Des étudiants français critiquent la fraude de la «médiation» syndicale avec Macron

Alors que les dirigeants syndicaux vont rencontrer la Première ministre Élisabeth Borne pour une «médiation» creuse sur la réforme des retraites imposée par Macron, la colère continue à monter parmi les travailleurs et les jeunes. Hier, les journalistes du WSWS ont interviewé des étudiants sur plusieurs universités parisiennes. Ils ont souligné leur opposition à Macron, qui gouverne contre le peuple, et leur manque de confiance dans les négociations syndicales avec lui.

Comme les deux-tiers des Français, ces jeunes ont fait part de leur volonté non pas de calmer, mais d’intensifier l’opposition politique et la mobilisation contre le président des riches.

Juliette et Louis, interviewés par le WSWS devant la fac de Jussieu. A propos de l’imposition de la réforme par Macron sans vote, par recours au 49.3, Juliette a dit: «C'est absolument antidémocratique. Je pense que c'est important de prendre en compte comment il a été élu, grâce aux barrage contre l'extrême droite. Il savait qu'il n'avait pas été élu pour un programme.»

Louis a ajouté: «Quand une loi est rejetée par 90 pour cent des actifs et 70 pour cent de la population, passer en force, c'est déjà un aveu de faiblesse et un déni démocratique.»

Il a aussi critiqué les arguments de Macron selon lesquels il n’y aurait pas assez d’argent pour financer un niveau de vie décent pour les retraités: «On nous demande de travailler deux ans de plus alors qu'en fait, l'argent, on l'a. Simplement, il faut aller le chercher. On devrait taxer les grandes entreprises. Il y a une affaire sur plusieurs banques en France qui n'auraient pas payé 100 milliards d'impôts en France.»

Alors que depuis le début de la pandémie, les milliardaires de France augmentent chaque année leur patrimoine collectif de plusieurs centaines de milliards d’euros, Juliette a commenté: «C’est aberrant de rallonger de deux ans le temps de départ à la retraite pour les travailleurs alors que les 1 pour cent les plus riches ont des sommes totalement ahurissantes. On pourrait régler ce problème en mettant une taxe sur les plus riches, ça serait beaucoup plus juste.»

Elle a souligné son opposition à la «médiation» syndicale avec Macron, en disant: «Ce n'est pas maintenant qu'il faut commencer à les négocier à l'Élysée, alors que Macron ne voulait même pas entendre parler des représentants syndicaux au début du mouvement. C'est en faisant des grèves massives et des manifestations massives tous les jours, je pense que le mouvement peut avoir encore plus de poids.»

Louis a ajouté: «On a tout de suite compris que là où on gagnerait, ça serait dans la rue et pas dans les institutions. La grève, c'est le début. … Cela fait quand même deux mois, plus de deux mois que le mouvement s'est lancé. Et en fait, on a du mal à instaurer une grève vraiment reconductible dans tous les secteurs d'activité … il faut que les étudiants, justement, aillent bloquer aussi les piquets de grève pour permettre à la grève reconductible totale de se mettre en place.»

En tant que perspective, Louis a aussi soulevé l’exemple de la Commune de Paris et la prise de pouvoir par la classe ouvrière, en 1871 à l’intérieur de Paris. Il a dit: «Le système de la Commune de Paris, il est intéressant politiquement parce que c'est la mise en place d'un système de démocratie bien plus directe, où c'est avant tout des comités de quartiers, d'arrondissements qui décident et qui font remonter les informations.»

Le WSWS a aussi interviewé Norah devant la faculté de Tolbiac, qui a dit sa colère: «Macron gouverne contre le peuple, il ne fait rien pour son peuple à part nous faire des problèmes.»

Elle a ajouté, «Les gens ont raison de manifester contre la réforme des retraites. 64 ans c’est beaucoup, on est passé de 60 à 64 ans. Pour une personne âgée, ça ne doit pas être agréable de travailler jusqu’à cet âge-là, ça fatigue beaucoup. … Si on votait, je crois que tout le monde voterait pour que la retraite revienne à 60 ans, au moins.»

«Les gens ont raison de vouloir faire chuter Macron», a conclu Norah, qui a dit qu’elle ne pensait pas que la «médiation» syndicale change l’attitude de Macron. «Il s’entête, il ne va pas abandonner ça. Oui, on a essayé de parler une fois, deux fois mais on voit que ça ne fera rien. Ça ne sert à rien.»

Le WSWS a aussi interviewé Zacarias, qui s’était mobilisé dès les premières manifestations contre la réforme des retraites: «On a tout de suite voulu aller manifester et montrer qu'on était contre ça, tout simplement. Mais oui, on pense que c'est antidémocratique, clairement.»

Zacarias a souligné l’importance de la mobilisation internationale de la classe ouvrière qui se poursuit à travers l’Europe, avec une vague de puissantes grèves en Allemagne, au Royaume-Uni, au Portugal et au-delà. La question décisive, a-t-il expliqué, c’est une mobilisation internationale et coordonnée des travailleurs et des jeunes.

En France, a-t-il dit, «On se mobilise pour une loi très précise, une réforme très précise, mais ça s'inscrit juste dans un rapport entre les capitalistes qui essayent de pousser toujours plus loin le vol du travail du peuple. C'est sûr que c'est un niveau international parce que toutes les lois qui font passer de ce type là, qui sont antisociales, ils appuient la légitimité de ces lois sur un argument de la concurrence et de ‘on est obligé de rester dans la course par rapport aux autres pays’. Donc la sortie possible, elle est envisageable que dans un rapport international.»

Zacarias a réfuté l’idée que la lutte des classes serait une exception française: «Il y a une culture de la lutte en France, mais qui est envisageable aussi en Allemagne. Après, c'est sûr que ce n'est pas les mêmes mécanismes politiques qui sont en place, mais c'est complètement envisageable de faire la même chose en Allemagne.»

Il a ajouté, «Par exemple, en Angleterre, il y a eu des tentatives de manifestation, mais qui ont été complètement restreintes par le droit. Et comme les gens se plient encore à ces restrictions, les manifestations n'ont pas pu avoir l'ampleur qu'elles auraient dû avoir. ... Si on veut une vraie contestation populaire, il faudra ne pas se plier à toutes les restrictions et toutes les mesures, parce que les institutions prévoient justement d'empêcher les manifestations et la contestation.»