Mardi, les États-Unis et les Philippines ont lancé les plus exercices militaires conjoints jamais organisés par les deux pays, auxquels participent plus de 17.500 soldats, dont environ 12.000 Américains, 5.000 Philippins et 111 Australiens. Ces opérations militaires, qui dureront 18 jours, montrent clairement que Washington se prépare à entrer en guerre avec la Chine dans un avenir proche.
Depuis son élection l’année dernière, Ferdinand Marcos Jr. a radicalement réorienté la politique étrangère philippine vers Washington. Il a rétabli les liens mis à mal par les six années de présidence de Rodrigo Duterte. Ce dernier avait cherchéàétablir des relations plus amicales avec la Chine. Marcos Jr. est le fils du dictateur du pays, qui a régné pendant une décennie et demie, et il est lui-même coupable d’avoir commis un grand nombre des mêmes crimes que le régime de son père. Il fait l’objet d’une condamnation à 353 millions de dollars devant les tribunaux américains pour violation des droits de l’homme, mais le gouvernement Biden n’est que trop disposéàétouffer l’affaire dans la poursuite des objectifs de guerre de Washington.
Ces exercices militaires font suite à la visite provocatrice de la présidente taïwanaise Tsai Ing-Wen aux États-Unis. Pékin a depuis longtemps fait savoir que la revendication territoriale de la Chine sur l’île de Taïwan constituait une ligne rouge dont la violation ne serait pas tolérée. La visite de Tsai aux États-Unis, où on l’a traitée comme la représentante d’une nation souveraine et où on a discuté ouvertement l’entraînement militaire des troupes taïwanaises par les États-Unis, est passée proche d’une répudiation de la politique américaine d’une seule Chine, en vigueur depuis longtemps.
Pékin a réagi par une démonstration militariste, augmentant ainsi le risque de guerre. L’Armée populaire de libération a organisé des exercices aériens et navals autour de Taïwan et simulé des frappes sur l’île. Elle a diffusé une vidéo qui montre des missiles qui partent de Chine et qui explosent sur Taïwan.
La région Asie-Pacifique a été transformée en poudrière par les provocations incessantes de Washington et la mèche est courte.
Au cours des deux dernières années, Washington a organisé dans le monde entier des exercices militaires d’une ampleur sans précédent. Chaque exercice est conçu pour faire face à l’éclatement d’un conflit mondial avec la Russie et la Chine. Le mois dernier, Washington a organisé en Corée du Sud les exercices militaires continus les plus longs jamais enregistrés, s’inspirant de l’expérience de la guerre en Ukraine pour se préparer à une guerre avec la Chine.
Les exercices militaires conjoints aux Philippines sont des exercices annuels connus sous le nom de Balikatan (voulant dire épaule contre épaule en langue tagalog). Les exercices sont à leur 38e année. Comme les autres exercices militaires de Washington, le caractère de Balikatan a fondamentalement changé et le Philippine Daily Inquirer a noté que les exercices «appliquaient les leçons tirées de la guerre entre la Russie et l’Ukraine».
Au cours des dernières décennies, les exercices étaient principalement axés sur la répression interne. Les opérations de Balikatan étaient adaptées à la répression de l’insurrection communiste, du mouvement sécessionniste armé Moro dans le sud des Philippines et de l’agitation intérieure en général.
Les exercices Balikatan de cette année étaient en prévision d’une guerre mondiale. Les porte-parole militaires américains et philippins ont souligné le fait que Washington fournissait aux Philippines le même matériel qu’à l’Ukraine. L’artillerie HIMARS, des missiles Patriot et Javelin, des systèmes de défense aérienne Avenger; et des drones Reaper ont tous été déployés lors d’exercices qui visent explicitement la Chine.
Les exercices préparaient à une guerre avec la Chine qui éclaterait soit dans la mer de Chine méridionale, soit sur la question de Taïwan. Le chef d’état-major retraité des forces armées des Philippines, Emmanuel Bautista, a exposé les enjeux lorsqu’il a déclaréà la presse qu’«il était impossible pour les Philippines de ne pas être entraînées dans un conflit concernant Taïwan ou la mer de Chine méridionale… si on ne peut pas prévenir la guerre, on se prépare à la guerre».
Au cours des deux prochaines semaines, les forces militaires américaines et philippines organiseront des exercices de tir réel en mer de Chine méridionale. Ils vont couler un navire militaire dans les eaux proches du haut-fond de Scarborough (Panatag), qui a été un point conflictuel dans le passé. Ils organiseront des exercices littoraux destinés à simuler la reprise d’îles à des forces militaires hostiles.
Ces exercices militaires transformés ont lieu après l’annonce que Manille fournira à Washington quatre sites de base supplémentaires aux Philippines dans le cadre de l’«Accord de coopération renforcée en matière de défense» (EDCA). Cela porte à neuf le nombre total de bases américaines dans le pays.
Les quatre nouvelles bases ont été choisies en prévision d’une guerre avec la Chine. Trois d'entre elles sont situées dans les provinces les plus septentrionales de Cagayan et d'Isabela, juste en face du canal de Bashi, à proximité de Taïwan, et la quatrième se trouve à l'extrême ouest de Palawan, aussi près que possible des îles Spratly, qui font l'objet d'un litige.
Ces bases militaires se trouveront entièrement contrôlées par les États-Unis. Washington présente ces installations comme assurant une «présence rotative» pour une «interopérabilité renforcée». Les termes de l’EDCA révèlent toutefois qu’il s’agit d’installations gratuites contrôlées exclusivement par les Américains et soumises à la souveraineté extraterritoriale américaine. Il s’agit d’actifs néocoloniaux dans le cadre de la politique de guerre de Washington.
La journée de lundi a marqué la commémoration de la chute de Bataan aux mains des forces japonaises en 1942. L’occupation japonaise et la «libération» qui s’en est suivie par l’armée américaine de retour au pays ont ravagé le pays. Manille a été l’une des capitales les plus dévastées de la guerre, avec Berlin et Varsovie.
Le pays est très inquiet et craint que les Philippines ne soient entraînées dans une nouvelle guerre mondiale. À l’arrivée des troupes américaines dans le pays, la police de Manille a intercepté des jeunes qui manifestaient pacifiquement devant l’ambassade des États-Unis et les a traînés en prison.
Dans un discours prononcé à l’occasion d’une commémoration, Marcos a déclaré: «Nous ne laisserons pas nos bases être utilisées pour quelque action offensive que ce soit». L’histoire dément cette affirmation. Les bases américaines aux Philippines – la base aérienne de Clark et la base navale de Subic – étaient le centre névralgique de l’empire américain. Elles ont réparé et ravitaillé les avions qui ont bombardé le Vietnam, le Cambodge et le Laos, causant la mort de centaines de milliers de personnes.
Alors que les exercices militaires étaient lancés, le secrétaire philippin aux Affaires étrangères et le secrétaire à la Défense se sont rendus à Washington pour rencontrer leurs homologues dans un dialogue ministériel 2+2, le premier en sept ans. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin ont rencontré les ministres philippins des Affaires étrangères, Enrique Manalo, et de la Défense, Carlito Galvez Jr.
Ils ont publié une déclaration commune insistant sur le fait que la Chine devait «se conformer pleinement» à la décision rendue en 2016 par le Tribunal international du droit de la mer, que les quatre ministres ont déclarée «définitive et juridiquement contraignante». L’hypocrisie de Washington est stupéfiante. Washington n’est même pas signataire du droit international qu’il exige à la Chine de respecter. La réunion 2+2 a annoncé que les États-Unis et les Philippines mèneraient des patrouilles conjointes dans la mer de Chine méridionale contestée, dans l’intention de faire appliquer cette décision, peut-être à partir de Balikatan.
À l’instigation de Washington, Manille discute avec Tokyo du déploiement de troupes japonaises aux Philippines, et des forces japonaises sont présentes à Balikatan en tant qu’observateurs. Le gouvernement de Ferdinand Marcos Jr. négocie un éventuel accord avec les Japonais pour l’accès à une base. Le 7 décembre 2022, des avions de chasse japonais ont visité les Philippines pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale – une provocation stupéfiante, marquant un retour dans le pays le jour même de l’anniversaire de l’invasion.
Les préparatifs avancés de guerre mondiale, avec l’Ukraine en flammes et les sabres qui résonnent dans toute la région Asie-Pacifique, expriment la crise du capitalisme mondial. À l’instar de leurs frères et sœurs de classe du monde entier, les travailleurs philippins sont confrontés à une pauvreté extrême. Plus de 10 pour cent de la population est contrainte de chercher du travail à l’étranger, laissant conjoints et enfants derrière soi, afin de subvenir aux besoins familiaux. Le gouvernement gaspille les ressources sociales du pays en préparant la guerre avec la Chine, tandis que d’immenses richesses reviennent à une étroite couche de dynasties familiales corrompues et puissantes.
Dans le monde entier, la classe ouvrière lutte de plus en plus ouvertement contre son exploitation et contre l’appareil d’État qui la maintient. Le capitalisme n’a rien à leur offrir. Face à une classe ouvrière de plus en plus militante, face aux crises qui menacent le système financier mondial instable, l’impérialisme américain cherche à assurer ses profits en redivisant le monde par la force.
Washington est déterminé à faire la guerre et, comme il le fait en Ukraine et à Taïwan, il se présente comme le défenseur de la souveraineté du peuple philippin.
La Chine n’a jamais pris un mètre carré du sol philippin. Elle n’a jamais été une puissance impérialiste.
Les États-Unis, en revanche, ont conquis les Philippines au cours d’une guerre coloniale sanglante qui a fait des centaines de milliers de morts et écrasé les aspirations démocratiques du peuple philippin. Le Japon, qui se remilitarise aujourd’hui avec l’aide des États-Unis, a brutalement soumis le peuple philippin à trois années de terreur.
Ce sont les puissances impérialistes, et surtout Washington, qui entraînent le monde vers la guerre. On doit les arrêter.
Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IAW-RFC), le Mouvement international des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale (IYSSE) et le World Socialist Web Site organiseront un rassemblement en ligne du Premier mai le 30 avril, qui réunira des travailleurs et des jeunes du monde entier pour une lutte commune contre le capitalisme et la guerre impérialiste. Rejoignez ce combat. Inscrivez-vous dès aujourd’hui.
(Article paru en anglais le 14 avril 2023)