Aujourd'hui, alors que des millions de travailleurs et de jeunes défilent contre Macron et sa réforme des retraites, il est plus clair que jamais que la classe ouvrière est en lutte contre l'État capitaliste.
Il y a eu de nombreuses journées d'action nationales, sur près de trois mois. Cependant, les travailleurs se sont toujours heurtés au fait qu'ils sont en lutte contre le gouvernement Macron et que pour arriver à quelque chose, il faut d’abord faire chuter Macron.
Toute manifestation visant à faire pression sur Macron ou de le convaincre de changer d’avis est vouée à l'échec. Lorsque des millions de personnes ont manifesté et que les trois-quarts des Français s'opposaient à la réforme, Macron a utilisé le 49.3 pour passer en force, prétendant que c’était la seule façon de conserver la crédibilité de la France auprès des banques. Lorsque des manifestations de masse ont éclaté dans toute la France, et que les deux tiers des Français étaient favorables à une grève générale, Macron a simplement intensifié la répression policière.
La classe ouvrière peut faire chuter Macron par la grève générale. Cependant, le grand obstacle s'est avéré être la bureaucratie syndicale et ses apologistes politiques, qui œuvrent systématiquement pour épuiser et désorienter les manifestations. Ils calculent que plus les manifestations se prolongent sans objectif ni perspective clairs, plus les travailleurs concluront qu'il est vain de s'opposer à Macron.
En effet, après que des manifestations de masse spontanées et des émeutes ont éclaté dans toute la France contre le 49.3, Laurent Berger, le chef de la CFDT, a exigé que les travailleurs se soumettent à une «médiation» avec Macron. L'objectif, selon M. Berger, était d'éviter la violence. Les travailleurs et les jeunes ont rejeté ses arguments, sachant bien que Macron compte ne rien lâcher sur sa réforme.
Hier, la «médiation» s'est effondrée en une heure, le gouvernement ayant campé sur ses positions. Berger a poliment déclaré que la France est confrontée à «une crise sociale qui se transforme en une crise démocratique» et a convié les travailleurs à une nouvelle journée d’action. On peut prédire que des millions de personnes défileront aujourd'hui, que beaucoup seront arrêtées ou mutilées par les forces de l’ordre, et que Macron refusera toujours la moindre concession.
Macron lui-même sait très bien que les dirigeants syndicaux soutiennent son gouvernement et l’appareil d'État contre la classe ouvrière. Sinon, il ne quitterait pas le pays pour aller en Chine. Lors de l'une des nombreuses réunions et appels entre le gouvernement et les directions syndicales, l'un ou l'autre responsable syndical a sans doute dit quelque chose comme: «Hé Manu, tu peux y aller. T’inquiète, la grève est entre de bonnes mains».
Les travailleurs sont confrontés en France à un défi posé de plus en plus aux travailleurs qui entrent en lutte dans tous les pays: comment faire chuter des gouvernements déterminés à les écraser?
Le Parti de l'égalité socialiste (PES), section française du Comité international de la IVe Internationale, préconise la construction de comités de base, indépendants des appareils syndicaux, pour mener la lutte pour faire chuter Macron. Le 27 mars, nous écrivions :
Macron, ce centre névralgique des conspirations financières et policières contre le peuple, doit être renvoyé. Cela ne peut se faire, cependant, qu'en mobilisant des masses de travailleurs à la base dans une campagne pour renvoyer Macron, abolir les pouvoirs draconiens de la présidence française et préparer une grève générale contre son gouvernement. …
Il faut discuter et adopter, sur chaque lieu de travail et dans chaque école, des résolutions exigeant la chute de Macron. Des assemblées générales de travailleurs et de jeunes devront débattre et adopter ces résolutions, et des comités qu’elles formeront sur les lieux de travail pourront partager et publier ces résolutions pour unir la classe ouvrière contre Macron. Cette mobilisation indépendante, permettant aux travailleurs de prendre conscience de leur force collective, créera les conditions pour une grève générale pour chasser Macron du pouvoir.
Cette crise met à nu le rôle de classe de chaque tendance politique, en particulier des apologistes politiques des bureaucraties syndicales dans les partis petit-bourgeois de pseudo-gauche. Tous ces partis affirment que la situation n'est pas révolutionnaire et que rien ne peut ou ne doit être fait pour briser le diktat des bureaucraties syndicales sur la lutte des classes.
Alors que le NPA pablistes dénonce comme «sectaire» opposition «gauchiste» aux appareils, le POID Lambertiste fait miroiter le mirage d'une politique «révolutionnaire» des bureaucraties syndicales. LO appelle à un retrait «pur et simple» de la réforme, comme si cela pouvait se faire sans faire chuter Macron. Le groupe moréniste Révolution permanente affirme qu'il n'y aura pas de révolution et que les travailleurs devront d'abord faire plus d’expériences avec la «démocratie représentative bourgeoise».
L'indignation ressentie par ces forces face aux appels à une mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans des comités de base a conduit Jorge Altamira, dirigeant du groupe de pseudo-gauche Politique ouvrière (PO) d’Argentine, à dénoncer le PES. Altamira prétend que le PES «sabote toute action dans les syndicats, qu'il considère comme ‘bourgeois’», et qu'il appelle à «généraliser» la grève.
C’est un ensemble de calomnies. Le PES intervient dans les luttes syndicales des travailleurs pour libérer la base ouvrière du contrôle politique des appareils syndicaux petites-bourgeois liés à l’appareil d'État capitaliste. Le PES ne «sabote» pas les luttes ouvrière, mais il critique les partis petits-bourgeois comme le PO qui interviennent au sein de la bureaucratie pour tenter de renforcer son emprise sur la lutte des classes.
Et le PES n’appelle pas vaguement à «généraliser» la grève, mais à l'organisation indépendante de la classe ouvrière pour préparer une grève générale afin de chasser Macron du pouvoir, faire chuter son gouvernement et d'abolir les pouvoirs exorbitants de la présidence française.
Le développement d'un tel mouvement constituera un énorme pas en avant.
C'est la condition préalable essentielle pour gagner la revendication la plus immédiate qui pousse des masses de travailleurs en lutte: le retrait de la réforme de Macron. Cela donnera un vaste élan au développement de la lutte des classes à travers le monde. Et cela jettera les bases d'une lutte pour transférer le pouvoir aux organes indépendants de la classe ouvrière, comme fondement d'un État ouvrier et de la réorganisation socialiste de la société.