Face à l’escalade de la crise politique en Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahou pousse à une confrontation totale avec les Palestiniens.
Les Forces de défense israéliennes (FDI), la police et les groupes de colons lancent des attaques quasi quotidiennes contre des villes et des villages de Cisjordanie. Ces attaques sont sciemment conçues pour inciter à des représailles et créer ainsi un climat de peur et d’appréhension en Israël, afin de détourner les tensions sociales explosives et l’opposition politique au gouvernement de Netanyahou vers un «ennemi commun».
Netanyahou intensifie en même temps sa rhétorique contre l’Iran et ses alliés en Syrie et au Liban. En accusant «l’Iran et ses mandataires cancéreux» d’être à l’origine des attaques en Cisjordanie, occupée illégalement par Israël depuis la guerre israélo-arabe de 1967 au mépris du droit international et des résolutions de l’ONU, Netanyahou espère faire dérailler le mouvement de protestation qui s’oppose aux efforts de son gouvernement d’extrême droite pour s’octroyer des pouvoirs dictatoriaux, et unir les Israéliens face à la menace d’une guerre plus vaste.
«Le Hamas et les autres mandataires iraniens comprennent très bien que nous lutterons par tous les moyens contre leurs tentatives de promouvoir le terrorisme contre nous, en Cisjordanie, à Gaza et partout ailleurs», a-t-il déclaré la semaine dernière.
Dimanche, il a réitéré son message déclarant: «Je voudrais également lancer un appel aux citoyens d’Israël: nous faisons face à des vagues de terrorisme, tant internes qu’externes. Ce ne sont pas des temps simples, ce sont des temps difficiles. Nous devons unir nos forces contre le terrorisme, contre la criminalité dans le secteur arabe et contre les menaces externes et internes organisées, dans une large mesure, par l’Iran via ses mandataires. Si nous restons unis, nous vaincrons. C’est l’appel que je lance à tous les membres du gouvernement, aux députés et à tous les citoyens israéliens.
Les déclarations de Netanyahou sont intervenues après une interview télévisée, sur la chaîne libanaise Al Mayadeen Al-Arouria, de Saleh al-Arouri, le porte-parole du Hamas, un groupe clérical bourgeois qui contrôle la bande de Gaza et compte des partisans en Cisjordanie. Celui-ci y déclarait que tout reprise par Israël des assassinats ciblés des dirigeants du Hamas – de même que ses tentatives de prise de contrôle de l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est, que réclament les partenaires fascistes de la coalition, pourraient déclencher une «guerre régionale». Il a averti: «La guerre totale sera une défaite pour Israël».
Hassan Nasrallah, chef du parti islamiste chiite Hezbollah, a averti que toute tentative d’Israël de cibler un membre important du Hamas vivant au Liban serait accueillie par une «sévère réaction».
Les attaques menées contre des Israéliens par des Palestiniens déterminés à résister à la répression brutale d’Israël faisaient suite à des opérations massives de fouilles et d’arrestations menées par les FDI dans des villes de la Cisjordanie, qui est soit-disant sous le contrôle total de l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas. Les soldats ont bouclé des villes et des villages et soumis leurs habitants à un couvre-feu.
Ces opérations quasi quotidiennes à la recherche d’individus soupçonnés d’avoir tué des Israéliens – 26 Israéliens, dont six enfants, ont été tués depuis le début de l’année – ont entraîné la mort d’au moins 206 Palestiniens, dont 170 en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et 36 à Gaza, parmi lesquels 35 enfants, et blessé des centaines d’autres par balles réelles et par des gaz lacrymogènes depuis le début de l’année 2023.
Les exécutions des FDI sont désormais «normalisées» en tant que politique approuvée par l’État. La brutalité meurtrière de l’armée reste non seulement impunie, mais elle est minimisée par les politiciens extrémistes israéliens qui déclarent que les FDI n’en font pas assez pour dissuader les «terroristes». Netanyahou et ses chefs de la sécurité mènent une campagne de dénigrement contre le chef d’état-major des FDI, le lieutenant-général Herzi Halevi. Le fils du Premier ministre, Yair, a partagé un message, supprimé par la suite, dans lequel il qualifiait Halevi de pire chef d’état-major de toute l’histoire.
La semaine dernière, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, leader fasciste du Pouvoir juif, a déploré à la télévision que Halevi «ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour protéger les citoyens israéliens» et a appelé à un retour aux assassinats ciblés et au refus de permis d’entrée pour les travailleurs palestiniens.
Ben Gvir veut une loi qui donne à la police le pouvoir d’emprisonner des citoyens israéliens sans procès ni inculpation, comme c’est le cas en Cisjordanie, ainsi qu’une «garde nationale» sous son contrôle. Il a supervisé la répression des prisonniers palestiniens – au moins 1.500 Palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes – y compris la prise d’assaut d’une prison dans le Néguev et l’extraction par la force de 75 prisonniers de leurs cellules et leur relocalisation, ce qui a incité des centaines de prisonniers politiques à menacer d’entamer une grève de la faim.
Les actions de la police israélienne ne sont pas moins barbares que celles de l’armée. La semaine dernière, Orwah Sheikh Ali, un Palestinien de 22 ans du camp de réfugiés de Shuafat, à Jérusalem-Est, a déclaré au tribunal de première instance de Jérusalem que son visage avait été marqué de l’étoile de David, le symbole national d’Israël, après son arrestation pour trafic de drogue, accusation qu’il nie, et sa détention dans un poste de police où il a été brutalisé et torturé, notamment par l’application d’un sac en plastique sur sa tête.
Ben Gvir a également affirmé que les politiques «problématiques» du ministre de la Défense Yoav Gallant en Cisjordanie avaient fait des colons des «cibles faciles». Il a déclaré, dans une démonstration éhontée de la politique d’apartheid du gouvernement: «Mon droit, le droit de ma femme, le droit de mes enfants de se déplacer librement sur les routes de Judée et de Samarie [la Cisjordanie] sont plus importants que celui des Arabes».
Sous la protection physique de l’armée et avec l’encouragement politique des politiciens ultra-nationalistes israéliens, les groupes d’auto-défense des colons ont mené en Cisjordanie une campagne quotidienne de harcèlement, d’intimidation et de violence. Leur but est de chasser les Palestiniens de leurs terres et vers les pays voisins – une répétition du nettoyage ethnique mené par les forces israéliennes entre 1947 et 1949, où plus de 700.000 Palestiniens ont été forcés de fuir leurs foyers.
Selon les statistiques de l’ONU, les attaques des colons sont en hausse depuis 2016. L’année dernière il y eut 228 attaques ayant fait des victimes. Cette année, les colons ont tué au moins huit Palestiniens, contre cinq pour l’ensemble de 2022 et en ont blessé des centaines d’autres ; ils ont infligé des dommages et des destructions aux maisons, aux biens et aux terres agricoles des Palestiniens.
Début août, Ben Gvir a qualifié de «héros» deux colons accusés d’avoir tué Qusai Jamal Maatan, un Palestinien de 19 ans, dans le village de Burqa, en Cisjordanie ; il a déclaré que toute personne se défendant contre des «jets de pierres» devait «recevoir une mention élogieuse». Les commentaires de Ben Gvir étaient si embarrassants que les sponsors d’Israël à Washington se sont sentis obligés de condamner sa «rhétorique raciste», de qualifier le meurtre de Maatan d’«attentat terroriste» et de lancer un piteux appel à «l’obligation de rendre des comptes et à la justice».
Bezalel Smotrich, ministre des Finances et chef du parti fasciste Sionisme religieux, a pris la défense de Ben Gvir, accusant les États-Unis d’hypocrisie. «Les États-Unis ne sont pas en mesure de s’en prendre à Israël sur les questions des droits de l'homme, étant donné la manière dont leur armée a agi en Irak et en Afghanistan. Les États-Unis ne devraient pas prêcher la moralité à Israël,» a-t-il déclaré.
Les plans de guerre de Netanyahou contre les Palestiniens, qui risquent d’entraîner une conflagration régionale beaucoup plus importante, contrecarrent les efforts du gouvernement Biden pour rallier l’Arabie saoudite à son alliance anti-iranienne (les accords d’Abraham) et pour contrarier les relations croissantes de Riyad avec la Chine. Lundi, Smotrich a prévenu qu’en dépit de sa volonté de parvenir à une percée dans les pourparlers de normalisation avec l’Arabie saoudite, le gouvernement n’accepterait aucun «geste» pro-palestinien en échange d’un futur accord.
L’agitation qui règne en Libye, où des manifestations de grande ampleur reflètent une hostilité profonde à l’égard de la répression des Palestiniens, vient contrarier encore plus les projets de Washington visant à promouvoir une normalisation entre Israël et d’autres pays arabes,
Ces manifestations ont éclaté après que le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, eut annoncé qu’il avait rencontré son homologue libyen Najla al-Mangoush à Rome la semaine dernière, pour une réunion qu’il a qualifiée d’«historique» et de «première étape des liens entre Israël et la Libye». Le Premier ministre libyen Abdul Hamid Dbeiba, soutenu par les États-Unis contre le gouvernement rival de Benghazi, appuyé par l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Russie, a été obligé de nier avoir autorisé la rencontre et de renvoyer al-Mangoush, qui s’est réfugiée en Turquie.
(Article paru d’abord en anglais le 30 août 2023)