie révolutionnaire ont été naturellement formulés depuis que le marxisme a posé devant les partis révolutionnaires le problème de la conquête du pouvoir sur la base de la lutte des classes. [3]
La Première Internationale ne pouvait formuler ces principes que de manière théorique, le capitalisme étant alors en pleine ascension.
Trotsky a ensuite ajouté:
L’époque de la Deuxième Internationale a fait naître des méthodes et des conceptions telles que, dans leur application, suivant la fameuse expression de Bernstein, «le mouvement est tout, le but final n’est rien». En d’autres termes, le problème de la stratégie s’est réduit à rien, il a été noyé dans le «mouvement» quotidien avec ses mots d’ordre relevant de la tactique journalière. C’est la Troisième Internationale seulement qui rétablit les droits de la stratégie révolutionnaire du communisme et lui subordonna entièrement les méthodes de la tactique. [4]
Mais selon Mandel, l’époque révolutionnaire qui s’était ouverte avec la Première Guerre mondiale était terminée, et une nouvelle période de développement organique pacifique du capitalisme avait commencé. Plus jamais les contradictions du capitalisme n’atteindraient une intensité telle que la question du pouvoir politique serait mise à l’ordre du jour.
En réalité, la décennie 1965-1975 a été marquée par la crise économique la plus importante depuis la Grande Dépression des années 1930 et par l’éclatement d’une série de luttes des classes.
Quant à la question de la guerre nucléaire, l’affirmation de Mandel selon laquelle elle n’était pas envisageable est intervenue deux ans et demi seulement après la crise des missiles de Cuba d’octobre 1962, qui avait conduit le monde au bord d’une catastrophe nucléaire.
Il convient également de rappeler que l’expression initiale du liquidationnisme pabliste était la thèse de la guerre-révolution, selon laquelle une guerre nucléaire entre les États-Unis et l’Union soviétique serait à la base de la transformation socialiste donnant naissance à des siècles d’États ouvriers déformés. Alors que Mandel passait aux nouvelles réalités qu’il avait découvertes, il ne donna bien sûr aucune explication pour l’abandon de la perspective sur laquelle il s’était aligné un peu plus d’une décennie auparavant.
La perspective mondiale pour le socialisme et l’analyse du boom d’après-guerre par la SLL
L’essence du travail du marxisme sur l’économie politique, fondée sur une compréhension de la nature de l’époque impérialiste, est de pénétrer les formes d’apparence générées par le capitalisme pour révéler les contradictions fondamentales, puis, sur cette base, de préparer l’avant-garde de la classe ouvrière aux tâches que ces contradictions poseront. Les tactiques doivent être développées pour répondre à la situation immédiate et au développement de la lutte des classes, mais elles doivent être fondées sur cette base.
En outre, toute analyse de la situation objective est partielle, incomplète et donc fondamentalement erronée si elle n’inclut pas le développement de la lutte des classes. Le plus important est la lutte du parti révolutionnaire pour armer et préparer la classe ouvrière avec un programme et une perspective révolutionnaires.
Alors que toute l’œuvre de Mandel est dépourvue de cette composante essentielle du marxisme, elle était remarquablement présente dans l’analyse de la SLL et puissamment illustrée dans un document majeur publié en 1961 et intitulé The World Prospect of Socialism (La perspective mondiale pour le socialisme).
Le document a été préparé peu après la fondation de la SLL en 1959, qui avait été fondée sur la lutte contre le pablisme. L’une des principales faiblesses du Socialist Workers Party (SWP) à la fin des années 1950 a été son abandon de l’examen de la crise du capitalisme elle-même. Ce changement était étroitement lié à l’affaiblissement de l’opposition au pablisme et à l’évolution vers la réunification.
Pour faire un point fondamental, le développement d’une évaluation scientifique de la situation économique objective n’est possible que si le travail théorique est ancré dans la lutte contre le révisionnisme. Le contenu des documents produits par la SLL au cours de cette période découle de ce point essentiel.
Ce que la SLL a présenté était tout à fait unique. Elle cherchait à pénétrer les formes d’apparence du boom de l’après-guerre et à montrer les véritables forces et contradictions derrière ces développements. Elle a expliqué comment ces processus sous-jacents allaient conduire à une crise économique, entraînant des luttes de masse qui poseraient à nouveau la question de la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière.
Dans son analyse, la SLL réfutait les efforts de révisionnistes tels que Mandel et sa tentative de construire une justification économique pour le liquidationnisme pabliste. Le document s’inscrivait également dans le cadre de la lutte contre les initiatives du SWP pour la réunification.
Elle commence par une élaboration concrète de la nature de l’époque impérialiste telle qu’elle avait été analysée par Lénine et Trotsky:
Le capitalisme a depuis longtemps atteint la fin de sa contribution progressiste à l’histoire de l’humanité. Dès le début du XXe siècle, il a été poussé dans sa phase ultime d’impérialisme: une époque de guerres et de révolutions. [5]
Le document poursuit en décrivant comment le globe, qui était divisé entre des États capitalistes rivaux, est entré en «collision violente» sous la forme de l’éclatement des guerres mondiales. Les classes dirigeantes de ces États ont dû faire face à la contestation persistante de leur pouvoir par la classe ouvrière, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, sous la forme de mouvements d’indépendance nationale dans les colonies.
Loin de pouvoir assurer les conditions d’un développement pacifique et stable, «le capitalisme a manifesté une tendance permanente à la décadence et à la violence, même dans les périodes relativement paisibles». [6]
La SLL a continué à expliquer les phénomènes de nationalisation et de domination du capital financier observés dans les années qui ont suivi 1914:
La manifestation de la nouvelle époque dans l’histoire du capitalisme, même dans les pays les plus «démocratiques», était le pouvoir grandissant du capital financier et du monopole, la synchronisation de la vie sociale et économique par l’intermédiaire de la machine d’État, en tant qu’instrument de la classe dirigeante, et l’importance croissante des contrats militaires pour l’industrie. [7]
Elle a clairement montré que si, à certains moments et dans certains pays, les développements semblent avoir surmonté les problèmes inhérents au capitalisme, il s’agit toujours de mesures temporaires. Qui plus est, tous les mécanismes temporaires mis en place aggravent les contradictions et portent la crise à de nouveaux sommets. Comme l’indique le document, «l’effet ultime est d’approfondir les contradictions sociales et économiques et d’accroître le danger que représente pour l’humanité la poursuite de l’existence du capitalisme». [8]
En traitant des formes d’apparence qui ont émergé après la Seconde Guerre mondiale, la résolution de la Perspective mondiale fait le point essentiel suivant:
En apparence, les méthodes du capitalisme d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de la politique de «l’État-providence» dans les pays avancés ou de la politique d’«indépendance coloniale», sont plus pacifiques que par le passé. En réalité, ces politiques de ce que l’on appelle le «néocapitalisme» ont exactement la même finalité et répondent aux mêmes besoins que le recours au fascisme et aux méthodes de force d’avant-guerre. L’option de créer des mouvements fascistes, en faisant un pari désespéré sur les éléments plébéiens de ces mouvements, est une option dangereuse que la bourgeoisie préfère éviter. Elle choisit chaque fois que possible d’agir par l’intermédiaire du parlement, de la bureaucratie, des partis politiques et du mouvement syndical organisé.
De même, dans les colonies, les impérialistes luttent assez désespérément pour conserver des positions qui ne peuvent être maintenues par d’autres moyens que la force, mais l’équilibre mondial des forces fait du maintien du contrôle politique sur les colonies par la répression une voie que ses représentants intelligents cherchent à éviter dans la mesure du possible. Ces changements de méthode n’indiquent aucun changement dans le capitalisme lui-même. [C’est nous qui soulignons.] On ne peut pas non plus supposer que le cours actuel est permanent ou que la bourgeoisie des différents pays ne recourra pas à nouveau, si le besoin s’en fait sentir, au fascisme ou à l’utilisation de la force au niveau international pour préserver ou conserver des positions menacées. [9]
Ce paragraphe est frappant par son aniticpation. Contrairement à toutes les autres tendances politiques de l’époque, la SLL était capable de traiter les formes apparentes du mode de fonctionnement capitaliste tout en approfondissant la manière dont ces formes apparentes révèlent des contradictions inhérentes.
Le SLL a également tiré des conclusions importantes de la grève générale de décembre 1960 et janvier 1961 en Belgique, au cours de laquelle le gouvernement belge, réagissant à la perte de sa colonie au Congo, a tenté de mettre en place une série de mesures d’austérité afin de rendre le capital belge compétitif et de faire supporter à la classe ouvrière le coût de la perte de la colonie. Quelque 700.000 travailleurs ont alors déclenché une grève, à laquelle le gouvernement belge a répondu en faisant appel aux forces de police et de gendarmerie, et même en rappelant des troupes de l’OTAN.
En opposition à tous les économistes bourgeois et aux formulations révisionnistes comme celles de Mandel, la SLL a écrit ce qui suit: «La perspective pour les années 60 n’est pas celle d’une expansion continue et régulière, mais plutôt celle d’une difficulté croissante: une lutte pour les marchés entre les principaux pays capitalistes, ponctuée de récessions et de crises. Dans de telles conditions, les secteurs de l’économie capitaliste mondiale les moins bien préparés seront certainement soumis à de fortes pressions. Les événements survenus en Belgique en décembre 1960 et janvier 1961 ont donné un avant-goût du genre de problèmes qui risquent de se poser et des méthodes que la classe dirigeante emploiera pour les combattre». [10]
Cette analyse était étroitement liée à la lutte contre le révisionnisme. La préparation la plus décisive du parti révolutionnaire dans la période où la révolution socialiste n’est plus à l’ordre du jour est la séparation de la tendance marxiste, c’est-à-dire trotskiste, de toutes les formes d’opportunisme. Cela est basé sur la compréhension que le parti est le facteur clé dans la transformation des luttes de masse qui éclateront en une lutte consciente pour le pouvoir politique.
Le travail de la SLL au cours de cette période cruciale a jeté les bases de la compréhension des développements économiques complexes qui allaient émerger à la fin des années 1960, une période qui a donné lieu non seulement à des mouvements révolutionnaires de masse de la classe ouvrière, comme l’a montré la grève générale française de 1968, mais aussi à la crise du capitalisme américain.
Les accords de Bretton Woods et le plan Marshall
Pour cela, il faut se pencher sur le système mis en place dans l’après-guerre. Les deux axes essentiels de la politique économique américaine d’après-guerre étaient le système monétaire de Bretton Woods et le plan Marshall. Le premier a débuté en 1944 et constituait la base de la reconstruction de l’économie mondiale. Il a établi le dollar américain comme monnaie mondiale sur la base de la puissance de l’économie américaine. Il garantissait la convertibilité des dollars américains en or à un taux de change fixe de 35 dollars l’once. Le Fonds monétaire international (FMI) a été créé pour superviser ce nouveau système financier.
Cependant, il ne suffisait pas d’établir un nouveau système financier. Les marchandises produites aux États-Unis avaient besoin d’un marché pour être achetées et vendues. Cette question est liée à celle de la réalisation dans le circuit du capital.
Le but de la production capitaliste n’est pas la production de marchandises, c’est un moyen pour une fin. Le circuit du capital est l’argent. Pour expliquer, le capital monétaire est utilisé dans l’achat de marchandises, y compris la marchandise de la force de travail, les matières premières et les moyens de production. Ceux-ci sont ensuite utilisés, à leur tour, pour la production de marchandises afin d’extraire la plus-value de la classe ouvrière. La réalisation de cette plus-value se fait par la vente des marchandises qui ont été produites, en les transformant en argent, afin que le circuit du capital puisse recommencer.
Ce processus donne lieu à ce que l’on appelle le problème de la réalisation, c’est-à-dire la transformation des marchandises en argent. C’est dans cette sphère de circulation qu’apparaît le problème de la réalisation, car si les marchandises ne peuvent pas être vendues ou sont vendues à un prix inférieur, cela signifie qu’une partie de la plus-value qu’elles contiennent n’est pas réalisée.
Mais il faut aller plus loin, car la production, c’est-à-dire l’extraction de la plus-value, est le moteur du système capitaliste et les problèmes de circulation y trouvent leur origine.
Marx a noté que la plus-value produite quelque part doit être réalisée ailleurs. Il a observé que la réalisation de la plus-value dépend de l’existence d’autres capitalistes qui peuvent acheter les marchandises produites. Par exemple, si les capitalistes d’une industrie produisent des marchandises sans qu’il y ait une demande correspondante de la part d’autres capitalistes ou consommateurs, la plus-value générée par la production ne peut pas être pleinement réalisée.
Nous en arrivons ici à la raison pour laquelle le capitalisme américain a dû faire revivre le capitalisme européen après la guerre. L’impérialisme américain n’avait pas évolué vers une nouvelle forme, plus douce, dans laquelle les rivalités inter-impérialistes du passé avaient été surmontées. Pour que la plus-value extraite aux États-Unis soit réalisée, il fallait qu’elle soit également extraite en Europe afin de garantir l’expansion économique et un marché pour les marchandises américaines, ainsi que des domaines rentables pour les investissements américains.
Pour ce faire, la relance du capitalisme européen était essentielle, et c’est ce qui a motivé l’introduction du plan Marshall en 1947-1948. Il était admis que si ce plan n’était pas mis en œuvre, l’Europe entrerait en récession, voire en dépression, ce qui entraînerait une éruption des luttes de la classe ouvrière et menacerait de faire éclater les mécanismes de la stabilité politique. Cela incluait le rôle des partis communistes staliniens, en particulier en Italie et en France, qui avaient remis en selle la bourgeoisie discréditée.
Un autre aspect du plan Marshall était son caractère paneuropéen. La capacité de production du capitalisme européen a été augmentée par l’introduction des méthodes industrielles américaines, qui ont amplifié le taux d’exploitation de la classe ouvrière et augmenté la masse de la plus-value.
Mais ce même processus signifiait que la domination industrielle dont jouissaient les États-Unis dans l’après-guerre était en train de s’éroder, un processus analysé par la SLL en 1961. La SLL a constaté que la relance de l’économie européenne avait entraîné une augmentation relative du pouvoir de négociation politique de la classe dirigeante européenne, d’une part, et une série de conséquences économiques nouvelles, différentes de celles du passé, d’autre part.
L’affaiblissement du dollar en raison des déficits importants et persistants dans la balance des paiements au cours des deux dernières années en est un reflet frappant. La vulnérabilité du dollar reflète, en partie, la plus grande force d’autres monnaies, en particulier le mark, ainsi que les engagements mondiaux de la stratégie américaine impliquant des dépenses militaires plus élevées et une aide aux pays sous-développés. Les taux d’intérêt élevés dans les centres européens ont également entraîné des transferts de fonds, et ces mouvements spéculatifs sont devenus frénétiques lorsque la dévaluation du dollar semblait probable – comme ce fut le cas entre juillet et septembre 1960 – contribuant ainsi aux difficultés du dollar. [11]
La SLL a fait remarquer qu’à ce stade précoce, il serait incorrect de suggérer le déclin imminent du capitalisme américain en tant que force mondiale. Elle a néanmoins souligné que «l’incapacité de l’économie américaine à croître rapidement ou à se passer de dépenses massives en armement montre que même le capitalisme le plus fort est en crise». [12]
L’identification du rôle de la direction révolutionnaire est un élément essentiel de l’analyse du document de 1961. La France était sortie de la Seconde Guerre mondiale comme «l’homme malade de l’Europe». [13] L’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle, qui jouait le rôle d’un leader bonapartiste dans la Cinquième République, était l’action d’un régime en crise.
Aux États-Unis, la SLL a identifié des signes de rupture du «bloc de glace» dans des couches clés de la société, en identifiant les différentes tendances qui émergeaient à travers la bohème petite-bourgeoise et la radicalisation de la jeunesse, en particulier dans les universités, et en notant également en particulier l’émergence du mouvement des droits civiques.
Surtout, elle nota que le facteur le plus important dans la situation américaine était le rôle du parti marxiste. Elle souligna l’immense responsabilité politique qui pesait sur les épaules du SWP et que ses responsabilités «ne peuvent être assumées sans une clarté absolue et une ligne politique ferme». [14]
Les révolutionnaires du SWP doivent périodiquement vérifier leur propre travail politique par rapport à ces dangers. Dans une position d’isolement politique relatif, de lutte constante contre le courant, une déviation de la juste cause peut se produire de façon inattendue. La recherche d’un chemin plus court, d’alliances qui peuvent imposer une accommodation à d’autres tendances, de regroupements sans bases théoriques solides, d’adaptations programmatiques pour convenir à ce que l’on suppose être les particularités américaines, tout cela a constamment fait dérailler les socialistes américains dans la période qui s’est écoulée depuis 1917. L’attention des dirigeants du SWP doit être constamment dirigée vers de tels dangers dans la mesure où ils peuvent avoir un impact sur leur propre politique et leur propre pensée. [15]
La ligne politique de la SLL et l’attention portée à ces questions politiques et théoriques cruciales ont empêché la liquidation du mouvement trotskiste sous la pression du pablisme. C’est l’apprentissage et la mise à jour de ces leçons essentielles, y compris la compréhension des contradictions présentes dans le boom de l’après-guerre, qui ont constitué la base de la fondation de la Workers League en 1966 et de la LCR [Ligue communiste révolutionnaire] en 1968.
L’intensification des contradictions du capitalisme et la théorie marxiste de l’effondrement
Toutefois, cela n’a pas mis fin à la question des pressions exercées par le boom de l’après-guerre et des contradictions qu’il présentait. Mandel, qui avait adopté le pablisme et était devenu l’un de ses principaux idéologues dans le domaine de l’économie politique, est devenu l’un des révisionnistes les plus lus et les plus cités sur les campus.
Au cours de cette période, la SLL ne cessera de faire l’objet d’attaques pour son «catastrophisme» et ses «exagérations». Pourtant, à la fin des années 1960, les contradictions identifiées par la SLL atteignaient leur paroxysme.
Après la mise en œuvre complète du système de Bretton Woods en 1958 et la convertibilité totale de la livre anglaise en dollar, la City de Londres a joué un rôle déterminant dans la création de ce que l’on a appelé le marché de l’euro-dollar, qui a constitué le berceau du système financier mondial d’aujourd’hui.
En novembre 1967, en raison d’un déficit de la balance des paiements dans lequel la Grande-Bretagne dépensait plus en importations qu’en exportations, le gouvernement du Premier ministre Harold Wilson a cherché à dévaluer la livre afin de rendre les exportations britanniques plus attrayantes sur le marché international. Cette mesure a déclenché une ruée sur le dollar, les investisseurs cherchant à échanger leurs dollars contre de l’or, qu’ils considéraient comme une réserve de valeur plus sûre, ce qui a exercé une pression massive sur les réserves d’or des États-Unis.
En mars 1968, la crise du pool de l’or a éclaté. Les marchés de l’or ont été fermés pendant plusieurs semaines car le prix convenu de l’or, qui était au cœur du nouveau système financier de Bretton Woods, était menacé. Anticipant la levée de la garantie-or en 1971, les marchés ont rouvert avec un nouveau système à deux niveaux permettant une plus grande flexibilité dans la fixation du prix de l’or.
En 1971, le lien entre l’or et le dollar a été rompu. Le président Richard Nixon a réagi aux pressions exercées par une balance commerciale en constante diminution, qui est devenue négative, en levant la garantie-or du dollar. La pierre angulaire du système monétaire de Bretton Woods venait d’être supprimée.
Il s’agissait d’éviter le développement d’une crise majeure du capitalisme américain. Le seul moyen de maintenir Bretton Woods aurait été de relever les taux d’intérêt aux États-Unis, ce qui aurait induit un flux de dollars vers les marchés financiers américains. Mais cela aurait déclenché une récession tant aux États-Unis qu’en Europe. Dans des conditions où la classe ouvrière s’engageait dans une série de luttes de plus en plus militantes, cela aurait provoqué une crise politique majeure.
Pendant cette courte période, toutes les affirmations selon lesquelles le capitalisme était entré dans une nouvelle période et que les anciennes contradictions avaient été surmontées ont volé en éclats. Cependant, ce n’était pas l’occasion pour Mandel de reconsidérer son analyse économique. Au contraire, il est allé encore plus à droite. En effet, son analyse découlait avant tout d’un rejet du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière.
Dans un document présenté à la conférence des universitaires socialistes de 1968 à l’université Rutgers, Mandel a expliqué que le terme «néocapitalisme» n’était pas une simple innovation terminologique, mais qu’il impliquait le développement d’une perspective historique entièrement nouvelle.
Certains hommes politiques et sociologues européens parlent de «néocapitalisme» dans le sens où la société s’est débarrassée de certaines des caractéristiques fondamentales du capitalisme. Je le nie catégoriquement et j’attache donc au terme «néocapitalisme» la connotation opposée: une société qui possède tous les éléments fondamentaux du capitalisme classique.
Néanmoins, je suis convaincu qu’à partir de la Grande Dépression de 1929-1932 ou de la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme est entré dans une troisième phase de son développement, qui est aussi différente du capitalisme monopoliste décrit par Lénine, Hilferding et d’autres que le capitalisme monopoliste était différent du capitalisme classique de laissez-faire du 19e siècle. [16]
Il y a ici un rejet complet de la compréhension fondamentale de la nature de l’époque impérialiste, telle qu’elle a été analysée par Lénine, et l’un des principes fondamentaux de la Quatrième Internationale.
Lénine a analysé que dans son essence économique, l’impérialisme est un capitalisme monopolistique. Cette définition de l’impérialisme était déterminante pour les tâches du parti. Il souligna que le développement du capitalisme monopoliste repose sur la socialisation de la production, et pas seulement sur l’entrelacement des entreprises, et que «les rapports relevant de l’économie privée et de la propriété privée forment une enveloppe qui est sans commune mesure avec son contenu, qui doit nécessairement entrer en putréfaction si l’on cherche à en retarder artificiellement l’élimination, qui peut continuer à pourrir pendant un laps de temps relativement long (dans le pire des cas, si l’abcès opportuniste tarde à percer), mais qui n’en sera pas moins inéluctablement éliminée». [17]
La différence entre l’impérialisme et le capitalisme compétitif de l’époque de Marx est qu’auparavant, on aurait pu dire que, même si le socialisme aurait été plus avantageux, le capitalisme avait encore un rôle progressiste à jouer dans le développement des forces productives. Désormais, le renversement du capitalisme est devenu une nécessité historique. La base matérielle du socialisme a été établie dans la production socialisée du capitalisme monopoliste, c’est-à-dire l’impérialisme, qui constituait la transition vers un ordre socio-économique supérieur.
Selon Mandel, cependant, le néocapitalisme était aussi différent de l’impérialisme que l’impérialisme lui-même était différent du capitalisme concurrentiel. En d’autres termes, les opportunistes de l’époque de Lénine avaient raison, la révolution russe avait été prématurée, il n’y avait pas de fondement objectif au programme mené par Lénine et les bolcheviks.
Cette perspective contient également un rejet de la théorie marxiste de l’effondrement, théorie selon laquelle les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste atteindraient inévitablement un point tel qu’une situation se présenterait qui mettrait devant la classe ouvrière la possibilité et la nécessité de prendre le pouvoir politique.
Abordons cette question plus en détail. Le camarade David North, au chapitre 30 de L’héritage que nous défendons, fait la remarque suivante: « Que le mouvement des contradictions internes du mode de production capitaliste conduit de façon inexorable à son écroulement est un axiome de l’économie politique marxiste. Si on le nie, il n’existe plus de nécessité objective du socialisme». [18]
La loi de la baisse tendancielle du taux de profit est au cœur de l’analyse de la crise historique du capitalisme. Marx a consacré beaucoup de temps à cette question centrale, qu’il caractérisait comme la loi la plus importante de l’économie politique d’un point de vue historique.
La tendance inhérente à la baisse du taux de profit au fil du développement du capitalisme est liée au processus même d’accumulation de la richesse. La classe capitaliste cherche à accumuler davantage de richesses et à réaliser des profits plus élevés, qui proviennent de l’extraction de la plus-value de la classe ouvrière.
Pour augmenter la productivité et les profits, les capitalistes investissent dans de nouvelles technologies et machines. Cela entraîne une augmentation de la composition organique du capital, c’est-à-dire le rapport entre le capital constant, c’est-à-dire les machines, les matières premières, etc. nécessaires à la production, et le capital variable, c’est-à-dire le coût de la force de travail.
Au fur et à mesure de l’introduction de ces nouvelles technologies, la proportion de capital constant dans l’investissement total en capital augmente par rapport au capital variable. La seule source de plus-value, c’est-à-dire de profits, est le travail vivant de la classe ouvrière. Mais ce travail vivant représente une proportion de plus en plus faible du capital total nécessaire.
Par conséquent, le taux de profit tend à diminuer, car il y a plus de capital immobilisé dans le capital constant, qui ne produit pas de valeur supplémentaire, tandis que la croissance de la plus-value ne peut pas suivre le rythme de l’expansion du capital.
Cela oblige et contraint la classe capitaliste à tenter une restructuration massive de la production. Cette restructuration prend la forme de crises profondes, au cours desquelles de vastes zones de production sont réduites à néant. Les 31 années qui se sont écoulées entre 1914 et 1945 ont été un exemple frappant de ce processus, les forces productives d’Europe et d’Asie ayant été complètement anéanties.
Nous avons également assisté à ce processus entre la fin des années 70 et les années 80, avec la restructuration massive de la production qui a donné naissance à la mondialisation. Cette restructuration s’est faite par le biais d’une série de chocs et du démantèlement catastrophique d’anciennes zones industrielles, créant, par exemple, la «Rust Belt» américaine.
C’est également un processus auquel nous assistons aujourd’hui, la classe dirigeante cherchant à utiliser l’intelligence artificielle pour surmonter cette tendance à la baisse du taux de profit, en utilisant de nouvelles formes de technologie, non pas pour le bénéfice de l’humanité, mais pour trouver des mécanismes permettant d’extraire davantage de profits.
Marx a succinctement caractérisé ce processus en écrivant dans les Grundrisse: «Ces contradictions conduisent à des explosions, à des cataclysmes, à des crises, où, par la suspension momentanée du travail et l’anéantissement d’une grande partie du capital, celui-ci est violemment ramené au point où il peut continuer à jouir pleinement de sa puissance productive sans se suicider». [19]
Étudier ce processus inhérent au capitalisme permet de comprendre les développements complexes qui se produisent sous la surface et qui ont vu l’éruption de la lutte des classes à la fin des années 1960, qui a pris tous les révisionnistes par surprise. Seule la SLL avait analysé et préparé une telle évolution, en assimilant et en soulignant les contradictions complexes présentes dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.
Le boom de l’après-guerre reposait sur la croissance des forces productives. Cela signifiait qu’une plus grande plus-value était extraite de la classe ouvrière. Cette plus-value a permis à la bourgeoisie d’accorder certaines concessions à la classe ouvrière sous la forme d’aides sociales et de dépenses publiques en matière de santé, d’éducation, etc. Mais elle a aussi donné lieu à l’augmentation du capital constant par rapport au capital variable et a déclenché une baisse du taux de profit.
La tendance à la baisse du taux de profit a commencé au milieu et à la fin des années 1960 et s’est accélérée par la suite. La première réaction du capital a été de chercher à augmenter le taux d’exploitation dans le cadre du régime de production existant.
Cependant, cela a conduit à une augmentation du militantisme dans la classe ouvrière. Le boom économique a permis l’apparition de grandes concentrations de travailleurs et une forte croissance de leur organisation. Cela explique l’explosion de la lutte des classes au niveau international à la fin des années 1960, lorsque des sections militantes de travailleurs se sont rebellées contre les tentatives de la classe dirigeante d’imposer des accélérations de cadence et d’introduire de nouveaux mécanismes d’État pour réprimer les luttes salariales et surmonter la baisse des taux de profit.
Pour donner un exemple aux États-Unis, outre la levée de la garantie-or, l’administration Nixon a annoncé la création d’une commission des salaires chargée de limiter les augmentations salariales à 10 %. La montée du militantisme de la classe ouvrière américaine était telle que George Meany, le président de l’AFL-CIO, avait qualifié cette mesure d’évolution vers le fascisme.
1968-1975: La crise révolutionnaire mondiale et La crise du dollar
La période de 1968 à 1975 a été marquée par une immense lutte des classes, dont l’expression la plus forte a été la grève générale de mai-juin 1968 en France, «l’homme malade de l’Europe». Elle paralysa l’ensemble de l’économie française et ramena sur le devant de la scène européenne la question de la révolution. C’était le prélude à la plus grande offensive de la classe ouvrière depuis la Seconde Guerre mondiale.
En 1969, l’Allemagne de l’Ouest a connu les grèves de septembre, menées par des milliers d’ouvriers de la métallurgie, qui ont paralysé des pans entiers de l’industrie. Dans le même temps, l’Italie a connu ce que l’on a appelé «l’automne chaud», caractérisé par une vague de grèves, de protestations et de troubles sociaux. En Pologne et en Tchécoslovaquie, lors du «Printemps de Prague», les travailleurs se sont rebellés contre la dictature stalinienne.
Aux États-Unis, cette période a été marquée par d’immenses mouvements de grève, avec des grèves de cheminots, de mineurs et d’enseignants, des grèves sauvages de postiers, ainsi que des émeutes urbaines de grande ampleur dans tout le pays. Le début de l’année 1968 a été marqué par l’offensive du Têt du Front national de libération du Viêt Nam, qui a non seulement pris de court les États-Unis et les Sud-Vietnamiens, mais a également ébranlé l’idée de la «toute-puissance» de l’impérialisme américain.
Cela a alimenté les protestations de masse contre la guerre, qui n’ont été que renforcées par la révélation des représailles brutales exercées par les États-Unis à l’encontre de la population vietnamienne. Ces événements ont été mis en lumière de manière brutale par une enquête de Seymour Hersh sur le massacre de My Lai publiée en 1969.
En septembre 1970, au Chili, la coalition de l’Unité populaire d’Allende a été élue et portée au pouvoir par une classe ouvrière de plus en plus militante. Avant même l’élection, les travailleurs occupaient les usines et créaient des comités de travailleurs, tandis que les paysans s’étaient emparés de grands domaines. La perspective d’une révolution socialiste était bien réelle en Amérique du Sud, considérée comme l’«arrière-cour» des États-Unis.
Un document essentiel produit par la SLL et intitulé The Dollar Crisis (La crise du dollar) fournit un résumé détaillé de l’analyse des trotskistes britanniques au cours de cette période. Dans le projet de résolution présenté au Comité central et publié en 1973, intitulé L’évolution de la crise économique et financière d’après-guerre, la SLL a clairement indiqué qu’il s’agissait d’une crise insoluble du capitalisme.
C’est une confirmation de la lutte menée par le Comité international contre toutes les formes de révisionnisme antimarxiste. «Au cours des 20 dernières années et plus, écrit la SLL, ce sont les révisionnistes, dirigés par le fameux Secrétariat unifié, qui ont prêché la théorie du “néocapitalisme”. Selon cette théorie fallacieuse et antimarxiste, le capitalisme d’après-guerre a changé fondamentalement». [20]
Le document poursuit en analysant le système monétaire de Bretton Woods et la façon dont la crise est née de ses contradictions. Comme l’écrit la SLL, «l’éclatement de la crise actuelle a prouvé une fois de plus la justesse du jugement de Trotsky selon lequel, quelle que soit la force apparente du capitalisme américain, les contradictions de l’impérialisme étaient encore plus fortes». [21]
La crise du début des années 1970 était le résultat de la valeur accumulée du crédit, qui atteignait le double du stock d’or américain. La SLL a écrit: «Peu importe que les révisionnistes se soient moqués de l’analyse de la crise monétaire faite par la SLL, l’or et les marchandises sont indissociablement liés. C’était tout l’objet de l’analyse de Marx dans le Capital, un ouvrage que tous ces messieurs ont qualifié de “dépassé”. Aujourd’hui, la justesse de son analyse hante toutes les places financières capitalistes et les banques du monde entier». [22]
La SLL a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un ralentissement conjoncturel, mais d’une crise fondamentale du système capitaliste. Celle-ci réside dans la surproduction de capital sous la forme de montagnes de créances papier parasitaires sur un taux de profit de l’économie américaine en constante diminution. C’est-à-dire dans des conditions baisse tendancielle du taux de profit.
Toutes les institutions de Bretton Woods ont été utilisées, au cours des 25 dernières années et plus, pour construire une énorme superstructure de crédit. La grande majorité des échanges commerciaux n’est pas réalisée avec de l’or ou des dollars, mais par le biais de crédits accordés par rapport au dollar. Ces institutions de crédit sont à leur tour utilisées pour investir dans des machines et des équipements à grande échelle dans le monde capitaliste. Dans ce processus, la valeur des actions a été gonflée au-delà de tout lien avec leur valeur réelle.
Ce volume de capital extrêmement gonflé doit maintenant chercher à gagner son taux de profit par l’exploitation de la force de travail. Mais même l’augmentation la plus brutale du taux d’exploitation de la classe ouvrière d’Europe et d’Amérique ne peut résoudre cette crise pour les capitalistes, même si, bien sûr, ils seront poussés à tenter une solution dans cette direction.
Seule l’élimination violente des valeurs du capital sur une vaste échelle peut maintenant rétablir les proportions «correctes» entre la réserve de capital constant et le surplus disponible extrait de la classe ouvrière. [23]
C’est précisément ce qui se préparait. Il a fallu du temps à la bourgeoisie pour stabiliser son pouvoir dans la période de crise des années 1960 et 1970, en s’appuyant directement sur les staliniens, la social-démocratie et la bureaucratie syndicale, tous aidés principalement par le pablisme.
Ce faisant, elle a lancé une offensive internationale contre la classe ouvrière, dont la férocité était motivée par la nécessité pour le capital mondial de surmonter la baisse du taux de profit, non seulement en vainquant la classe ouvrière, mais aussi en restructurant l’économie.
Enfin, le document prévient que ce à quoi l’on assistait était l’application de la loi de la valeur:
En tant que loi objective qui s’affirme contre les deux classes, elle cherche en quelque sorte à se venger violemment des 25 dernières années au cours desquelles la classe capitaliste et ses alliés révisionnistes et réformistes ont tenté de l’ignorer ou de l’écarter. Et, comme toutes les lois du développement social, elle n’opère pas d’une manière régulière, ni d’une manière que l’on peut anticiper, mais seulement de la manière la plus convulsive. [24]
La reconnaissance de la nature objective de cette crise a fait place à une analyse de la nature révolutionnaire de la période. C’est là que réside l’importance durable du travail de la SLL en matière d’économie politique. Contre toutes les formules des pablistes, comme Mandel, selon lesquelles une nouvelle ère du capitalisme s’était ouverte, elle a dit à une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes que les contradictions de ce système menant à son effondrement n’avaient pas été surmontées. En soulignant cela, il l’a exhortée à se battre pour le programme de la révolution socialiste mondiale.
L’école de Francfort et le «capitalisme tardif» de Mandel
La réaction de l’intelligentsia petite-bourgeoise à cette période a été de se déplacer vers la droite. Au moment même où la classe ouvrière a démontré sa capacité révolutionnaire lors de la grève générale française de 1968, une partie des universitaires de la classe moyenne a réagi avec horreur, un processus retracé par David North dans The Frankfurt School, Postmodernism and the Politics of the Pseudo-Left (L’école de Francfort, le postmodernisme et la politique de la pseudo-gauche).
En mai-juin 1968, l’intelligentsia petite-bourgeoise a regardé l’abîme et a été terrifiée. Le fait d’avoir frôlé la révolution a déclenché un brusque mouvement vers la droite. [25]
Les différents «nouveaux» philosophes qui ont émergé ont adopté l’anticommunisme sous la bannière des «droits de l’homme». D’autres sections qui s’étaient auparavant identifiées à la gauche ont répudié le marxisme classique. À la place, ils ont adopté l’idéalisme subjectif irrationnel du postmodernisme et l’obsession de l’identité individuelle.
Les travaux de Mandel au cours de cette période reflètent ce changement. On peut le constater dans son livre Late Capitalism, qui est en fait son nouveau terme pour désigner le néocapitalisme, publié pour la première fois en 1972, dans lequel il écrit ce qui suit:
La contradiction grandissante entre le travail objectivement socialisé et l’appropriation privée est déterminée non seulement par la troisième révolution technologique, la nécessité croissante d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et l’élargissement de l’horizon culturel et politique de la classe ouvrière, mais aussi par le fossé entre l’abondance potentielle, d’une part, et l’aliénation et la réification réelles, d’autre part. Alors qu’à l’époque du capitalisme classique, l’impulsion principale des luttes ouvrières provenait de la tension entre le présent et le passé, elle réside aujourd’hui dans la tension entre le réel et le possible. [26]
Ce passage montre clairement le nouveau changement d’orientation et de perspective de classe qui sous-tendait les tentatives incessantes de Mandel d’opposer la période d’après-guerre au «capitalisme classique» ou à l’«impérialisme classique». Désormais, la question de la transformation socialiste de la société devait découler d’une comparaison entre la situation actuelle et ce qui serait possible si les forces productives étaient développées de manière rationnelle.
Le point de vue de Mandel n’était pas que le prolétariat était la force révolutionnaire dans la société, mais que des sections de la petite-bourgeoisie seraient l’agence de transformation sociale, en raison de leur indignation face aux excès et aux irrationalités du système capitaliste. Dans la vision du monde de Mandel, même des sections de la bourgeoisie finiraient par comprendre la nécessité d’une réorganisation rationnelle de la société.
Face à l’abondance potentielle et au développement possible des pouvoirs créatifs de l’individu, la lassitude croissante face à la production insensée de biens de qualité inférieure, les sentiments d’anxiété largement répandus parmi les travailleurs et les capitalistes, résultant de la répression de l’auto-activité spontanée et de la propagation d’une insécurité généralisée, sont autant d’éléments qui ont été mis en évidence, la contrainte de «se conformer» et de «réussir» caractéristique de la société bourgeoise, la solitude croissante de la vie sociale et la frustration face à la publicité et à la différenciation des produits, la détérioration de l’état des transports de masse, la dégradation des conditions de logement et l’étranglement des grandes villes deviennent de plus en plus insupportables. Au moment même où l’auto-développement de l’individu social serait incomparablement plus facile à réaliser qu’auparavant, sa concrétisation semble s’éloigner de plus en plus. [27]
Dans ce paragraphe, on peut voir le glissement vers les théoriciens du postmodernisme, la politique de l’identité et l’accent marcusien sur les facteurs psychologiques. Tout devient filtré à travers la lentille de l’individu, de l’auto-développement, des frustrations personnelles liées à la vie sous le capitalisme. La classe ouvrière, déjà considérée comme n’étant plus une force révolutionnaire, est écartée au profit des caprices d’une couche de la classe moyenne qui se rapproche de plus en plus de la droite. Tout cela en réaction au plus grand mouvement révolutionnaire des travailleurs depuis la crise qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.
La lettre de Banda à Wohlforth et la grève des mineurs britanniques de 1974
En revanche, le Comité international cherchait à tracer une voie pour la classe ouvrière et à préparer la lutte pour le pouvoir. Les trotskistes britanniques accordèrent une attention particulière à la perspective et à l’analyse développées par la Workers League (WL) au cours de cette période.
Dans une lettre adressée par Mike Banda à Tim Wohlforth, secrétaire national de la WL à l’époque, datée de février 1973, Banda cherchait à comprendre la crise des liquidités en cours aux États-Unis. Cette lettre a été écrite au moment où The Dollar Crisis était en cours de rédaction et de publication.
Dans sa note, Banda souligne que le déficit accumulé par les États-Unis était «considéré comme indispensable au fonctionnement du système de Bretton Woods» et qu’il était nécessaire pour que les nations européennes transforment «leurs excédents d’exportation en liquidités». [28]
Cependant, la source internationale de ces liquidités était le dollar, qui est devenu le «talon d’Achille» du FMI. À la fin des années 1950, le déficit atteignit des proportions gigantesques, proches de 3 milliards de dollars.
Cet investissement était directement lié à la chute des taux de profit aux États-Unis et à l’énorme croissance des créances parasitaires papier sur un taux de profit de plus en plus faible dans l’économie américaine.
Mais la crise a commencé lorsque, parallèlement à l’augmentation des investissements américains, les banques centrales européennes ont commencé à échanger leurs dollars inflationnistes contre de l’or. C’était le résultat direct du déficit qui, à son tour, était censé être la condition sine qua non de la stabilité monétaire. Par conséquent, le stock d’or américain est passé de 25 milliards de dollars en 1950 à 10,5 milliards de dollars en 1968. [29]
Banda a tiré deux conclusions importantes de ce processus:
1. Les engagements accumulés en dollars représentaient deux fois le stock d’or des États-Unis, ce qui avait provoqué une crise de confiance et entraîné une augmentation des conversions en or, aggravant à son tour la crise.
2. Cette situation a coïncidé avec une offre d’or insuffisante pour répondre aux exigences du FMI. Le seul moyen d’y remédier était que les pays augmentent leurs avoirs en dollars, ce qui creusait encore le déficit de la balance des paiements des États-Unis.
Ce sont ces deux processus simultanés que les États-Unis ont cherché à surmonter en mettant fin à la garantie or du dollar et en introduisant une série de nouvelles mesures économiques sous l’administration Nixon. Ces mesures allaient avoir un impact profond sur le commerce et les conditions économiques dans les pays du monde entier.
À la fin de sa lettre, Banda mettait en garde contre toute idée selon laquelle les développements aux États-Unis ne se feraient que sur la base d’une série de «bonds» et que la lutte difficile, et parfois prolongée, contre l’opportunisme était au centre d’une orientation vers la classe ouvrière.
Concevoir les développements aux États-Unis comme se déroulant uniquement par «bonds» est une erreur et une erreur dangereuse. Il n’y aura pas seulement des «bonds», mais aussi beaucoup de luttes difficiles et peu spectaculaires contre les staliniens et les révisionnistes, qui exigeront une grande fermeté théorique et une grande habileté tactique. [30]
Un an seulement après la lettre à Wohlforth et la publication de The Dollar Crisis, l’explosion que le SLL avait prédite a éclaté en Grande-Bretagne avec la grève des mineurs britanniques en 1974. C’était le point culminant d’une série de luttes de plus en plus militantes menées par les travailleurs au début des années 1970, en opposition à l’inflation croissante et à la tentative du gouvernement conservateur du Premier ministre Edward Heath de faire reculer les salaires et les conditions de travail.
La grève a débuté le 9 février de cette année-là, en opposition à la tentative du gouvernement Heath d’imposer un gel des salaires. Il y eut des piquets de grève massifs, des affrontements avec la police et des coupures d’électricité en raison de la perturbation de l’approvisionnement en charbon. Le gouvernement Heath a réagi en convoquant des élections générales anticipées, dans l’espoir d’obtenir un soutien lui permettant d’utiliser la violence de l’État pour briser la grève.
Au lieu de cela, la grève s’est poursuivie jusqu’aux élections, recueillant un soutien supplémentaire, ce qui a conduit à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement travailliste minoritaire. Les tensions étaient si vives que certains membres de la classe dirigeante ont envisagé de déclarer l’état d’urgence et de renverser le gouvernement après la défaite de Heath.
Cette période révolutionnaire avait été anticipée par la SLL. Cependant, à ce stade, les dirigeants de la SLL avaient commencé à prendre du recul par rapport à la «lutte peu spectaculaire» contre le révisionnisme. Cela s’est traduit par la fondation du Workers Revolutionary Party (WRP) en novembre 1973, qui s’est déroulée sans discussion au sein du Comité international ni examen approfondi des leçons tirées de la lutte contre le pablisme.
Son programme s’est adapté au sentiment anti-conservateur grandissant, se concentrant presque entièrement sur l’éviction du gouvernement Heath et l’arrivée des travaillistes. La concrétisation de cette perspective, quatre mois seulement après sa création, a posé de profonds problèmes à la direction du WRP.
Il convient toutefois de souligner que la dégénérescence opportuniste de la SLL/WRP ne s’est pas déroulée en ligne droite. La clarification politique essentielle de la période d’après-guerre a été fondamentale dans la formation des cadres du Comité international.
La Workers League approfondit l’analyse de la SLL
Si l’on examine l’analyse économique et politique de la SLL après 1971, on constate qu’elle s’est presque exclusivement concentrée sur le système monétaire, sur la levée de la garantie-or du dollar américain, plutôt que sur la manière dont la crise dollar-or a été résolue et dont cette résolution a elle-même donné lieu au développement de nouvelles contradictions.
Cependant, la Workers League a cherché à approfondir et à étendre l’analyse de la SLL sur la signification de l’effondrement des accords de Bretton Woods. Elle a cherché à établir la relation entre l’évolution de la base économique de la société capitaliste et la lutte des classes telle qu’elle s’était développée aux États-Unis et dans le monde.
Cela se retrouve dans sa résolution sur les perspectives de 1978, qui souligne que «le produit des accords de Bretton Woods de 1944 n’était pas le capitalisme «planifié», «géré» et «organisé» comme le prétendent ad nauseam les économistes keynésiens et les révisionnistes, mais plutôt un monstre de Frankenstein financier aujourd’hui totalement hors de contrôle». [31]
Ce monstre financier s’est développé à pas de géant depuis les années 1970 et s’est manifesté par une série de crises au cours de la période récente.
En ce qui concerne le développement de la lutte des classes, la perspective de la WL a souligné l’importance de la grève de 111 jours des mineurs en 1978 et leur défi à la loi Taft-Hartley. Le président américain Carter a réagi en nommant Paul Volcker au poste de président de la Réserve fédérale, où il devait jouer un rôle central dans la guerre des classes lancée par l’administration Reagan.
La résolution attira l’attention sur le lien entre la crise du dollar et la baisse du taux de profit qui avait marqué la fin du boom de l’après-guerre.
La crise du dollar a fortement exacerbé la chute du taux de profit dans l’industrie de base, ce qui, à son tour, rend l’impérialisme américain moins apte à satisfaire l’énorme demande d’une montagne de crédit papier sur une quantité relativement décroissante de plus-value dans l’industrie. [33]
Le développement de ce que la résolution appelle «la grande machine à imprimer du dollar» a conduit à une inflation d’environ 12 % et a alimenté le développement de la lutte des classes, tirant la sonnette d’alarme dans les cercles dirigeants. C’est ce qui ressort d’une citation de Business Week dans la résolution:
Les États-Unis sont encore loin d’une lutte des classes ouverte, mais de nombreuses personnes s’inquiètent de ce qui se passera si l’inflation se maintient à un niveau proche de ce que l’on a vu récemment... Aujourd’hui, les perspectives économiques sont assombries, l’inflation ne faiblit plus et ce pays pourrait se diriger vers la pire période de dislocation économique et sociale depuis la guerre de Sécession. [34]
Le capitalisme américain a été confronté au fait que ses problèmes les plus fondamentaux, notamment la baisse du taux de profit, ne pouvaient être résolus dans le cadre industriel de l’après-guerre. Ce qu’il fallait, c’était une restructuration fondamentale des relations économiques et des rapports de classe. Telle est la signification des mesures prises par Reagan.
Les mesures Volcker, qui ont fait grimper les taux d’intérêt jusqu’à 20 %, ont provoqué la récession la plus profonde depuis la Grande Dépression – un bélier dirigé contre la classe ouvrière. Des pans entiers de l’industrie américaine ont été contraints de fermer, alors qu’ils s’étaient développés depuis l’industrialisation de la fin du XIXe siècle et les trois quarts du XXe siècle, en expansion pendant le boom de l’après-guerre.
Cette restructuration a impliqué le développement de méthodes de production informatisées et le développement d’une production mondialisée pour tirer parti d’une main-d’œuvre bon marché. Cependant, rien de tout cela n’aurait été possible sans la collaboration de la bureaucratie syndicale.
L’analyse de la Workers League a approfondi ce qui avait été identifié par la SLL, à savoir que la question de la valeur n’avait pas été surmontée. Au contraire, elle continue à se poser dans toutes les tempêtes qui éclatent de plus en plus dans le système financier.
Conclusion
Nous sommes aujourd’hui dans une période où l’effondrement du capitalisme a atteint un point tel que la lutte pour le pouvoir est à nouveau à l’ordre du jour. Comme le précise le document sur les perspectives du Nouvel An publié sur le World Socialist Web Site, la pression accumulée de ces «éléments s’entre-croisant de la crise capitaliste mondiale a atteint l’équivalent de la masse critique. C’est-à-dire qu’ils ont atteint le point où la dynamique de la crise dépasse la capacité des gouvernements à contrôler le mouvement vers un cataclysme social». [35]
La question n’est pas de savoir si les luttes révolutionnaires vont se développer, mais si une direction révolutionnaire sera construite à temps. Cela implique l’assimilation des leçons de l’histoire de la Quatrième Internationale et, surtout, de la lutte cruciale menée par le CIQI contre le pilier idéologique de l’ordre bourgeois, à savoir le pablisme.
[1] Ernest Mandel, The Economics of Neo-Capitalism, The Socialist Register, 1964, p.61.
[2] Ernest Mandel, A Socialist Strategy for Western Europe, 1965, p.1.
[3] Leon Trotsky, The Third International After Lenin, Pathfinder Press, United States of America, 2010, p.99.
[4] Léon Trotsky, L’Internationale communiste après Lénine, https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical222.html
[5] The World Prospect of Socialism, Résolution adoptée par la Socialist Labour League, Londres, 1961, p. 84.
[6] Ibid., p. 84.
[7] Ibid., p. 84.
[8] Ibid., p. 84.
[9] Ibid., p. 84.
[10] Ibid., p. 84.
[11] Ibid., p. 109.
[12] Ibid., p. 109.
[13] Ibid., p. 94.
[14] Ibid., p. 109.
[15] Ibid., p. 110.
[16] Ernest Mandel, Workers Under Neo-capitalism, Un document présenté initialement à la Socialist Scholars Conference, 1968.
[17] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Chapitre X. La place de l’impérialisme dans l’histoire : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp10.htm
[18] David North, L’héritage que nous défendons, https://www.wsws.org/fr/special/library/heritage-que-nous-defendons/30.html
[19] Karl Marx, Grundrisse, Capital as Fructiferous. Transformation of Surplus Value into Profit.
[20] Brochure de la Socialist Labour League, The Dollar Crisis, 1. The Revisionists and the Crisis.
[21] Ibid., 3. The Growth of the American Balance-of-Payments Crisis.
[22] Ibid., 8. Not Merely Trade War.
[23] Ibid., 8. Not Merely Trade War.
[24] Ibid., 8. Not Merely Trade War.
[25] David North, The Frankfurt School, Postmodernism and the Politics of the Pseudo-left, Mehring Books, Oak Park, Michigan, 2015, p. 214.
[26] Ernest Mandel, Late Capitalism, Chapter 18. The Crisis of Capitalist Relations of Production, First published as Der Spätkapitalismus, Suhrkamp Verlag, Berlin 1972.
[27] ibid.
[28] From Mike Banda to Tim Wohlforth in Trotskyism versus Revisionism, Vol. 7, Labor Publications, Grand River, Detroit, 1984, p. 234.
[29] Ibid., p. 234.
[30] Ibid., p. 236.
[31] The World Economic-Political Crisis and the Death Agony of U.S. Imperialism, November 7, 1978, p. 1.
[32] Ibid., p. 2.
[33] Ibid., p. 9.
[34] Ibid., p. 9.
[35] https://www.wsws.org/fr/articles/2023/01/05/pers-j05.html
(Article paru en anglais le 8 septembre 2023)