Les dernières données en provenance de Chine montrent que le ralentissement de la deuxième économie mondiale, qui se traduit par des tendances déflationnistes significatives, ne s'atténue pas. En outre, celle-ci risque de ne pas atteindre l'objectif officiel, déjà faible, d’une croissance de 5,5 pour cent cette année.
Selon les chiffres officiels publiés lundi, l'économie a progressé de 6,3 pour cent au deuxième trimestre par rapport à l'année précédente. Toutefois, ce chiffre est inférieur aux attentes et cache la situation réelle plus qu'il ne la révèle, car il y a un an Shanghai et d'autres villes étaient bloquées par le COVID.
Les données trimestrielles donnent une évaluation plus précise. Elles montrent que la croissance n'a été que de 0,8 % au cours du deuxième trimestre, contre 3,2 pour cent dans les trois premiers mois de l'année.
Les pressions à la baisse sont généralisées: affaiblissement des dépenses après l'impulsion initiale de la levée des mesures anti-COVID; pressions déflationnistes dans l'ensemble de l'économie; problèmes persistants sur les marchés du logement et de l'immobilier; et baisse continue des recettes d'exportation.
Les ventes au détail n'ont augmenté que de 3,1 pour cent en juin par rapport à l'année précédente, contre une augmentation de 12,7 pour cent en mai.
Louis Kuijs, économiste en chef pour l’Asie-Pacifique chez S&P Global Ratings, a déclaré à Bloomberg: «Nous nous attendions tous à une reprise tirée par la consommation et les services. Si celle-ci s’essouffle, il n’y a plus de moteur pour la reprise».
L’ampleur de la déflation a été mise en évidence par un article du magazine The Economist. Celui-ci note que la croissance «nominale» de la Chine, c’est-à-dire la croissance avant correction de l’inflation, est plus faible que le chiffre corrigé de l’inflation. En général, c’est l’inverse qui se produit.
«Cela suggère que les prix des biens et services chinois sont en train de chuter. En effet, cela signifie qu’ils ont baissé de 1,4 pour cent au cours de l’année jusqu’au deuxième trimestre, ce qui serait la plus forte baisse depuis la crise financière mondiale».
Les prix à la consommation n’ont pas augmenté du tout au cours de l’année qui s’est achevée en juin et les prix à la production, c’est-à-dire, les prix facturés par les usines, ont chuté de 5,4 pour cent.
L’économie chinoise est également frappée au plan international. La hausse des taux d’intérêt par les grandes banques centrales entraîne un ralentissement de la demande pour ses exportations. En juin, celles-ci ont chuté de 12,4 pour cent en dollars, soit la plus forte baisse en glissement annuel depuis le début de la pandémie.
La situation ne devrait pas s’améliorer du fait que l’économie mondiale s’affaiblit. Le Fonds monétaire international prévoit une croissance économique mondiale de seulement 2,8 pour cent cette année, certains la présidant encore plus faible.
Un commentaire de David Lubin, responsable des marchés émergents à la société financière internationale Citi, publié dans le Financial Times, détaille certaines tendances significatives du commerce mondial.
Lubin note que selon les données de Citi, la croissance annuelle des volumes d’importation est devenue négative l’année dernière et l’est toujours cette année, et qu’il y a «peu de raisons de penser que les choses vont s’améliorer».
Selon lui, la croissance économique mondiale sera d’environ 2,3 pour cent cette année. L’année prochaine «sera presque certainement plus faible que cela, notamment parce que les grandes banques centrales cherchent, en fait, à provoquer des ralentissements pour reprendre le contrôle de l’inflation».
Cela créerait un environnement plus hostile pour le commerce, écrit-il. Il note que «la dernière fois que le monde a connu deux années consécutives de croissance inférieure à 2,5 pour cent, c’était dans le sillage de la crise financière».
La Chine subit une pression supplémentaire en raison des guerres commerciales et technologiques que lui livrent les États-Unis. Washington affirme que ses interdictions d’exporter des produits de haute technologie vers la Chine ne visent qu’une gamme étroite de technologies qui ont des applications militaires et ne concernent pas l’économie en général. Il affirme vouloir atténuer les tensions, mais ses actes sont plus éloquents que ses paroles.
À la réunion des ministres des Finances du Groupe des 20, qui s’est tenue en Inde au début de la semaine, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a déclaré que sa récente visite à Pékin avait pour but de placer les relations avec la Chine sur une «base plus solide».
Mais lors d'une conférence de presse ultérieure, elle a exclu de supprimer ou même d'assouplir les tarifs douaniers imposés sur les produits chinois par le gouvernement Trump.
«Les tarifs douaniers ont été mis en place parce que nous étions préoccupés par les pratiques commerciales déloyales de la Chine et nos préoccupations à cet égard demeurent», a-t-elle déclaré.
Face à la dégradation de l’environnement international, le régime de Xi Jinping cherche à stimuler la demande intérieure. Le type de mesures de relance qu’il a utilisé dans le passé en réponse à la crise financière mondiale n’est toutefois plus disponible dû à la croissance de la dette.
Après avoir supprimé toutes les mesures de lutte contre la propagation du COVID, Pékin s’attendait à une relance de l’économie. Mais après une croissance plus rapide que prévu dans les trois premiers mois de l’année, l’économie a connu un ralentissement brutal dû à la baisse des ventes au détail, des investissements et des ventes de biens immobiliers.
Selon une note récente des analystes de Citi, « la Chine est au bord d’un “piège de confiance” s’auto-réalisant, car l’impulsion initiale de réouverture commence à disparaître ».
Le très important marché immobilier suit la même tendance que le reste de l’économie. Au début de l’année, il semblait se remettre de la vague de défauts de paiement des sociétés immobilières et des projets immobiliers inachevés, les acheteurs revenant sur le marché.
Cette reprise s’avère de courte durée. Le prix des nouveaux logements a chuté en mai. Selon le cabinet de conseil Gavekal Dragonomics axé sur la Chine, les ventes de biens immobiliers ne représentent plus que 70 pour cent de leur niveau de 2019 et les mises en chantier sont tombées à 40 pour cent de ce niveau.
Une enquête menée par la société financière japonaise Nomura révèle la même chose. Plus spécifiquement, elle montre que le volume des transactions immobilières, mesuré en surface au sol, a chuté de 19,2 pour cent en glissement annuel en juin, après une baisse de 3,5 pour cent en mai.
En novembre dernier, le gouvernement a pris des mesures pour tenter de stimuler le secteur de l’immobilier, mesures qu’il a poursuivies au début du mois en assouplissant les règles relatives à l’extension des dettes.
Selon un article du Financial Times cependant, «ses efforts n’ont jusqu’à présent pas réussi à relancer l’activité du marché».
Andrew Lawrence, analyste immobilier pour l’Asie à la société financière TS Lombard, a déclaré au FT: «Ce que nous voyons apparaître, c’est un manque total de confiance dans le secteur immobilier chinois».
L’article indique que jusqu’à présent, les mesures de soutien du gouvernement n’ont concerné que les promoteurs dits «de haute qualité», laissant les promoteurs en défaut de paiement et les opérations de restructuration se débrouiller seuls.
«Le modèle de financement des promoteurs chinois est brisé», a déclaré Lawrence, «et il n’y a rien pour le remplacer. Au bout du compte, ils n’auront plus rien à vendre et n’auront plus de revenus».
Face à l’aggravation de la situation économique, la position officielle est que la Chine n’est pas confrontée à la déflation. Lors d’une conférence de presse tenue à la suite de données montrant que les prix à la consommation étaient inchangés, le gouverneur adjoint de la Banque populaire de Chine, Liu Guoqiang, a déclaré que la Chine n’était pas en déflation et qu’elle «ne montrerait pas de signes de déflation au cours du second semestre de cette année».
Dans ce contexte de ralentissement, les cercles dirigeants s’inquiètent de l’augmentation du chômage des jeunes qui frappe les diplômés des universités et des grandes écoles, incapables de trouver un emploi bien rémunéré dans la filière qu’ils ont choisie.
Le taux de chômage des personnes âgées de 16 à 24 ans a atteint dans les zones urbaines un nouveau record de 21,3 pour cent au second trimestre. La réponse officielle est qu’elles doivent «travailler dur» et accepter les emplois disponibles. Mais elle passe mal chez les jeunes diplômés dont les familles ont dépensé des sommes considérables pour assurer leur éducation et qui ont étudié dur, mais constatent qu’il n’y a rien pour eux lorsqu’ils cherchent un emploi.
(Article paru d’abord en anglais le 19 Juillet 2023)