La Finlande a officiellement rejoint l’OTAN lors d’une cérémonie qui s’est déroulée mardi au siège de l’organisation à Bruxelles, ce qui marquait une escalade massive de la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie. L’adhésion rapide du pays à l’alliance militaire agressive est intervenue deux jours seulement après que le parti de droite de la Coalition nationale a triomphé lors des élections générales de dimanche, ouvrant la voie à un éventuel gouvernement de coalition avec le parti d’extrême droite, le Parti des Finlandais.
Soulignant le rôle dominant joué par l’impérialisme américain dans l’adhésion du pays nordique à l’alliance militaire, le ministre finlandais des affaires étrangères sortant, Pekka Haavisto, a remis au secrétaire d’État américain Antony Blinken l’engagement formel de son pays à adhérer à l’OTAN. La frontière de l’OTAN avec la Russie a plus que doublé de longueur. La frontière finlandaise, longue de 1.300 kilomètres, fait désormais partie du front de la guerre menée par les puissances impérialistes pour soumettre la Russie à un statut de semi-colonie et s’emparer de ses ressources naturelles.
Dans un discours prononcé lors de la cérémonie, le président Sauli Niinistö a déclaré: «L’ère du non-alignement militaire de notre histoire est terminée. Une nouvelle ère commence».
Il serait plus juste d’affirmer que la Finlande retrouve la position qu’elle occupait vis-à-vis des grandes puissances impérialistes dans les décennies qui ont suivi son indépendance, accordée par les bolcheviks peu après la révolution d’Octobre 1917. La Finlande a d’abord servi de base d’opérations majeure pour les blancs contre-révolutionnaires pendant la guerre civile, avant de former une alliance avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de la guerre d’anéantissement menée par Hitler contre l’Union soviétique. Le non-alignement militaire de la Finlande avait été exigé par l’Union soviétique en réponse à l’invasion des troupes finlandaises aux côtés des forces nazies et à leur participation au siège de Leningrad, aujourd’hui Saint-Pétersbourg, qui se trouve à seulement 250 kilomètres de la frontière finlandaise. La bureaucratie stalinienne craignait que la Finlande ne soit utilisée par l’impérialisme allemand ou américain pour lancer des opérations militaires contre l’URSS après 1945.
Niinistö a également fait cette affirmation improbable: «L’adhésion de la Finlande n’est dirigée contre personne. Elle ne modifie pas non plus les fondements ou les objectifs de la politique étrangère et de sécurité de la Finlande. La Finlande est un pays nordique stable et prévisible qui cherche à résoudre pacifiquement les différends».
En réalité, l’adhésion de la Finlande à l’OTAN s’accompagne d’un renforcement militaire massif dans les régions nordiques et baltes. En mars, les États-Unis ont, par provocation, fait voler un bombardier B-52 à capacité nucléaire à proximité de l’île russe de Gogland, située à 40 kilomètres de la côte finlandaise. Les troupes de l’OTAN étendront massivement leur présence dans la région et les États-Unis cherchent à obtenir leur propre accord de défense bilatéral afin de disposer d’une plus grande latitude pour mener des opérations militaires sur le territoire finlandais. Helsinki a également entamé la construction d’une barrière frontalière avec la Russie, invoquant la menace présumée d’une «guerre hybride» de la part des immigrants qui traversent le pays. Les efforts déployés actuellement pour faire entrer la Suède dans l’OTAN signifient que la Russie est entièrement entourée d’adversaires hostiles dans la mer Baltique, une zone d’une importance stratégique.
L’adhésion de la Finlande à l’OTAN est l’aboutissement de l’héritage proguerre du gouvernement de coalition sortant, dirigé par les sociaux-démocrates, qui a été battu aux élections. Bien que les sociaux-démocrates, sous la direction de la première ministre Sanna Marin, aient gagné trois sièges au parlement et légèrement amélioré leur part de voix, leurs partenaires de coalition ont vu leur soutien s’effondrer. C’est notamment le cas de la Ligue verte, dont la représentation est passée de 20 à 13 députés, et de l’ex-Alliance de gauche stalinienne, qui a vu sa représentation chuter de 16 à 11. Le Parti du centre, un autre partenaire de la coalition, basé dans les zones rurales a également perdu du terrain, passant de 31 à 23 sièges.
Les principaux gagnants sont le parti conservateur de la Coalition nationale, qui a gagné 10 sièges pour terminer avec 48, et le Parti des Finlandais d’extrême droite, qui a gagné sept sièges pour atteindre 46 députés. Étant donné qu’une majorité de 101 députés est nécessaire pour gouverner dans un parlement de 200 sièges, le PCN devra s’assurer du soutien d’un certain nombre de partis afin de finaliser une nouvelle coalition gouvernementale. Les options comprennent une coalition qui implique les sociaux-démocrates ou le Parti des Finlandais, ce qui semble le plus probable. Toutefois, certains petits partis, dont le parti populaire suédois, ont déjà fait savoir qu’ils refusaient d’entrer dans un gouvernement avec l’extrême droite, qui a des liens avec des forces d’extrême droite et fascistes dans toute l’Europe.
Quelle que soit la composition du nouveau gouvernement, celui-ci sera marqué par l’austérité pour la classe ouvrière et par la guerre, alors que la Finlande conforte son statut d’État de première ligne dans la guerre de l’OTAN contre la Russie. Petteri Orpo, chef du PCN et futur Premier ministre, s’est engagé à réduire les dépenses publiques de 6 milliards d’euros au cours des quatre prochaines années de la législature. Orpo affirme que les économies peuvent être réalisées en améliorant le secteur public et en forçant les chômeurs à retrouver un emploi.
Tous les partis établis soutiennent pleinement l’intégration de la Finlande dans l’OTAN, une décision qui subordonne le pays aux intérêts prédateurs de l’impérialisme américain et européen. Si, sous Marin, les sociaux-démocrates ont intensifié leur soutien de longue date à l’adhésion à l’OTAN, le Parti des Finlandais n’est pas moins enthousiaste. Dans un document d’orientation publié en août 2022, le parti préconise une alliance plus étroite avec l’impérialisme américain pour affronter la Russie et la Chine dans l’Arctique. Le document déclare aussi explicitement le soutien du parti à l’adhésion à l’OTAN.
Le fait que le résultat le plus probable des négociations gouvernementales soit une coalition qui implique le Parti des Finlandais est une condamnation dévastatrice de la politique «progressiste» des sociaux-démocrates et de leurs alliés de la Ligue verte et de la mal-nommée Alliance de gauche. Marin, largement saluée comme l’une des plus jeunes premières ministres du monde et considérée comme un symbole de diversité parce qu’elle a été élevée par des mères lesbiennes, a dirigé un gouvernement qui s’est attaqué à la classe ouvrière tout en armant la Finlande jusqu’aux dents et en la faisant adhérer à l’OTAN.
Marin et les sociaux-démocrates ont utilisé la campagne électorale pour souligner leur soutien à la guerre des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine. Lors d’une visite à Kiev début mars, Marin a indiqué que la Finlande envisagerait de fournir à l’Ukraine sa flotte d’avions de chasse F/A-18 Hornet, qui sont en train d’être remplacés par plus de 60 chasseurs F-35 construits par la société américaine Lockheed Martin. Elle s’est ensuite rétractée après que des représentants du gouvernement ont exprimé leur inquiétude quant à l’impact sur la capacité de la Finlande à se défendre. Lors de son séjour à Kiev, Marin a assisté, aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky, aux funérailles d’un commandant militaire ukrainien tué à Bakhmut.
Le programme de guerre de Marin est soutenu par les Verts, qui occupent le poste de ministre des Affaires étrangères dans son gouvernement, et par l’Alliance de gauche, l’organisation qui a succédé au Parti communiste finlandais. Les ex-staliniens se sont présentés comme des opposants à la guerre et à l’OTAN, allant jusqu’à déclarer en juin 2019 qu’ils ne rejoindraient la coalition dirigée par les sociaux-démocrates que si elle s’engageait à ne pas adhérer à l’OTAN au cours des quatre prochaines années. L’Alliance de gauche a rapidement abandonné cette position à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie à l’instigation des États-Unis. La direction du parti a voté à une écrasante majorité pour rester au gouvernement si une demande d’adhésion à l’OTAN était déposée.
Les syndicats ont également contribué à créer les conditions qui permettent aux partis de droite de sortir victorieux des élections en veillant à ce que le vote se déroule sans l’interférence des grandes luttes de la classe ouvrière. Au cours des derniers mois, des grèves militantes ont été déclenchées par différentes catégories de travailleurs, sous l’effet d’une inflation galopante. Cependant, toutes les luttes ont été réprimées dans le cadre du système de négociation collective et elles ont été gardées séparées les unes des autres. Une grève nationale de deux jours des conducteurs de train a débuté le 20 mars, mais elle a été abandonnée lorsque le syndicat des chemins de fer RAU a accepté un nouveau contrat pour les deux prochaines années, avec une augmentation de salaire de seulement 6 pour cent pour les cheminots. Plus tôt en mars, une grève nationale des conducteurs de bus, initialement prévue pour durer 10 jours, a été interrompue par le syndicat des transports publics AKT le troisième jour sur la base d’une maigre augmentation de salaire de 6 pour cent dans le cadre d’un contrat actuel jusqu’en janvier 2025.
Ces accords ont suivi de près la fin d’une grève de deux semaines des dockers, avec un accord qui prévoit une augmentation des salaires de 6,3 pour cent sur deux ans et le versement d’une prime de 1.100 euros à chaque travailleur. Un accord de deux ans pour les travailleurs du secteur industriel conclu début février prévoit une augmentation totale de salaire de 7 pour cent, y compris une prime exceptionnelle de 800 euros. Cet accord a permis d’éviter les grèves prévues pour le milieu du mois.
(Article paru en anglais le 5 avril 2023)